CGEM-Gouvernement, le malaise!

Les relations entre le gouvernement et le patronat se dégradent au point que l’on peut désormais parler de malaise. Des patrons de sociétés importantes ainsi que des dirigeants de la CGEM n’hésitent pas à parler de rupture de la confiance. Les interrogations fusent, les doléances aussi. Un point.

CGEM-Gouvernement, le malaise!

Le 29 septembre 2014 à 16h41

Modifié 11 avril 2021 à 2h36

Les relations entre le gouvernement et le patronat se dégradent au point que l’on peut désormais parler de malaise. Des patrons de sociétés importantes ainsi que des dirigeants de la CGEM n’hésitent pas à parler de rupture de la confiance. Les interrogations fusent, les doléances aussi. Un point.

Nous avons hésité au moment de choisir le titre. Froidure? Malaise? Retour de la méfiance? Rupture de la confiance? Ras-le-bol? Autisme? Il y a un peu de tout cela. En tous les cas, chacun fera sa lecture, mais les relations entre le patronat et le gouvernement sont sur la pente descendante.

Notre constat s’appuie sur des entretiens avec des patrons connus, dont des dirigeants de la CGEM. Sollicité sur l’un des dossiers litigieux soulevé par le patronat, un ministre concerné n’a pas souhaité répondre aux questions de Médias 24.

Cet article résume donc une perception négative qui fait son chemin au sein du patronat, où l’on décèle de l’amertume et de la démobilisation. C’est une perception forcément subjective, que nous avons essayé d’étayer avec le maximum de données objectives. Le malaise va bien au delà d'un simple choc d'égos. Chaque partie agit comme si elle considérait que l'autre n'en fait pas assez.

Un petit bémol à ces propos négatifs: au cours d'une réunion tenue en milieu de semaine dernière à Rabat, le ministre présent a eu un comportement rassurant et encourageant. Mais sur les faits, il y a pas mal d'inquiétudes et d'interrogations chez les patrons.

Différents points sont soulevés par nos interlocuteurs.

1. Par exemple, la vaste opération de l’administration fiscale entreprise sur les droits de timbre, révélée par Médias 24 le 23 juillet dernier.

En effet, chaque opération commerciale payée en espèces est soumise à un droit de timbre de 0.25% sur le montant global, TVA comprise.

Le texte (articles 252 B et art 257 du code général des impôts) est ancien et n’est pas clair. Mais tous les commerces sont concernés, une station service, un restaurant, une grande surface, un épicier, les professions libérales… Sachant que le délai de prescription est de 10 ans, on imagine le montant astronomique des sommes concernées. Car l’administration fiscale a demandé à de grandes entreprises concernées, telles que des grandes surfaces, de justifier le versement sur dix ans des sommes dues. Et sinon, de payer ces sommes avec pénalités.

Lorsqu'on lit la loi, on constate bien que les droits de timbre sont des droits qui sont dûs lorsqu’il y a quittance. Tous les actes payés en espèces ne sont donc pas concernés. Et, dans le cas des grandes ou moyennes surfaces, le ticket de caisse peut-il être assimilé à une quittance? On le voit, la loi elle-même, qui date d'une soixantaine d'années, n'est pas claire. Ce que l'on peut en déduire, c'est seulement qu'il y a un impôt touchant un acte physique, la quittance, sans lequel il ne peut exister.

L’art. 257 indique que les contraventions sont constatées par procès verbal dressé par des agents de l’administration fiscale et de la douane. Et si ces PV ne sont pas dressés (c’est le cas), que faire?

L’administration fiscale a adressé un premier courrier à des entreprises concernées, lui demandant de lui fournir les justificatifs. Puis elle semble, dans un second courrier, avoir entrepris la taxation d’office en assortissant sa demande d’un délai de trente jours.

Textes anciens, inappliqués, pas clairs: le patronat invoque un problème de procédure. Surtout que parmi les entreprises concernées, certaines ont déjà subi un ou des contrôles fiscaux qui n’ont pas fait ressortir de problèmes sur les droits de timbre.

La réponse de l’administration est la suivante: c’est la loi. Mais selon nos interlocuteurs, l'administration n’est pas contre l’idée d’un compromis sur ce dossier. Quand? comment? ce n’est pas précisé.

