Taxes locales : Le diagnostic sans langue de bois de Khalid Safir

Khalid Safir, wali directeur général des collectivités locales, a dressé un diagnostic sans langue de bois de la fiscalité locale et a partagé les pistes de réflexion pour la réforme future.

Taxes locales : Le diagnostic sans langue de bois de Khalid Safir

Le 13 avril 2019 à 7h52

Modifié 11 avril 2021 à 2h41

Khalid Safir, wali directeur général des collectivités locales, a dressé un diagnostic sans langue de bois de la fiscalité locale et a partagé les pistes de réflexion pour la réforme future.

La fiscalité locale est une thématique forte qui revient assez souvent dans les débats en prévision des assises de la fiscalité qui se tiendront les 3 et 4 mai prochain.

Elle a été l’objet de la troisième matinale organisée par le groupe Le Matin en présence de Khalid Safir, wali directeur général des collectivités locales au ministère de l’Intérieur.

Ce dernier a dressé un diagnostic sans langue de bois de la fiscalité locale et a partagé avec l’assistance les pistes de réflexion pour la réforme future.

« La mise en phase avec les nouvelles dispositions constitutionnelles, la levée des dysfonctionnements et l’amélioration des rendements et de l’équité de la fiscalité locale, ainsi que la maîtrise du niveau de la pression fiscale sont autant de fondamentaux qui militent aujourd’hui en faveur d’une révision du système fiscal local », avance le patron de la DGCL. 

>> Lire aussi : Assises de la fiscalité : les exonérations et les taxes locales au cœur des débats

Un système aux multiples tares

Selon le gouverneur, le dispositif fiscal actuel a été instauré en 2008 et il est marqué par :

- son appartenance au domaine de la loi,

- sa logique duale qui combine taxes déclaratives et taxes soumises aux recensements et à l’émission par voie de rôle,

- ses taxes diversifiées couvrant plusieurs activités (plus de 30 taxes),

- son cadre de gestion multi-acteurs. La gestion est confiée à la fois à la DGI, à la TGR et aux collectivités.

- une fiscalité à prépondérance foncière,

- un pouvoir fiscal dérivé accordé aux élus, à travers le vote par les conseils des bases de tarifs ou des taux, dans le cadre d’une fourchette fixée par la loi.

En matière de rendement, les taxes locales ont enregistré entre 2012 et 2018 une évolution annuelle de 5%.

Une réflexion est engagée depuis 2015, précédée par un diagnostic qui avait mis en exergue d’importants dysfonctionnements que Khalid Safir résume en ces points :

- le caractère pléthorique des taxes et des redevances,

- une évolution des recettes de la fiscalité locale qui n’est pas corrélée au rythme de l’évolution des besoins de financement des entités locales,

- l'absence de corrélation entre l’évolution des recettes de la fiscalité locale et le rythme de la croissance économique et de l’évolution urbaine de notre pays,

- un déphasage entre les bases d’imposition de certaines taxes et les objectifs de développement économique,

- une multiplicité des dépenses fiscales,

- un contrôle fiscal inopérant,

- des administrations fiscales locales insuffisamment dotées de moyens et d’encadrement,

- une incohérence de la gouvernance fiscale locale entre les trois acteurs que sont la DGI, la TGR et les collectivités,

 Le rendement, principale préoccupation ?  

Partant de ce constat, la DGCL a entamé une réflexion pour la réforme de ce système en incluant plusieurs institutions nationales comme la Cour des comptes ou le CESE, le club de la fiscalité, les présidents des conseils élus… 

Plusieurs rencontres et réunions de travail ont été organisées dans le but d’aboutir à un projet de réforme de la fiscalité locale avec des principes fondamentaux précis.

Le rendement arrive en tête de ces principes. « Ce qui intéresse les présidents des conseils élus c’est d’abord le rendement des taxes locales pour avoir les finances nécessaires leur permettant de réaliser leurs plans d’action », avance Khalid Safir. 

Selon Mohamed Manchoud, en charge de l’animation du réseau au sein de la DGI, la fiscalité locale (y compris les transferts de l'Etat) représente 3,5% du PIB sachant que la moyenne des pays à revenu intermédiaire se situe entre 5 à 6%. 

«C'est dire que nous avons encore une problématique de financement. Mais le sujet est plus profond car rapidement on peut aller sur le terrain de la qualité du service public local. Ce service est-il de moindre qualité car il est sous-financé et mal géré ? », s'interroge le représentant de la DGI pour qui les collectivités locales souffrent bien d'un problème de financement. 

« Des villes comme Rabat ou Casablanca ont d'importants besoins de financement qui ne peuvent être pris en charge par le système actuel ». 

