Zellige : les tuiles de Tétouan menacées d’extinction

Le zellige est un patrimoine culturel arabo-musulman. Au Maroc, on distingue différentes techniques de fabrication. Zoom sur le zellige de Tétouan, qui se fait de plus en plus rare et doit être conservé, selon un expert.

Zellige : les tuiles de Tétouan menacées d’extinction

Le 7 décembre 2022 à 13h07

Modifié 7 décembre 2022 à 13h07

Le zellige est un patrimoine culturel arabo-musulman. Au Maroc, on distingue différentes techniques de fabrication. Zoom sur le zellige de Tétouan, qui se fait de plus en plus rare et doit être conservé, selon un expert.

Dans le cadre des travaux de la 17e session du Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, tenue du 28 novembre au 3 décembre à Rabat, une conférence sur la transmission du savoir-faire lié à la production et à la pose du zellige a été organisée vendredi 2 décembre.

"Au nord du Maroc, on distingue les tuiles de Tétouan des tuiles de Fès. J’ai retracé l’origine du zellige de Tétouan au Palais d’Alhambra, où j’ai aussi trouvé ce que l’on appelle les carreaux de Fassi. Il apparaît donc que les deux versions au Maroc sont originaires d’Al-Andalus, et que les immigrants grenadins qui se sont installés à Tétouan après la conquête castillane de Grenade en 1492, ont continué à développer leur artisanat du côté marocain du détroit de Gibraltar", a expliqué lors de cette conférence le Dr M’hamed Benaboud, professeur à l’Université Abdelmalek Essaidi de Tétouan.

Un fruit de la culture arabo-musulmane

Lors d’un échange avec Médias24, le Dr Benaboud nous explique que le zellige émane de la culture arabo-musulmane et existe dans plusieurs pays comme la Grèce, la Turquie, l’Iran ou encore l’Ouzbékistan. Au Maroc, les tuiles de zellige les plus répandues sont celles de Fès, tandis que celui de Tétouan n’est pas assez répandu.

"Les tuiles de 'zullayj', comme nous le prononçons au Nord du Maroc, ont survécu dans la ville de Tétouan pendant de nombreux siècles. Elles sont différentes du zellige de Fès qui, lui, est répandu dans de nombreuses villes marocaines comme Meknès, Rabat, Salé et Marrakech", poursuit le Dr Benaboud. "Ces deux types sont très différents en termes de composition et de technique de production", souligne-t-il.

Les tuiles de Tétouan menacées d’extinction

Les tuiles de Tétouan sont fabriquées localement mais sont aujourd’hui en voie d’extinction pour plusieurs raisons. La principale est qu’il reste peu d’artisans qui conservent encore ce savoir-faire. Ce type de zellige risque donc de disparaître s’il n’est pas conservé, alerte notre interlocuteur.

Autre raison : la demande pour ce genre de zellige, qui n’est pas aussi répandu, se fait de plus en plus rare, d’autant qu’il est plus cher que les tuiles de Fès.

Enfin, de nombreux acheteurs de vieilles maisons dans la médina de Tétouan démolissent et reconstruisent les tuiles, sans considérer la préservation des zelliges.

Les phases de fabrication des tuiles 

La tradition de la fabrication des tuiles de zellige est une partie du patrimoine culturel marocain. Les tuiles de Tétouan et de Fès sont fabriquées différemment.

L’argile des tuiles de Tétouan provient d’un lieu appelé "Taffalin". Il se trouve à 12 mètres de profondeur et est riche en oxyde de fer ; c’est pourquoi les tuiles de Tétouan sont moins "solides" que les tuiles Fassies, qui contiennent un pourcentage inférieur de ce minéral. Ainsi, il n’est pas possible de tailler ces tuiles en raison du pourcentage élevé de fer dans l’argile utilisée. Les tuiles de Tétouan sont beaucoup plus petites que les tuiles de Fès pour la même raison.

Les tuiles de Tétouan sont fabriquées de la manière suivante : l’argile est d’abord filtrée afin d’obtenir les minéraux souhaités. Le plomb est broyé et est ensuite mélangé aux autres minéraux après avoir été filtrés. Le broyage est effectué manuellement. Ce mélange est placé dans des moules qui diffèrent de taille et de forme, mais qui sont tous de petite taille. Chaque morceau est ensuite cuit individuellement. Les carreaux de Tétouan sont cuits deux fois, avant et après l’ajout de la coloration minérale. La température doit être comprise entre 960 et 980 degrés.

Une fois les pièces colorées et réintroduites dans le four, la température doit être de 1.000 à 1.030 degrés. Il en résulte des pièces en céramique de coloration non homogène : soit la même couleur initiale, soit plus foncés, soit plus clairs que les autres. Ceci explique la dégradation des couleurs des carreaux des tuiles de Tétouan.

Cette technique diffère de celle utilisée pour fabriquer les tuiles de Fès, qui est complètement différente, et où une fois l’argile préparée pour être utilisée, un gros morceau d’argile est utilisé plutôt que de petits morceaux qui sont sculptés manuellement. Les motifs géométriques sont dessinés et peints. Ensuite, le bloc d’argile est cuit, puis les petits morceaux sont sculptés individuellement. La surface n’est pas aussi lisse et brillante que celle des carreaux de Tétouan.

Les couleurs des tuiles de Tétouan et des tuiles de Fès sont également différentes, en raison de leur composition minérale. Les couleurs utilisées dans les tuiles de Tétouan sont les suivantes : noire, blanc, bleu, jaune ou vert.

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