Après la décision du tribunal administratif, pourquoi l’Etat est responsable des effets secondaires des vaccins

JUGEMENT. Le tribunal administratif de Rabat a condamné l’Etat marocain sur la base de la "responsabilité pour les risques". Une expertise judiciaire a établi le lien de causalité entre le vaccin AstraZeneca et l’apparition du syndrome de Guillain-Barré chez une citoyenne qui souffre aujourd’hui encore de certains symptômes. Les détails d’un jugement inédit.

Après la décision du tribunal administratif, pourquoi l’Etat est responsable des effets secondaires des vaccins

Le 10 mai 2024 à 7h50

Modifié 10 mai 2024 à 13h30

JUGEMENT. Le tribunal administratif de Rabat a condamné l’Etat marocain sur la base de la "responsabilité pour les risques". Une expertise judiciaire a établi le lien de causalité entre le vaccin AstraZeneca et l’apparition du syndrome de Guillain-Barré chez une citoyenne qui souffre aujourd’hui encore de certains symptômes. Les détails d’un jugement inédit.

En pleine crise sanitaire, l’Etat avait imposé la vaccination contre le Covid-19. Sans être forcément fautif, il est responsable des risques liés aux effets indésirables du vaccin. C’est le substrat du jugement condamnant le ministère de la Santé à dédommager une citoyenne victime de complications graves (syndrome de Guillain-Barré) suite à l’injection du vaccin AstraZeneca.

Le jugement a été rendu par le tribunal administratif de Rabat. Il astreint le ministère de Khalid Aït Taleb à verser 250.000 DH à la victime. Dans un article précédent, Médias24 avait publié le dispositif de la décision datée du 9 février 2024. Désormais disponible, la copie exhaustive de la sentence permet d’analyser les motivations des juges. Et elles révèlent un cas inédit dans l’histoire marocaine du contentieux administratif.

D’abord, une information de taille : dans ce vaste litige, la victime a été assistée par feu Me Abdelaziz Nouyadi, grand avocat qui décèdera trois mois après le verdict. Il laisse derrière lui ce qui ressemble à un héritage sur le plan jurisprudentiel.

L’affaire a été amorcée sur une saisine déposée en juin 2022. La requérante, une professeure universitaire, y dit avoir subi de "graves complications" suite à l’injection, un an plus tôt, du vaccin AstraZeneca. Elle évoque l’apparition du syndrome de Guillain-Barré, qui lui a été reconnu par le centre de pharmacovigilance rattaché au ministère de la Santé. Parmi les symptômes, une paralysie bilatérale de la face et des membres inférieurs.

Malgré les démentis du ministère, la version de la demanderesse sera entérinée au cours du procès par une expertise ordonnée par les juges. Le rapport ajoute des détails supplémentaires : si une partie des symptômes se sont estompés quelques mois après l’injection, d’autres accompagnent aujourd’hui encore cette enseignante, qui souffre de "dépression, d’insomnies, de migraines, en plus d’un affaiblissement des muscles d’un côté du visage". Notons que la littérature scientifique comprend désormais de nombreux travaux sur le risque du syndrome de Guillain-Barré. En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé rapporte que les vaccins à ARN messager (Pfizer, Moderna) n’augmentent pas le risque de cette affection, contrairement aux vaccins à Adenovirus. L’Agence européenne du médicament avait déjà ajouté un avertissement dans les notices des vaccins AstraZeneca et Janssen.

Après examen minutieux, couplé à un recoupement avec les études scientifiques portant sur des cas similaires, les conclusions de l’expert sont sans appel : il existe bel et bien un lien de causalité entre le vaccin et l’état de la requérante. Le rapport établit "une incapacité totale temporaire de 432 jours" et "une incapacité partielle permanente de 15%". Des éléments décisifs dans la fixation de l’indemnité. Mais en quoi l’Etat est-il responsable ?

L’Etat a imposé le vaccin, il doit en assumer les risques

"Il incombe à l’Etat de protéger les citoyens contre les dommages occasionnés par les risques de la vaccination contre le Covid-19, surtout qu’il les a appelés avec insistance à l’injection des vaccins", estime le tribunal administratif. D’autant que le gouvernement ne s’est pas contenté d’inciter à la vaccination ; "il a même restreint les non vaccinés dans leur vie quotidienne", enfonce la formation présidée par la juge Hajar Essaidi.

L’autre élément de la responsabilité réside dans le fait que c’est l’Etat qui a géré "l’octroi des autorisations et visas" à ces vaccins, dont le produit AstraZeneca, ajoute le jugement.

Cette responsabilité de l’Etat s’inscrit dans le cadre de la "responsabilité pour les risques". Pour l’établir, il suffit de prouver le préjudice et le lien de causalité sans s’arrêter sur l’existence ou non d’une faute de l’administration.

En l’occurrence, "l’Etat est responsable des vaccins auxquels il a octroyé son autorisation, abstraction faite du caractère obligatoire ou facultatif de la vaccination. Quand il autorise un vaccin, la décision doit être étudiée et la responsabilité du fait des risques doit être assumée vis-à-vis des citoyens sans que ces derniers ne soient obligés de prouver une faute", étaye la juridiction administrative.

Pour se défendre, l’Etat ne peut pas invoquer l’instauration de la vaccination dans des "circonstances exceptionnelles", estime le tribunal, qui rappelle les dispositions d’une résolution des Nations Unies datée de 2003. Laquelle énonce que "c’est à chaque État qu’il incombe au premier chef de prendre soin des victimes de catastrophes naturelles et autres situations d’urgence se produisant sur son territoire".

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