Au Maroc, le phénomène du “trolling“ prend de l’ampleur

Si vous êtes présents sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, Twitter et Youtube, vous êtes probablement déjà tombés sur des détournements d’images et des vidéos parodiques qui relèvent du "trolling".  

Au Maroc, le phénomène du “trolling“ prend de l’ampleur

Le 10 juillet 2014 à 13h57

Modifié 11 avril 2021 à 2h36

Si vous êtes présents sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, Twitter et Youtube, vous êtes probablement déjà tombés sur des détournements d’images et des vidéos parodiques qui relèvent du "trolling".  

Engendré par les réseaux sociaux, le trolling a trouvé un acheteur sur la toile marocaine, puisque chaque phénomène de société y passe au peigne fin. Mais au-delà de sa légèreté apparente, son aspect humoristique et sa visée divertissante, le trolling peut être un moyen efficace de palper le pouls d’une société, d’un point de vue sociologique.

Zoom sur un phénomène qui fait chavirer les internautes marocains.

Trolling à la sauce marocaine

Depuis que le web s’est emparé du trolling, nombreux sont ceux qui se sont transformés en trolleurs en série. En effet, les pages Facebook, les mèmes et les podcasts sarcastiques sont légion et ne se comptent plus.

Moroccan Trolls reste aujourd’hui la page de référence en matière de trolls marocains. Ses administrateurs s’évertuent à synthétiser les anecdotes vécues au quotidien par les Marocains, tels qu’une interaction avec un chauffeur de taxi, un voyage à bords des transports en commun ou encore une rencontre de foot, et ce principalement à travers les mèmes.  

Dans la foulée des pages qui s’intéressent aux sujets généraux, la page Moroccan Demotivational Posters fait du détournement d’images de manière à faire référence à un thème connu et vécu par tout un chacun.

Quant aux pages Humour politique et Humour politique II, qui totalisent à elles deux plus de 350 mille followers, elles s’attellent à démystifier la politique en commentant avec sarcasme les déclarations et décisions des hommes politiques marocains.

Nous retrouvons, dans un autre registre plus structuré et élaboré, des parodies de sites d’information qui, à coup de pastiches et d’informations altérées ou carrément erronées, réussissent à troller le lectorat.

C’est le cas de Le36 et de rGoud dont les articles respectifs ont fait tomber les plus grands journaux du pays dans le panneau.

Parallèlement à ces pages, une nouvelle mode semble voir le jour sur la toile marocaine ; celle des podcasteurs dont les chaînes Youtube connaissent un franc succès.

C’est le cas de Mohammed Tsouli et de Marouane Lamharzi Alaoui dont la première vidéo sarcastique a totalisé plus de 48.700 vues en seulement 5 jours.

Nous retrouvons, en dernier lieu, un nombre conséquent de photos et de vidéos liées au trolling et partagées à grande échelle par les utilisateurs marocains des réseaux sociaux mais dont la provenance reste souvent inconnue.

Suite à la publication sur les réseaux sociaux d’une photo de la députée de l’USFP Latifa Ziouani la montrant en train d’offrir un yaourt à une famille nécessiteuse, une série de détournements de cette même photo a envahi la weboma (voir Diaporama). Il en va de même pour Hamid Chabat qui a posté, à l’occasion du mois de Ramadan, des photos de lui en train de prier chez lui (voir Diaporama).

Ce que révèle le trolling sur une société : l’avis des sociologues

Il est communément admis que le trolleur a pour but principal de provoquer une polémique et de nourrir des débats  qui génèrent, de par leur nature, de vives réactions.

Au-delà de son aspect provocateur, le troll est assimilé par beaucoup à la manifestation d’une volonté de manipulation nourrie par son créateur, sa finalité étant d’entraîner l’internaute dans un terrain glissant et dans une controverse houleuse sans issue.

Pour Jean Zaganiaris, sociologue et enseignant-chercheur à l’Ecole de Gouvernance et d’Economie de Rabat, le trolling est un phénomène de mode malsain, sans valeur ajoutée, puisque les discussions collectives générées par les trolleurs entraînent naturellement des situations d’affrontement et de confrontation.

"C’est très cynique parce qu’on attaque de manière polémique les participants. On les provoque pour que la rationalité des arguments laisse la place à la violence des passions et ensuite, on offre cela en spectacle sur la toile", ajoute-t-il.

Par ailleurs, le phénomène du trolling ne serait, selon lui, rien d’autre que la manifestation et le reflet des déficits de la démocratie. Le sociologue conclut: "On est aux antipodes des pratiques vertueuses de la délibération chez Aristote, de la construction logique du discours dont parle Averroès ou bien de la confrontation pacifique des idées évoquées par Habermas".

Mais tous les sociologues ne s’accordent pas sur la question. Dans un article publié en 2012 sur son blog personnel, le sociologue Antonio Casilli, dont le domaine de prédilection est la sociologie des réseaux sociaux, avance que les productions des trolleurs sont loin de la perversion et du narcissisme qui leur sont prêtés à tort et à travers.

Pour lui, il faut d’abord comprendre que le trolling, de par ses dimensions collective et inclusive, est un processus social. "Les gens trollent pour provoquer des modifications dans le positionnement structurel des individus au seins des réseaux", écrit-il dans son article.

Si certains trollent pour divertir les internautes, d’autres le font "pour contester l’autorité des autres et remodeler les hiérarchies établies dans les forums de discussions ou les médias en ligne".

Le trolling est donc, pour lui, un phénomène à appréhender avec sérieux puisqu’en découle une refonte des structures sociales en ligne.

Mais plus important encore, le sociologue explique que l’acharnement des politiques envers les trolleurs n’est qu’une tentative de démontrer la légitimité de leur domination sur "les espaces de discussion civilisés (ndlr : polis) que les démocraties modernes considèrent toujours comme leur espace politique idéal".

Comme Jean Zaganiaris, Antonio Casilli fait référence à Habermas sur la nécessité de repenser la notion d’espace public: "L’existence même de trolls anonymes, intolérants et aux propos décalés témoigne du fait que l’espace public (défini par le philosophe allemand Jürgen Habermas comme un espace gouverné par la force intégratrice dulangage contextualisé de latolérance et de l’apparence crédible) est un concept largement fantasmatique".   

En conclusion, il faudra retenir du phénomène du trolling les méthodes teintées d’ironie et d’absurde auxquelles il fait appel pour dénoncer des fléaux de la société ou certains comportements sociaux.

L’agressivité qui le caractérise est donc simplement due au fait que le trolleur jouit d’une distance émotionnelle des parfaits inconnus que sont les internautes auxquels il est perpétuellement confronté.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

TAQA Morocco: AVIS DE CONVOCATION DES ACTIONNAIRES À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE ANNUELLE

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.