La Samir: Rebondissement inattendu dans la validation de la créance de la Douane
Le juge-commissaire de la juridiction commerciale s’est déclaré incompétent. Nouveau dossier attendu devant le tribunal administratif. Une décision qui soulève des questions.

Le 18 décembre 2019 à 16:54
Modifié le 19 décembre 2019 à 12:50Trois ans de procédures pour une non-décision. Par une ordonnance rendue le 17 décembre, le juge-commissaire chargé de la liquidation de la Samir s’est déclaré "incompétent" à statuer sur la créance de l’Administration des douanes et impôts indirect.
La Douane est le principal créancier de la Samir. Ses 16,7 MMDH sont constituées de "droits, taxes et frais de recouvrement" qui ne relèvent pas de la compétence du juge-commissaire, selon l’ordonnance dont nous n’avons consulté que la minute.
Les attendus n’ont pas encore été communiqués. Mais dans les milieux proches du dossier, on se pose des questions quant à la portée et aux conséquences de la décision. Car si, en apparence, elle semble aller contre les intérêts de la Douane, qui voit l’admission de sa créance repoussée sine die, la réalité est beaucoup plus complexe.
D’abord, où ira ce dossier ? S’il est rouvert, il sera porté devant le tribunal administratif. Et c’est sur la Samir que pèse l’initiative de sa réouverture. L’article 731 lui impose, à travers son syndic Abdelkbir Safadi, d’intenter une action dans un délai de deux mois. A défaut, le raffineur sera réputé avoir "renoncé à la contestation". Sur les 16,7 MMDH, il ne reconnait que 9,4 MMDH.
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Nous nous dirigeons donc vers un nouveau litige, devant une nouvelle juridiction qui devra s’enquérir de documents rassemblant des milliers de pages. Difficile de prévoir une issue rapide au dossier. Pourquoi l’incompétence survient trois ans après l’ouverture de la procédure ? Une décision plus diligente aurait économisé du temps, de l’argent et des efforts à toutes les parties.
Si elle perd le procès au tribunal administratif, la Samir risque d’y laisser des plumes. La raffinerie sera amenée à verser des dépens correspondant à 1% de la somme jugée en frais de procédure devant le tribunal. Soit éventuellement 160 MDH (1% des 16 MMDH) à puiser dans les caisses de la Samir. Sans compter les futures charges liées à une procédure qui s’annonce longue. Le syndic y a-t-il songé lorsqu’il a soulevé l’incompétence du juge-commissaire ? La Douane s’y était en premier lieu abstenue pour, justement, éviter d’alourdir le passif de la raffinerie en crise. Mais a finalement rejoint le syndic dans ses prétentions.
Par ailleurs, consulter les motivations de la décision nous renseignera sur son bien-fondé. Si les "taxes, droits et frais de recouvrement" ne relèvent pas du juge-commissaire, il n’en demeure pas moins que dans une décision précédente, ce même magistrat a validé la créance de l’administration fiscale de Mohammedia (48 MDH) ou la Trésorerie générale de la même ville (42 MDH).
Reste un élément en suspens. Tout en se déclarant incompétent sur un volet, le juge-commissaire a choisi de tempérer sur un deuxième : Les amendes prononcées au pénal contre la Samir et au profit de la Douane. Au total, on compte plus de 50 MMDH pour différentes infractions douanières ou de changes. Ce dossier est actuellement examiné par la Cour d’appel de Casablanca. Dans son ordonnance, le juge a constaté "l’existence d’une action en cours".
La Douane n’est pas le seul créancier sur la liste d’attente. Selon nos sources, le total des créances en cours de vérification dépasse les 5,4 MMDH, dont 1,8 MMDH au titre des créances privilégiées et 3,6 MMDH chirographaires. Les créances rejetées totalisent quant à elles au moins 3 milliards de dirhams, tandis que celles admises dépassent les 10 MMDH.
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Abdelali El Hourri
Le 18 décembre 2019 à 17:20
Modifié le 19 décembre 2019 à 12:50