Stress et pénurie hydriques : ce n’est pas seulement la faute à la pluviométrie (Cour des comptes)

Gaspillage, déficit de valorisation, retard dans la réalisation d’infrastructures, insuffisance de coordination et difficultés d’accès aux financements appropriés. Voilà, entre autres, les dysfonctionnements relevés par le dernier rapport de la Cour des comptes sur la gestion de l’eau au Maroc.

Stress et pénurie hydriques : ce n’est pas seulement la faute à la pluviométrie (Cour des comptes)

Le 16 mars 2022 à 11h48

Modifié 16 mars 2022 à 18h29

Gaspillage, déficit de valorisation, retard dans la réalisation d’infrastructures, insuffisance de coordination et difficultés d’accès aux financements appropriés. Voilà, entre autres, les dysfonctionnements relevés par le dernier rapport de la Cour des comptes sur la gestion de l’eau au Maroc.

Au vu de l’importance des enjeux, les magistrats qui ont mené ces investigations, au cours des années 2019 et 2020, appellent à apporter plusieurs réglages à la stratégie de l’eau engagée jusqu’à présent.

Et pour cause : "Le Maroc figure parmi les vingt pays les plus stressés au monde", constate la Cour des comptes. Et ce, avec un potentiel en ressources hydriques estimé à 22 milliards de m3 par an. Les eaux superficielles et souterraines mobilisées sont utilisées principalement dans l’irrigation (jusqu’à 88%), la fourniture d’eau potable et la satisfaction des besoins des autres secteurs économiques (jusqu’à 12%).

Des missions réalisées par la Cour des comptes, il ressort que la gestion du secteur de l’eau doit dépasser plusieurs insuffisances afin de relever les défis liés à la mobilisation, à la valorisation et à la préservation des ressources en eau, ainsi qu’à la planification, à l’organisation et au financement du secteur de l’eau.

Déséquilibre structurel interbassins et surexploitation des eaux souterraines

Concernant la mobilisation et la valorisation des ressources hydriques, le Maroc fait face à un déséquilibre structurel interbassins, avec de grandes disparités temporelles et spatiales. En conséquence, certains bassins sont excédentaires, et les eaux stockées dans les barrages sont parfois jetées en mer faute d’infrastructures d’adduction. "C’est le cas de la région du Gharb où près de 100.000 ha de terres dominées par les barrages manquent cruellement d’équipements dédiés", révèle à Médias24 une source autorisée auprès de l’Agence du bassin hydraulique de la région. Alors que d’autres peinent à disposer de la ressource pour subvenir aux besoins d’irrigation, voire à accéder à l’eau potable.

A ce titre, la Cour des comptes a recommandé de veiller à la synchronisation des aménagements hydroagricoles à l’aval des nouveaux barrages en construction, et de rattraper le retard dans les aménagements à l’aval des barrages existants.

Le projet de sauvegarde de la plaine du Saïss est édifiant à cet égard. Ayant pour objectif d’assurer l’irrigation de cette plaine via le prélèvement d’environ 125 millions de m3 à partir du barrage M’Dez, ce projet accuse un retard considérable. "Ceci, après la défaillance de l’entrepreneur qui construisait le barrage de M’Dez. Le ministère de l’Equipement est en train de relancer l’appel d’offres. En revanche, le chantier relatif au transfert d’eau, qui dépend du ministère de l’Agriculture, avance normalement", déclare à Médias24 Rachid Benali, premier vice-président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural.

S’ajoute également le phénomène d’envasement qui réduit la capacité théorique de stockage d’environ 75 millions de m3 par an. A cet effet, "les opérations de maintenance des ouvrages ne sont souvent pas prévues après leur construction. Ce qui se traduit par l’aggravation des coûts de dévasement. Ces derniers représentent aujourd’hui l’équivalent de la réalisation d’un grand barrage", estime notre source.

Pour la Cour des comptes, la solution se trouve dans la gestion écosystémique pour mieux protéger les barrages de l’envasement. La mission est du ressort du département des Eaux et forêts, qui a la charge de lutter contre l’érosion des terres limitrophes.

De même, la mobilisation des ressources est marquée par la surexploitation des eaux souterraines, estimée à 1,1 milliard de m3/an, conjuguée à la non-utilisation d’un volume de 1,7 milliard de m3/an initialement stocké dans les barrages.

