Croissance économique mondiale : le mirage impossible de la demande

Le 14 mars 2014 à 11h42

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Les années fastes de l’économie mondiale sont révolues. Pourtant les responsables politiques continuent de porter leur attention sur la gestion à court terme de la demande globale dans l’espoir de ressusciter les taux respectables que connaissaient les économies avant la crise financière. Ils se fourvoient.

Lorsque l’on analyse les facteurs de croissance des théories économiques néoclassiques – la main-d’œuvre, le capital et la productivité totale des facteurs – il est clair que les politiques de stimulation de la demande ne peuvent durer à long terme, ni même servir de mesures temporaires.

 

VARSOVIE – Évaluons chacun de ces facteurs de croissance. Dans les 15 prochaines années, l’évolution de la démographie renversera, ou, au mieux, freinera la croissance de l’offre de main-d’œuvre partout sauf en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie centrale du Sud. L’Europe, le Japon, les États-Unis et éventuellement la Chine et l’Asie de l’Est seront confrontés à des pénuries de main-d’œuvre.

Même si l’immigration de masse des régions où la main-d’œuvre abonde vers les régions en déficit profite aux économies, elle entraînerait fort probablement des résistances au sein des populations, surtout en Europe et en Asie de l’Est, compliquant les appuis au phénomène. L’augmentation du taux de participation au marché du travail, en particulier chez les femmes et les aînés, pourrait réduire la demande excédentaire pour la main-d’œuvre, mais serait, à elle seule, insuffisante pour contrer la baisse des populations en âge de travailler.

L’économie mondiale ne peut compter non plus sur un niveau plus élevé d’investissement. L’impact de l’investissement sur le PIB, surtout dans les économies avancées, s’est peu à peu affaissé au cours des 30 dernières années, et il n’y a aucune raison évidente pour laquelle il se remettrait à grimper à moyen ou long terme. Jusqu’à récemment, les hausses rapides de l’investissement des marchés émergents, surtout en Asie, ont atténué la baisse de l’investissement dans le monde développé. Mais le taux élevé d’investissement dans ces régions sont aussi intenables. Comme au Japon dans le passé, le taux d’investissement en Chine (navigant à presque 50 % du PIB depuis 2009) fléchira à mesure que progresse le revenu par habitantdu pays.

Le troisième moteur de croissance, la productivité totale des facteurs, ne pourra pas non plus maintenir les gains répétés qu’a connus l’économie mondiale à partir de la fin des années 1990 jusqu’au milieu des années 2000. À cette époque, l’économie mondiale tirait parti de la confluence de plusieurs développements indépendants : la révolution des technologies de l’information et des communications ; le « dividende de la paix » issu de la fin de la guerre froide et la mise en place de réformes de marchés dans bon nombre d’anciennes économies communistes ou d’autres économies en développement. Qui plus est, l’aboutissement des négociations pour le libre-échange du Cycle d’Uruguay en 1994 et la libéralisation générale des mouvements de capitaux est venu donner un coup de fouet additionnel à la croissance mondiale.

Les obstacles à la croissance

Il n’est pas facile de trouver une impulsion de croissance de même ampleur – que ce soit en innovations ou en politiques publiques – dans l’économie d’aujourd’hui. Aucune nouvelle révolution technologique ne semble poindre à l’horizon. L’Organisation mondiale du commerce n’a obtenu qu’un accord limité à Bali en décembre, malgré 12 années de négociations, au même moment où de nombreux accords des échanges bilatéraux et régionaux pourraient bien réduire le volume total du commerce mondial.

Pis encore, à la veille de la crise financière de 2008, la croissance poussive et le chômage élevé dans les pays développés ont enflammé les pressions pour un protectionnisme accru. La libéralisation financière des années 1990 et du début des années 2000 sont donc également menacées.

Les effets des grandes réformes politiques et macroéconomiques de la période d’après-guerre froide semblent s’être estompés. Les gains faciles sont déjà engrangés ; toute autre réforme structurelle prendra plus de temps à aboutir et sera plus difficile à mettre en vigueur.

Aussi, puisque les facteurs de production n’alimentent plus la croissance mondiale, nous devons revoir nos attentes sur ce que les politiques monétaires et fiscales peuvent accomplir. Si la croissance actuelle est déjà proche de la croissance potentielle, le fait de perpétuer les stimuli fiscaux et monétaires actuels ne fera que créer d’autres bulles financières et aggravera les problèmes de dette souveraine. De plus, la réduction de l’accès à l’épargne mondiale pour le financement des investissements privés grève les perspectives de croissance.

Les responsables des politiques devraient plutôt s’attacher à désengorger les économies de leurs entraves structurelles et institutionnelles. Dans les marchés avancés, ces freins à la croissance découlent en grande partie du déclin et du vieillissement de la population, du manque de souplesse des marchés du travail, d’un État providence trop coûteux, de taxes faussant les calculs économiques et d’un taux d’endettement élevé de l’État.

La liste des obstacles à la croissance dans les marchés émergents est encore plus longue : la corruption et la faiblesse de l’État de droit, la confiscation arbitraire de biens par l’État, le crime organisé, les infrastructures malmenées, le manque de qualifications de la main-d’œuvre, l’accès limité au financement et l’étatisation exagérée de l’économie. En outre, des marchés de toute taille à différents stades de développement subissent encore les effets négatifs du protectionnisme, des restrictions des mouvements de capitaux étrangers, de la montée du populisme économique et des programmes sociaux laxistes ou mal ciblés.

Si ces problèmes peuvent être réglés à l’échelle mondiale et nationale, nous pourrons nous passer des politiques fiscales et monétaires expansionnistes périlleuses dont dépend en ce moment l’économie mondiale et ainsi pérenniser la croissance, quoiqu’à un niveau inférieur.

Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier

© Project Syndicate 1995–2014

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