Impayés: un effet domino qui plombe la reprise du commerce de détail et de gros
Alors que le coup d’envoi de la reprise économique a été donné il y a plusieurs semaines, l’activité commerciale peine à reprendre à cause de la faiblesse de la demande et des problèmes de trésorerie. Le point.

Impayés: un effet domino qui plombe la reprise du commerce de détail et de gros
Alors que le coup d’envoi de la reprise économique a été donné il y a plusieurs semaines, l’activité commerciale peine à reprendre à cause de la faiblesse de la demande et des problèmes de trésorerie. Le point.
La vie reprend son cours petit à petit. Mais nous sommes encore loin d’un retour à la normale. Si le secteur formel a repris un rythme d’activité plus soutenu, il n’en est pas de même pour le secteur du commerce, notamment informel ou traditionnel. C’est le cas des grands quartiers commerçants de Casablanca, qui jouent aussi le rôle de plateforme de distribution vers plusieurs villes du royaume.
« Le redémarrage de l’activité fait face à plusieurs obstacles », nous déclare Aziz Bounou, président de l’association de l’union des commerçants et professionnels de Derb Omar.
« Au tout début, nous avions la possibilité de reprendre l’activité mais le transport entre les villes n’était pas encore opérationnel, donc le commerce entre les villes restait bloqué. Les gens ne pouvaient pas encore sortir, donc l’activité est restée à l’arrêt sauf pour ceux qui pouvaient utiliser les technologies de communication et donc vendre et commercer à distance », décrit-il.
Et maintenant que le transport inter-ville a été rétabli, « la roue économique reste lente », affirme notre source. Et pour cause, « d’un côté, les clients ne sont pas au rendez-vous soit par manque de moyens ou parce qu’ils ont peur du virus », explique M. Bounou.
« De l’autre, parce qu’il y a un grave problème de trésorerie. Les impayés ont explosé et le marché est à l’arrêt », confie-t-il.
Les impayés explosent et freinent le commerce
Dans ce secteur particulier, les transactions commerciales sont généralement réglées le plus souvent par: soit un chèque ou effet, soit en espèces, soit enfin par simple engagement verbal, autrement dit la parole donnée et la confiance.
Une usine peut livrer une marchandise à un grossiste contre un chèque ou un effet de garantie qui ne sera honoré que lorsque de grossiste écoulera les produits auprès des détaillants et se fait payer par ces derniers quand eux-même auront tout vendu.
Un défaut de paiement peut donc créer un effet domino dévastateur. C’est ce qui se passe actuellement. L’arrêt d’activité avec le confinement a stoppé les ventes et a généré une cascade d’impayés qui bloque l’activité. Le client n'était pas au rendez-vous; la parole donnée au grossiste ou le chèque laissé en garantie ne sont pas honorés; le producteur non plus n'est pas payé.
« Ceux qui en ont les moyens, achètent leur marchandise et paient cash. Ils sont rares. La majorité des commerçants n’ont pas de quoi payer leurs anciennes commandes car l’argent dont ils disposaient, ils l’ont utilisé pour faire face à la crise et à ces semaines d'arrêt. Ils n’osent donc pas contacter leurs fournisseurs pour avoir de nouvelles marchandises qu’ils n’ont pas les moyens de payer », explique le président de l’association de l’union des commerçants et professionnels de Derb Omar. Et c'est le cas dans les principaux quartiers commerçants de la capitale économique comme Garage Allal ou Koréa.
« Ceux qui ont des liquidités s’approvisionnent en marchandises et essaient de redémarrer, les autres attendent des jours meilleurs », avance notre interlocuteur.
Comment réagissent les créanciers ? Recourent-il aux voies légales pour récupérer leur paiements? « Ceux qui travaillent sans documents ne peuvent rien faire contre leurs débiteurs. S'ils ont affaire à des gens honnêtes, ils vont être payés quand l'activité reprendra. Sinon, ils n'ont pas de recours », explique notre interlocuteur.
« Ceux qui disposent de documents pour prouver les créances gèrent au cas par cas. Si la relation commerciale est ancienne et basée sur la confiance, le créancier prend son mal en patience et attend que la situation s'améliore. Pour les autres, les créanciers versent les chèques et entament la procédure », explique notre interlocuteur qui attire notre attention sur une catégorie minoritaire mais qui existe. Celles des commerçants qui même s'ils ont les moyens, profitent de cette crise pour déclarer faillite et ne pas honorer leur engagements.
Quoi qu'il en soit, les problèmes des impayés et du manque de liquidité affaiblissent la confiance et entravent la reprise du secteur du commerce.
Il faut deux à trois mois pour la reprise
Pour notre source, la reprise du secteur du commerce est tributaire de la reprise des autres secteurs. « Tout est lié, notre secteur dépend des autres secteurs. Il faut que le tourisme, le transport, l'industrie ... et toute la dynamique économique reprenne pour que notre secteur puisse reprendre».
« A ce rythme et sans intervention, il nous faudra entre deux ou trois mois pour la reprise de l'activité commerciale à moins que le gouvernement ne donne un coup de pouce au secteur », avance notre interlocuteur.
La mise en place de mesures spécifiques pourraient accélérer le processus de reprise.
Les associations les plus représentatives des commerçants de Derb Omar, Koréa et Garage Allal ont tenu une réunion le 30 mai dernier avec le chef du gouvernement et le ministre du commerce Moulay Hafid Elalamy pour discuter de la relance du secteur. Suite à cette réunion, les commerçants ont formulé des propositions pour faciliter la reprise et encourager la relance.
Parmi leur propositions, un ensemble de mesures pour répondre au problème de trésorerie :
- l'intervention de l'Etat pour trouver des solutions au manque de liquidités dans le cycle économique notamment en encourageant le secteur bancaire à accorder des crédits sans intérêts au secteur du commerce.
- Le rallongement des délais légaux relatifs aux déclarations et aux dépôts de liquidités chez les banques instaurés dans le cadre de la loi de Finances 2020 avec une exonération de l'impôt afin de permettre aux commerçants, aux professionnels et aux consommateurs d'injecter des liquidités dans le cycle économique en toute confiance.
- La création d'une ligne de crédit pour couvrir les dépenses de fonctionnement des commerçants impactés par la crise avec un délai de remboursement qui ne peut être inférieur à deux ans.
- L'implication des banques participatives dans les programmes de soutien au secteur du commerce.