Pourtant, malgré la réduction de la marge de manœuvre dans la mobilisation des ressources en eau conventionnelle, les eaux non conventionnelles (dessalement de l’eau de mer, recyclage des eaux usées) se limitent à 0,9% de la totalité des ressources en eau mobilisées.

Bien évidemment, ce niveau a été amélioré avec la mise en service de certaines stations de dessalement d’eau de mer. En particulier, celle de Chtouka-Aït Baha destinée à assurer l’irrigation et l’alimentation en eau potable de la région d’Agadir.

La pollution des eaux coûte au Maroc 1,26% du PIB

Par ailleurs, le coût de la dégradation des ressources en eau liée à la pollution est estimé à 1,26% du PIB. Sans oublier la prolifération des puits non autorisés. En 2017, la Cour des comptes a estimé leur nombre à plus de 102.264 contre 52.557 autorisés.

A noter que, tout récemment, le ministère de l’Intérieur a lancé une campagne de contrôle et de répression contre les mis en cause. Cependant, la Cour rappelle la législation en la matière qui a créé plusieurs corps de police de contrôle par milieu, par activité ou par organisme. Sauf que la multiplicité de ces corps, travaillant de manière cloisonnée, a limité leur efficacité. A cela s’ajoutent la faiblesse de leurs effectifs et l’insuffisance des moyens mis à leur disposition.

A ce titre, la Cour a recommandé de prendre les mesures nécessaires pour améliorer la délimitation et la protection du domaine public hydraulique, de mettre en place les conditions nécessaires à l’application du principe "pollueur-payeur" et de renforcer la police de l’eau.

Concernant la planification, l’organisation et le financement du secteur de l’eau, la Cour des comptes rappelle que la loi a prévu deux documents principaux de planification et de gestion des ressources en eau : le Plan national de l’eau (PNE) et les Plans directeurs d’aménagement intégré des ressources en eau (PDAIRE).

Toutefois, ces documents ne sont pas encore adoptés. En outre, le secteur de l’eau est marqué par la multiplicité d’acteurs publics et privés. La conciliation entre leurs besoins se heurte au problème de non-activation des principaux organes d’orientation et de coordination - notamment le Conseil supérieur de l’eau et du climat, les Conseils de bassins hydrauliques et les Commissions préfectorales ou provinciales de l’eau -, ainsi qu’à l’absence d’un système d’information national de l’eau.

Aussi, la Cour a-t-elle recommandé de veiller à l’activation et au renforcement du rôle des instances de concertation, de coordination et d’orientation stratégique au niveau national, régional et local, et d’accélérer le projet en cours du système d’information intégré de l’eau.

Par ailleurs, malgré le choix fait par le Maroc, depuis 2011, d’encourager la synergie et la convergence entre les secteurs de l’eau, de l’agriculture et de l’énergie, force est de constater que l’approche sectorielle est toujours prédominante en matière de gestion de ces secteurs, en l’absence d’une logique d’intégration territoriale et d’une cohérence globale. Pour cela, la Cour des comptes a recommandé de développer les synergies "Eau-Énergie-Agriculture" permettant la convergence de ces trois secteurs, leur intégration territoriale et l’alignement de leurs stratégies.

Un modèle économique à revoir

Au niveau du financement du secteur, le modèle économique et financier actuel nécessite d’être revu, afin d’en assurer la viabilité en tenant compte de la raréfaction croissante des ressources en eau, du caractère très capitalistique des investissements et des contraintes d’ordre social. Il faut dire aussi que les programmes adoptés relatifs au secteur de l’eau se sont limités le plus souvent à chiffrer les besoins en investissement, sans préciser les modalités et les mécanismes de financement, comme c'est le cas pour la Stratégie nationale de l’eau (2010-2030) et le Plan national de l’eau (2020-2050).

Devant les difficultés de financement constatées, le recours au partenariat public-privé devrait être davantage développé eu égard au nombre limité de contrats relevés à ce jour. Le recours à ce moyen devrait tenir compte des risques et défis liés plus particulièrement au financement, à la concurrence, à la réglementation et à l’expertise. Dans ce cadre, la Cour a recommandé d’optimiser l’allocation des ressources financières destinées au secteur de l’eau et de veiller à l’amélioration de l’efficacité.

De même, le système tarifaire actuel n’est plus adapté à une gestion rationnelle de la ressource, sachant que le financement du secteur est intimement lié au système de tarification. Ainsi, la Cour des comptes a recommandé de réaliser une étude sur le ciblage optimal et de procéder, le cas échéant, à une révision du système de tarification de l’eau et de l’assainissement.

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