>> Lire aussi : 40 milliards de DH inutilisés chez les collectivités territoriales

Ce dernier avance un autre chiffre important. « Sur les 3,5%, seulement 1% est du ressort direct des collectivités territoriales. C'est la fiscalité propre sur laquelle les collectivités ont une emprise ». Manchoud explique que c'est peu et qu'il est important de changer la structure pour que la majorité de la fiscalité locale soit gérée par les conseils élus. 

Les principes fondateurs de la réforme

Bien qu’il soit important, le rendement n'est pas la seule préoccupation des pouvoirs publics. Le Wali directeur de Collectivités Locales a énuméré d’autres principes fondateurs de la réforme parmi lesquels :

- La compétitivité économique à travers le soutien aux entreprises et à l’investissement public et privé et l'attraction de plus d’investissement vers les territoires

- La justice. C’est-à-dire l’égalité entre contribuables et entre territoires

- La sécurité qui doit se traduire par des textes clairs et un dispositif simple

- La maîtrise de la pression fiscale

- Le service rendu doit se rapporter à la charge supportée

- La cohérence avec l’environnement général.

La réforme dont les premières esquisses ont été élaborées depuis 2015 et qui s'inscrit désormais dans le cadre de la loi-cadre attendue des assises de la fiscalité vise, selon Khalid Safir, à : 

- mettre en place une fiscalité simplifiée dont les règles seront facilement compréhensibles et interprétables, permettant ainsi d’instaurer un niveau de confiance mutuelle entre le contribuable, l’administration et les élus locaux afin de combler le déficit de légitimité des taxes locales

- répondre au souci de justice fiscale et d’égalité devant l’impôt qui figure parmi les principes constitutionnels les plus fondamentaux

- responsabiliser les élus locaux

- instituer une nouvelle gouvernance locale. 

 Les pistes de réflexion 

Des axes de réformes ont été mis en place et exposés par le wali directeur des collectivités locales. Les pouvoirs publics cherchent d'abord et avant tout à "veiller à la cohérence de cette réforme avec l’ensemble des réformes enclenchées par le pays".

Il va de soi que la révision de la fiscalité locale ou la fiscalité d'Etat doit accompagner les multiples chantiers entamés par le pays. D'où les principes fondateurs mis en place par le comité scientifique des assises de la fiscalité (une fiscalité d’essence économique, qui encourage l’investissement productif, créateur d’emplois permanents, qui réduit les inégalités avec une meilleure rémunération du facteur travail.)

Le deuxième axe est celui de l'unification de la fiscalité locale et celle de l'Etat. C'est une recommandation de tous les intervenants et acteurs. Car la dualité du système actuel brouille la lisibilité. "Nous allons proposer d’intégrer la fiscalité locale dans le CGI pour qu’il y ait une seule référence et ce dans un souci de faciliter l’accès à l’information au contribuable", explique Safir. 

Par ailleurs, une importante révision des taxes et redevances locales est attendue. Ce que le gouvernement a confirmé en plaçant ce sujet comme un des axes de la réforme. "Il est impératif de simplifier et de fusionner des taxes de même nature portant sur le foncier et les activités économiques et la mise en place de taxes locales structurantes conférant aux Collectivités les ressources propres pérennes et évolutives tout en distinguant les taxes sur l’activité des taxes sur le patrimoine", avance-t-il. L’idée est donc de supprimer les taxes qui couvrent les deux domaines (patrimoine et activité économique) comme la taxe professionnelle.

Le quatrième axe de réforme prônée par Safir est " la révision et la clarification des bases d’imposition ainsi que la mise en place d’instruments novateurs de différenciation, de zoning et de valeurs de base pour l’imposition, comme la valeur marchande, le chiffre d’affaires, le résultat fiscal, la valeur ajoutée en lieu et place de la valeur locative". 

Tout cela ne peut fonctionner que s'il y a un important travail sur la gouvernance. D'où l'axe relatif à la reconfiguration de la gouvernance et mode de gestion de la fiscalité locale par le biais de la révision du partage des compétences entre les administrations de l’Etat et l’administration fiscale locale et par l’organisation de l’administration fiscale communale.

Sur ce point, Khalid Safir explique que les premières réflexions versent vers un partage par type ou nature d'impôts. Ainsi, il serait naturel de confier à la DGI les impôts basés sur l'activité économique (CA, valeur ajoutée,...) puisqu'elle en a la maîtrise et l'expertise. "Les impôts de proximité (redevances et autres) pourront quant à eux être gérés par les collectivités et la TGR qui est le comptable des collectivités selon un mode qui sera défini par la suite", ajoute-t-il. 

Ce qui est certain c'est que le mode de gestion qui sera adopté favorisera la simplicité et la définition des responsabilités de chaque acteur.

Pour Safir, cette réforme a tout compte fait un objectif, celui de "donner à nos collectivités territoriales, quelle que soit leur taille, un cadre d’action clair et des moyens viables et pérennes pour qu’elles puissent améliorer les conditions de vie des citoyens et favoriser l’installation et l’épanouissement de l’activité économique". 

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