Angelina Jolie n’est pas seule

Le 17 juin 2013 à 8h58

Modifié 10 avril 2021 à 4h04

NEW YORK – Le 26 mai, la tante d’Angelina Jolie, Debbie Martin, est décédée d’un cancer du sein, à l’âge de 61 ans. La mère d’Angelina Jolie, Marcheline Bertrand, s’est éteinte à l’âge de 56 ans des suites d’un cancer des ovaires, une maladie liée aux mêmes causes.    

Deux semaines avant la mort de Debbie Martin, Angelina Jolie a révélé qu’elle avait subi une double mastectomie préventive après avoir découvert qu’elle était porteuse d’une mutation du gène BRCA1 – qui multiplie par 5 le risque d’un cancer du sein et par 28 celui d’un cancer des ovaires.

Le test de dépistage d’une mutation du gène BRCA coûte cher – près de 3500 dollars. Aux Etats-Unis, les compagnies d’assurance ne le prennent en charge que si un parent au premier degré, par exemple la mère d’une femme, a eu un cancer du sein ou des ovaires. Il faut sinon débourser soi-même cette somme. Compte tenu des avantages d’un geste préventif, ce test a donné lieu à une vive controverse liée au fait que son producteur, Myriad Genetics, détient un brevet sur ce test qui lui en donne le monopole – et des profits substantiels.

La révélation d’Angelina Jolie jette un nouvel éclairage sur cette question. De manière plus générale, elle est l’une de ces rares actrices et sex-symbols, comme Madonna et quelques autres, qui choisit le sens qu’elle veut donner à sa célébrité. Pour Jolie, cela signifie souvent se servir de son statut d’icône pour faire progresser un ordre du jour positif, que ce soit la question des réfugiés syriens en Jordanie ou la sensibilisation au cancer du sein.

La révélation de sa mastectomie – et le soutien affirmé de son compagnon, Brad Pitt – ont provoqué une réaction enthousiaste des médias populaires, y compris des tabloïdes qui l’avaient autrefois vilipendée comme «l’autre femme» qui avait ruiné le précédent mariage de Pitt. Un aspect de cette histoire – un sex-symbol qui sacrifie ses seins dans l’intérêt de ses enfants, avec le soutien entier de son compagnon – est profondément rassurant pour les femmes de culture occidentale.

L’on peut toutefois être raisonnablement certain que la décision de Jolie modifiera le genre de rôles qui lui seront proposés. Même si les médias de masse ont accueilli son choix avec enthousiasme, il est très difficile en Occident de dépeindre une femme comme étant à la fois maternelle – sans même parler de «défauts» ou « d’altérations » physiques – et comme une incarnation de fantasmes érotiques.

Mais l’importance véritable de l’histoire d’Angelina Jolie est son contexte : un nombre croissant d’hommes et de femmes, confrontés à diverses situations dans le monde, veulent décider du sens qu’ils donnent à des événements dans lesquels leur corps ont été impliqués – des événements qui, comme le cancer du sein, étaient auparavant entourés de honte, de silence ou de culpabilité. Jolie a refusé de voir la mastectomie comme inquiétante ou tragique – ou de penser qu’elle en serait moins une femme pour autant. Elle se pose ainsi en modèle du refus d’être victime parce que femme ; et ce faisant, elle instaure également un modèle lié à la relation entre son propre corps et son «histoire».

 

Angelina Jolie : un cas non isolé

Le cas de Jolie est célèbre, mais il est loin d’être le seul. On peut évoquer le cas des femmes brésiliennes qui commencent à révéler qu’elles ont été violées dans des bus publics – des agressions qui rappellent celles survenues en Inde et en Égypte. Ou celui des deux jeunes employées de la ville de New York qui ont déposé plainte pour harcèlement sexuel contre le membre de l'Assemblée de l'État de New York Vito J. Lopez.

De même, les hommes victimes d’abus sexuels dans les années 1970 à Horace Mann, une école privée d’élite de la ville de New York, refusent de perpétuer le silence et la «honte» de leur maltraitance aux mains d’un cercle de pédophiles (et des responsables de l’école qui ont couvert leurs abus). Ils se sont aujourd’hui joints à des poursuites, dont les médias se sont largement fait écho, contre l’établissement, rendant pour la première fois publics les faits et leurs noms.

Les temps ont changé, en partie grâce à ces personnes et des actions engagées. Il y a 22 ans, lorsque Anita Hill a publiquement accusé Clarence Thomas, juge nominé à la Cour suprême des Etats-Unis, de harcèlement sexuel, ce fut elle, la victime présumée, qui fit l’objet d’examens attentifs et dénigrée comme étant «un peu fofolle et un peu dévergondée».

Dans tous ces cas, on voit la femme auparavant réduite au silence – ou l’enfant, garçon ou fille – assumer l’obligation et le droit de parler de sa situation et présenter sa version des événements. Ce sont eux, et eux seuls, qui peuvent donner un sens qui fasse autorité à leurs seins, leurs corps et aux événements pénibles qu’ils ont vécu.

Lorsque j’ai commencé à dire ces dernières années que le silence et l’anonymat habituels exigés des victimes d’un viol ne les protégeaient pas, mais ne faisaient que perpétuer un cadre victorien qui donne une impunité aux violeurs et fait porter la « honte » aux victimes, mon point de vue n’a rencontré qu’hostilité. Mais les événements me donnent raison : rien ne change jusqu’à ce tout change – c’est-à-dire jusqu’à ce qu’une masse critique de victimes se manifestent sous leur propre nom pour rejeter la honte qui leur est imposée – pour être porteur d’une maladie effrayante et «amoindrissante», pour avoir été attaqué par un violeur ou abusé par des pédophiles.

Angelina Jolie a donné un visage célèbre à ce phénomène. Mais de nombreuses autres personnes se lèvent et proclament, sous leur propre nom et signature : « J’ai le droit de dire publiquement ce qui m’est arrivé, et de le définir en mes termes ; ce n’est pas ma disgrâce ».

Traduit de l’anglais par Julia Gallin

© Project Syndicate 1995–2013

 


 

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