Egypte: La condamnation de militants fait redouter un retour de l'Etat policier
La condamnation à la prison en Egypte de trois figures de la révolte qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir fait redouter un retour à un Etat policier et érode les espoirs de démocratie suscités par la fin d'un régime autoritaire.
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Le 23 décembre 2013 à 14h29
Modifié 23 décembre 2013 à 14h29La condamnation à la prison en Egypte de trois figures de la révolte qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir fait redouter un retour à un Etat policier et érode les espoirs de démocratie suscités par la fin d'un régime autoritaire.
Reconnus coupables de « manifestation illégale », Ahmed Maher, Ahmed Douma et Mohamed Adel sont devenus dimanche les premiers manifestants non islamistes condamnés depuis que l'armée a destitué le président islamiste Mohamed Morsi le 3 juillet et que le nouveau pouvoir a dirigé de facto par les militaires réprime implacablement ses partisans. Un autre militant, Alaa Abdel Fattah, inquiété sous Moubarak puis sous la junte militaire qui lui a succédé avant l'élection de Morsi, attend son jugement dans une affaire similaire. Pour les experts, ces affaires menacent les progrès réalisés ou promis depuis la chute de Moubarak. Pour 14 ONG égyptiennes, dont l'influente Initiative égyptienne pour les droits de l'Homme, elles signifient le retour d'un « Etat policier plus brutal que jamais ».
Sarah Leah Whitson, directrice de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, près de trois ans après la chute de Moubarak, « les forces de sécurité se sentent plus fortes que jamais et sont toujours déterminées à écraser le droit des Egyptiens à manifester contre les actions de leur gouvernement ». Les nouvelles autorités se sont récemment attiré les foudres de nombreux militants, dont certains leur avaient pourtant apporté un temps leur soutien lorsqu'il s'agissait d'obtenir le départ de M. Morsi. Le 3 juillet, l'armée avait affirmé exaucer le désir de millions de manifestants descendus fin juin pour réclamer le départ du premier président élu démocratiquement d'Egypte. Mais moins de cinq mois plus tard, les autorités intérimaires promulguaient une loi interdisant toute manifestation n'ayant pas obtenu l'aval du ministère de l'Intérieur, une mesure jugée « liberticide » à l'étranger.
De plus, ce jugement sévère intervient quelques jours à peine après l'acquittement dans une affaire de corruption des deux fils Moubarak et d'Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre de Moubarak et candidat malheureux au second tour de la présidentielle contre Morsi. Aujourd'hui, le tour de vis sécuritaire ne vise plus seulement les Frères musulmans -la confrérie de M. Morsi qui avait remporté toutes les élections depuis la révolte de 2011 décimée par une répression qui a fait plus de 1.000 morts et l'emprisonnement de ses chefs- mais aussi les militants pro-démocratie. « L'emprisonnement de militants est un vrai retour en arrière dans le processus engagé à la chute de Moubarak », estime James Dorsey, spécialiste du Moyen-Orient, évoquant une « atmosphère de peur voire d'intimidation ».
La transition en question Alaa Abdel Fattah a été arrêté à son domicile un soir et son épouse a dit avoir été « frappée » lors de cette interpellation. Mohamed Adel a été arrêté dans les locaux d'une ONG mise à sac par des dizaines de policiers en civil. Pendant ce temps, Chafiq et les deux fils de Moubarak étaient acquittés. Pour les militants, les méthodes comme les accusations n'ont pas changé par rapport à l'avant- « révolution ». « Il est clair que le pouvoir laisse désormais la responsabilité exclusive du dossier de l'activisme politique et public à l'appareil sécuritaire, comme cela était le cas » du temps de Moubarak, accuse ainsi le communiqué des 14 ONG égyptiennes. « Dans les faits, (le régime) conserve un pouvoir autocratique. Si l'on ajoute à cela la loi sur les manifestations, il n'y a plus qu'un espace extrêmement réduit pour la contestation », note M. Dorsey, chercheur à l'Ecole d'études internationales S. Rajaratnam de Singapour.
Les experts s'interrogent sur les réelles intentions des autorités quant à la « feuille de route » annoncée par l'armée et qui promet une transition démocratique, dont la première étape sera un référendum sur la nouvelle Constitution les 14 et 15 janvier, avant des élections législatives et présidentielle mi-2014.Pour Hassan Nafaa, professeur de Sciences politiques à l'Université du Caire, le jugement de dimanche « est une opération de sabotage contre le front qui soutenait la feuille de route » et qui incluait notamment le mouvement du 6-Avril, fondé par M. Maher. Le groupe, fer de lance de la révolte de 2011, a soutenu la transition mais lui a retiré son soutien dimanche soir.
(Avec AFP)
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Modifié 23 décembre 2013 à 14h29