2. En juin dernier, se déclenche une seconde opération fiscale, qui cible cette fois ci les sociétés de messagerie. Celles-ci appliquent en effet un taux de 14% de TVA à leurs clients. L’administration estime qu’il faut appliquer des taux de 20% car il s‘agit d’activités de services et non d’activités de transport. Elle donne l’exemple de DHL et de La Poste. Or, celles-ci sont réellement des sociétés de services. Alors que les entreprises ciblées par l’administration, telles que la CTM-messagerie, sont des sociétés de transport et donc pour leurs activités ont appliqué une TVA de 14%.

Par exemple, la TVA est censée être neutre. Une entreprise doit-elle reverser à l’Etat 20% alors qu'elle n'a perçu que 14%? .

Mais là encore, se pose surtout un problème de procédure: les rôles sont directement émis. Il n’y a pas de contrôles, pas de discussions, pas de procédure contradictoire, on reçoit directement un rôle.

Selon nos informations, plusieurs entreprises concernées par la TVA sur la messagerie ou le droit de timbre, comptent déposer des recours devant le tribunal administratif.

3. Les délais de paiement. La loi 32-10 est venue limiter les délais de paiement à 60 ou 90 jours selon les cas. Mais le problème se pose surtout pour l’administration car la commande publique représente 180 milliards de DH en 2014. Le gouvernement a accepté que les entreprises publiques soient soumises aux mêmes délais mais voulait trouver avec le secteur privé, un compromis sur les taux des intérêts moratoires.

Aucune avancée n’a été effectuée sur ce dossier malgré les promesses. “La loi est vidée de sa substance, en écartant de fait les entreprises publiques de son champ d’application. Nous ne voulions pas une loi concernant les paiements entre entreprises privées, le plus important ce sont les entreprises publiques. Or, les promesses du gouvernement n’ont pas été tenues. C’est comme si on nous faisait de fausses promesses pour nous faire taire“, accuse ce chef d’entreprise.

Selon nos sources, la dernière proposition gouvernementale consiste à ce que le champ d’application de la loi 32-10 soit effectivement étendu au secteur public en… 2019.

4. La lutte contre l’informel, le grand tabou.

Un grand nombre d’entreprises du secteur organisé ont l’impression qu’on demande toujours les efforts aux mêmes. Ce sont toujours les mêmes qui paient. L’informel n’est pas réellement combattu, ou alors du bout des lèvres.

La contrebande, tout le monde connaît. Il y a aussi le tissu informel qui produit pour le marché intérieur, il y a des ateliers de 400 ouvriers qui ont pignon sur rue et où on ne connaît ni CNSS, ni impôts, ni TVA, ni code du travail.

Dans un Etat de droit, la loi doit être la même pour tous. “Sans s’en rendre compte, l’Etat pousse des entreprises sérieuses à basculer vers l’informel“, accuse un chef d’entreprise. L’informel, on n’y touche pas, pour préserver la paix sociale.

Mais l’informel fait que l’assiette réelle d’imposition est extrêmement réduite et donc que la pression fiscale est supportée par un faible nombre de contribuables.

5. Le remboursement du butoir de TVA. Il n’y a pas eu un seul remboursement jusqu’à présent, selon des sources professionnelles.

Le gouvernement avait évoqué le remboursement d’au moins 1,5 milliard de DH cette année. La procédure est complexe, elle prévoit énormément de pièces justificatives, sur une durée pouvant aller jusqu’à dix ans.   Selon des sources bien informées, les demandes représentent  environ 400 MDH et il n’y aura des remboursements que d’ici la fin de l’année.

6. Un problème de formes, de confiance. Il y a un retour de la méfiance, comme dans les années 80 et 90.

L’Etat ne paie pas, il a besoin d’argent, n’est pas assez volontariste sur la compétitivité. Et les entreprises, quels que soient les efforts qu’elles font, sont traitées comme si elles trichent par définition; quel que soit leur degré de transparence. C’est l’impression largement partagée, que nous avons perçue à travers des discussions avec cinq grandes figures du patronat.

“Ce sont les entreprises qui créent la valeur ajoutée et les emplois. Sans elles, le Maroc ne peut pas relever les défis des prochaines années. Il ne faut pas les démobiliser“, s’indigne cet entrepreneur qui dirige un groupe connu et respecté.

“Il y a une attitude de maître d’école. L’argument suprême que l’on nous oppose, c’est que nous ne comprenons rien. Ce n’est pas un dialogue mais une discussion avec des autistes“, ajoute un autre chef d’entreprise qui a pris part à plusieurs réunions.

La conclusion appartient à ce chef d’entreprise: “je me demande ce qu’on nous prépare dans le projet de loi de Finances, car il y a toujours des surprises“.

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