Rémunération à l’acte : les médecins divisés sur la réforme annoncée par Faouzi Lekjaa

Le ministre délégué au Budget a annoncé que les médecins seraient rémunérés à l’acte, comme le prévoit la prochaine réforme du système de santé. Cette annonce, attaquée par le syndicat des médecins du secteur public, est toutefois soutenue par certains praticiens qui y voient l'opportunité d'inclure la notion de "méritocratie" dans le système et d’améliorer leur situation financière.

Rémunération à l’acte : les médecins divisés sur la réforme annoncée par Faouzi Lekjaa

Le 9 novembre 2021 à 16h03

Modifié 9 novembre 2021 à 18h12

Le ministre délégué au Budget a annoncé que les médecins seraient rémunérés à l’acte, comme le prévoit la prochaine réforme du système de santé. Cette annonce, attaquée par le syndicat des médecins du secteur public, est toutefois soutenue par certains praticiens qui y voient l'opportunité d'inclure la notion de "méritocratie" dans le système et d’améliorer leur situation financière.

Réagissant, vendredi 5 novembre, en Commission des finances de la Première Chambre à plusieurs questions sur la hausse des salaires des médecins, Faouzi Lekjaa ne s’attendait probablement pas aux réactions que ses déclarations allaient susciter.

Le ministre délégué au Budget avait pourtant annoncé de bonnes nouvelles pour les médecins du service public, leur faisant miroiter la possibilité de percevoir jusqu’à 100.000 dirhams par mois, selon l’effort fourni par chacun d'entre eux.

Selon un professionnel du secteur consulté par Médias24, aujourd’hui le salaire fixe varie de 8.400 dirhams pour un nouvel entrant à 24.000 dirhams pour un médecin en fin de carrière.

"Les médecins seront payés à l’acte, comme le prévoit la réforme du système de santé qui est prête, et qui sera bientôt déposée au Parlement", a confié Faouzi Lekjaa.

Son argumentaire est simple : un médecin ne doit pas être considéré comme un fonctionnaire et ne peut pas rester au niveau de rémunération actuel. C’est ce qui explique selon lui les défaillances du système public et la fuite des médecins tant vers le secteur privé que vers des pays étrangers où ils sont mieux rémunérés.

"Un médecin ne peut pas être un fonctionnaire (…) Il doit être rémunéré à l’acte pratiqué, avec un seuil minimum et un plafond. S’il parvient à atteindre 100.000 dirhams par mois, tant mieux pour lui. S’il préfère travailler peu et gagner 30.000 dirhams, c’est son choix", a précisé Faouzi Lekjaa.

Une réforme « dangereuse » selon le syndicat des médecins du public

Logiquement, cette nouvelle devait amplement satisfaire les médecins du secteur public qui militent, depuis de longues années, pour l’amélioration de leur situation financière. Mais contre toute attente, le Syndicat indépendant des médecins du secteur public (SIMSP) a sorti l’artillerie lourde, dénonçant, dans une missive adressée le 1er novembre au ministre délégué au Budget, au ministre de la Santé et au chef du gouvernement, cette réforme qu’il qualifie de "dangereuse".

Contacté par Médias24, El Mountadar Alaoui, secrétaire général du SIMSP, confirme son opposition aux déclarations de Faouzi Lekjaa, mais tient à préciser que cette opposition ne cible pas "la rémunération à l’acte" que le ministre délégué a explicitée.

"Nous ne sommes ni pour ni contre la rémunération à l’acte. Mais ce qui nous paraît dangereux, c’est que l’on vient d’apprendre qu’il y a une réforme du système de santé et du statut du médecin qui est prête, qui sera bientôt déposée au Parlement et que nous ne sommes même pas au courant. Ce dossier ne peut pas être traité de manière unilatérale. Le gouvernement doit nous consulter, organiser des rencontres, des tables rondes avec les premiers concernés que sont les médecins, avant de décider quoi que ce soit. Or, ce qu’on remarque là, à travers les déclarations de Faouzi Lekjaa, c’est que le gouvernement veut nous mettre devant le fait accompli en préparant en cachette une réforme dont nous ne connaissons pas le moindre détail", déplore El Mountadar Alaoui.

Pour lui, la réforme ne peut se limiter à la rémunération, mais doit considérer toutes les revendications portées par le cahier revendicatif du Syndicat indépendant des médecins du secteur public.

"Si le système de rémunération change, nous devons d’abord être certains que les acquis de la fonction publique seront préservés. Nous nous prononçons donc en faveur d’un salaire fixe qui soit haut, qui prenne en compte notre niveau doctoral qui est actuellement rémunéré comme un niveau master", explique le Dr Alaoui.

Il exige ainsi "l’application de l’indice 509 et les indemnités qui vont avec", "une mesure qui débouchera directement sur une hausse de salaire pour l’ensemble des médecins", précise-t-il.

Une revendication à laquelle Faouzi Lekjaa avait fait référence dans sa déclaration, en insistant sur le fait qu’il fallait rompre avec les considérations liées à l’échelon, l’échelle, le grade, et aller vers un nouveau système qui englobe toute la fonction publique.

Des médecins qui saluent la nouvelle réforme

Cet avis du secrétaire général du SIMSP n’est pourtant pas partagé par l’ensemble des médecins.

Contactés par Médias24, deux médecins chevronnés disent ne pas comprendre la réaction du syndicat. Ils nous expliquent que ce qui a été annoncé par Faouzi Lekjaa est le meilleur moyen de motiver les médecins du secteur public, de leur permettre de travailler dans de bonnes conditions et d’instaurer une certaine "méritocratie", qui est totalement absente actuellement dans les hôpitaux et les centres hospitaliers publics.

"Nous avons des collègues qui travaillent trois jours par semaine. Quand ils viennent, ils restent deux heures maximum au travail. Et à la fin, ils sont payés comme tout le monde. C’est injuste. Nous avons été très satisfaits de voir que le gouvernement se dirigeait vers une rémunération à la consultation, à l’opération et à l’acte chirurgical. C’est un système qui réglera à la fois cette injustice, rémunérera les efforts des médecins sérieux qui s’investissent dans leur travail et qui ne seront plus obligés d’effectuer des actes dans le privé pour arrondir leurs fins de mois, ou d'émigrer vers des pays étrangers en laissant tout derrière eux", explique l’une de nos sources.

Selon nos deux interlocuteurs, un système de rémunération motivant, qui consacre le mérite, l’effort et "la productivité", pourrait rendre l’hôpital public aussi attractif que le privé ou le travail à l’étranger.

Une de nos sources précise toutefois que les tarifs de la rémunération à l’acte devraient être les mêmes que ceux du privé, pour une consultation ou un cas opératoire similaires, si l’on veut respecter l’esprit de cette réforme. "Avec une légère différence dans les tarifs, puisque le médecin du privé paie une patente, des taxes...", concède notre source.

Si le nouveau système est aussi avantageux, pourquoi les syndicalistes s’y opposent-ils ? Nos deux médecins ont la même réponse : "Si ce système passe, le syndicat perdra tout son fonds de commerce. C’est la seule explication que l’on trouve à cette opposition farouche aux déclarations du ministre délégué au Budget."

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