A Oujda, “ces oliviers qu’on abat!”

Un arrêté municipal pris par la commune d'Oujda exige des habitants propriétaires d'oliviers de procéder à leur déracinement. Ils auront jusqu'au 31 décembre 2014 pour les retirer. Sur Facebook, la contestation bat son plein. Tour d'horizon des arguments ou réactions des uns et des autres.

A Oujda, “ces oliviers qu’on abat!”

Le 22 septembre 2014 à 17h11

Modifié 27 avril 2021 à 22h31

Un arrêté municipal pris par la commune d'Oujda exige des habitants propriétaires d'oliviers de procéder à leur déracinement. Ils auront jusqu'au 31 décembre 2014 pour les retirer. Sur Facebook, la contestation bat son plein. Tour d'horizon des arguments ou réactions des uns et des autres.

L’émotion est palpable. La décision de déraciner tous les oliviers de la ville d’Oujda, dont les détails ont été révélés par Médias 24, suscite colère et indignation et très très peu de compréhension.

"On ne voit ça qu'à Oujda ou en Israël !", s'indigne un membre du groupe Facebook "Touche pas à mon olivier". Créé après la décision contestée du Conseil de la ville d'Oujda de retirer les oliviers, il regroupe, jusqu'à aujourd'hui, 304 membres.

C'est ici que la résistance s'organise, à coups de statuts, de poèmes et de photos d'arbres arrachés.

 

 

 

Ce qu’en dit le maire

Médias 24 a repris contact avec Omar Hjira, maire de la ville d'Oujda. Il n'est pas au courant de la création du groupe FB.

S'il sait que sa décision a soulevé des critiques, il estime que la prendre "était nécessaire, car nous avons reçu plusieurs plaintes et réclamations de la part de citoyens allergiques, qui souffrent beaucoup en raison de l'allergie au pollen", nous a-t-il déclaré, poursuivant que la décision de retirer les oliviers de la ville "a été votée à l'unanimité par le Conseil de la ville. Même l'opposition s'y est montrée favorable. Ceux qui critiquent cette décision ne sont pas touchés par l'allergie au pollen. Et il y a plus d'Oujdis satisfaits de cette décision que d’Oujdis mécontents". 

Les arbres retirés seront, toujours selon M. Hjira, replantés dans la périphérie de la ville. "Quant à ceux qui appartiennent à des particuliers, ils pourront les revendre à des pépinières, ou en disposer comme ils le souhaitent", a-t-il précisé.

Fait-il marche arrière?

En revanche, il dément vouloir retirer tous les oliviers d'Oujda: "on en gardera, plantés dans certains espaces. Nous nous concerterons avec les médecins, afin de les garder là où leur pollen risque le moins d'atteindre la population".

Mais des photos publiées, ces derniers jours, dans le groupe Facebook "Touche pas à mon olivier" montrent certains arbres fraîchement sciés, découpés et empilés, ou d'autres arrachés de telle manière qu'ils ont été rendus impossibles à replanter. Le membre du groupe qui a posté les photos assure qu'elles sont récentes.

Arrachage pour raisons sanitaires

La décision de retirer les oliviers a, selon le Conseil de la ville, été prise suivant une recommandation du Bureau municipal d'hygiène d’Oujda.

El Hassan Aouissi, médecin directeur du bureau, explique à Médias24 que "l'olive de ces arbres ne doit pas être consommée car touchée par la pollution".

Il estime que, privé de cet usage, "l'olivier est donc planté comme arbre décoratif, alors qu'il y a d'autres arbres, moins allergènes, destinées à cela".

Était-il possible de prendre une mesure moins radicale que celle de retirer les oliviers ? "Tout le monde ne possède pas suffisamment d'argent pour se vacciner contre l'allergie au pollen, car ce vaccin n'est vendu que dans le privé", répond-t-il. 

En réalité, il y a plusieurs vaccins contre l'allergie. Certains existent au Maroc, et l'un d'eux est remboursable par des mutuelles.

Pour justifier sa décision, le Conseil de la ville a dit qu'une étude diligentée par le Bureau municipal d'hygiène de Oujda a conclu à la nécessité d’éradiquer les oliviers. Pourtant, M. Aouissi nous a déclaré "qu'il n'y a pas eu d'étude. J'ai synthétisé les résultats de plusieurs recherches réalisées dans ce sens par plusieurs pays".

"Une mesure inefficace"

"C'est une première au Maroc ! On n'a jamais fait ça, sauf en cas de pandémie", s'indigne Samir Osman, pharmacien et membre du groupe "Touche pas à mon olivier".

"On retire des centaines de milliers d'arbres, parce que 10 ou 15% seulement des habitants de la ville sont touchés par l'allergie, et l'allergie ne dure que deux mois", poursuit-il.

Il estime que "les allergies mises en cause ne sont pas toutes dues aux oliviers. D'ailleurs, on ne sait jamais quel pollen est précisément coupable d'une allergie, car les allergies sont croisées".

Pour lui, ainsi que pour les membres du groupe, il était possible de prendre des mesures moins radicales: "réduire, par exemple, le nombre d'oliviers plantés, en retirant seulement ceux situés près des quartiers résidentiels", propose-t-il.

"Nous pensons qu'il y a tout un business et des intérêts derrière cette décision. L'opération d'arrachage sera faite par une entreprise. Il y a donc un marché. Puis les arbres seront découpés en plusieurs tonnes de bois pur et de valeur à vendre. Ensuite, les oliviers seront remplacés par d'autres arbres, qui viendront certainement de pépinières", accuse-t-il, poursuivant que "d'autres villes comme Meknès ou Marrakech comptent autant d'oliviers qu’Oujda. Pourquoi leurs élus n'ont pas décidé de les arracher?". "Une décision pareille ne peut pas être prise par arrêté municipal. C'est le ministère de la santé qui doit dire si ces arbres posent problème ou pas".

La décision d'arracher les oliviers est aussi contestée par des médecins.

Dans une tribune publiée par le site Oujda City, le Dr Abdelkader Abid écrit que ce "serait une vraie catastrophe pour un résultat nul, car les pollen dont on veut se débarrasser ne viennent pas des quelques oliviers plantés dans la cité millénaire, mais proviennent plutôt des centaines des milliers d’arbres plantés dans la périphérie proche de la ville et lointaine de la ville. Pour ceux qui ne le savent pas, l’olivier est une plante anémophile, c’est à dire que c’est une plante dont le pollen est disséminé par le vent (...). Le pollen de l’olivier a la particularité d’être transporté sur des distances dépassant les 15 km (...). En présence de courants ascendants comme c’est le cas dans la zone de l’Oriental, le pollen d’olivier est susceptible d’être transporté  sur plusieurs centaines de km. Si vraiment la raison est de préserver la population Oujdi contre les allergies dues au pollen d’olivier, il faut arracher tous les oliviers situés aux alentours immédiats ( Angad, Beni Drar, Beni Oukil, Sidi moussa) et lointains (Ahfir, Berkane, Zaio, Nador, Laayoun, Taourirt, Guecif, Taza et même Fès et Meknès etc…).

Au final, la décision de la commune a certes été prise à l'unanimité et sur la base de constats médicaux non négligeables même s'ils sont difficiles à quantifier. Mais le maire a eu du mal à donner toute sa légitimité à cette décision et à communiquer autour. Le rejet par la population semble bien réel.

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