Hajj : Le grand capharnaüm des agences de voyages en France

Une association de consommateurs a porté au plus haut sommet de l’État les abus qui gangrènent le marché du pèlerinage à La Mecque en France et l’opacité qui règne dans ce domaine.

Hajj : Le grand capharnaüm des agences de voyages en France

Le 2 septembre 2020 à 17h52

Modifié 11 avril 2021 à 2h47

Une association de consommateurs a porté au plus haut sommet de l’État les abus qui gangrènent le marché du pèlerinage à La Mecque en France et l’opacité qui règne dans ce domaine.

Le pèlerinage du Hajj a été annulé cette année pour les non résidents en Arabie Saoudite à cause de la pandémie, mais les arnaques présumées se poursuivent… et les actions associatives aussi. L’Association culturelle d’entraide et de fraternité (ACEF), créée en 2014 en France pour lutter contre les dérives liées au marché du pèlerinage à La Mecque, va être reçue dans les prochaines semaines au pôle islam du ministère des Cultes, rattaché au ministère de l’Intérieur. Le 13 mars 2019, elle avait déjà adressé un courrier au président de la République Emmanuel Macron, dans lequel elle l’informait des nombreux abus dans ce domaine.

Pour Omar Dakir, président de l’ACEF, le problème ne vient pas des autorités saoudiennes, ''mais de certaines agences de voyages en France qui font n’importe quoi'', estime-t-il auprès de Médias24.

Plantons d’abord le décor : les autorités saoudiennes, à travers le ministère du Hajj et de la Omra, délivrent chaque année des quotas de visas par pays pour permettre aux fidèles d’effectuer le pèlerinage à La Mecque. En France, entre 22.000 et 25.000 visas sont octroyés chaque année. Des agences de voyages, immatriculées auprès d’Atout France, seul organisme en France à délivrer des immatriculations touristiques, sont donc agréées par les autorités saoudiennes : cela signifie qu’elles se voient octroyer un nombre de visas par l’Arabie saoudite elle-même.

Des agréments revendus à des agences non agréées par l’Arabie saoudite

Problème : certaines de ces agences dûment agréées revendent une grande partie de ces visas à d’autres agences de voyages qui, elles, ne sont pas agréées par le ministère saoudien du Hajj et de la Omra, ''et parfois même radiées d’Atout France'', selon Omar Dakir.

Exemple : un pèlerin qui souhaite effectuer le pèlerinage à La Mecque va, sans le savoir, solliciter une agence non agréée par l’Arabie saoudite, voire nullement immatriculée par Atout France (il s’agit donc dans ce cas d’une fausse agence de voyages) ou carrément radiée par ce même organisme. Le pèlerin pense logiquement que c’est l’agence qu’il a sollicitée qui va lui délivrer le visa. Or ce n’est pas celle-ci, mais une autre agence qui, elle, possède bel et bien l’agrément des autorités saoudiennes et a revendu le visa à l’agence que le pèlerin a contactée. ''C’est une omission trompeuse : on cache au voyageur l’origine de son visa'', soutient Omar Dakir, sur la base du Code de la consommation.

Les actions trompeuses désignent en effet des ''pratiques commerciales qui contiennent ou véhiculent des éléments faux qui sont susceptibles d’induire en erreur le consommateur moyen, ou bien des éléments vrais mais présentés de telle façon qu'ils conduisent au même résultat'', explique le ministère français de l’Économie et des finances.

Certaines agences de voyages agréées passent également par d’autres intermédiaires, notamment des présidents de mosquées, des associations ''et surtout beaucoup de rabatteurs qui avaient l’habitude de distribuer des flyers sur la voie publique pour attirer les gens''. Une pratique qui a beaucoup diminué depuis que l’association a été créée en 2014 et sensibilise les pèlerins sur les risques qu’ils encourent en ayant recours à ces intermédiaires.

Les voyageurs lésés se voient donc signifier, parfois quelques jours seulement avant le grand départ, qu’ils ne peuvent plus partir car le visa qu’ils possèdent leur a été délivré par une agence qui n’est pas agréée. Sur le papier, l’agence non agréée mentionne bien que le prix comprend les formalités administratives relatives au visa, mais ''omet'' de préciser que ce visa n’émane pas d’elle, mais d’une autre agence qui le lui a tout bonnement revendu. Il y a donc une incohérence entre ce qui est écrit sur le papier et l’origine réelle du visa, et c’est justement cette incohérence qui rend caduque le visa.

Ces pratiques trompeuses ont aussi fait émerger un autre abus : les formalités administratives concernant le visa n’ont même pas à être mentionnées dans le forfait ''car le visa est gratuit'', explique Omar Dakir. ''Il n’a pas à être payé par les pèlerins'', insiste-t-il.

Un cas qui a fait jurisprudence

Les voyageurs, surtout les plus âgés, règlent fréquemment la totalité de leur voyage en espèces, observe encore ce responsable associatif. Une pratique qui arrange bien les agences car, en ne laissant aucune trace, elle entretient l’opacité qui règne autour de ce marché. Une fois lésés, les pèlerins sont d’ailleurs peu nombreux à porter plainte.

Un cas a toutefois fait jurisprudence : le 20 mars 2020, le tribunal judiciaire de Nice a condamné une agence de voyage niçoise à verser à un couple la somme de 500 euros chacun (soit 1.000 euros au total) pour leur avoir vendu un visa alors qu’elle ne possédait pas l’agrément des autorités saoudiennes, d’après le jugement consulté par Médias24.

Cette condamnation a de quoi redonner espoir aux victimes, estime Omar Dakir : ''Entre 2007 et 2020, tous les pèlerins qui sont passés par des agences non agréées et qui ont été lésés peuvent utiliser ce cas de jurisprudence pour déposer plainte contre les agences.''

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