La Samir: le Conseil de la concurrence accule le gouvernement à agir

Personne ne s’y attendait. Les syndicalistes, les militants en faveur d’un sauvetage de la raffinerie, les salariés, n’auraient même pas osé l’espérer. Driss Guerraoui, président du Conseil de la concurrence, a plaidé pour le redémarrage et le sauvetage de la Samir.

La Samir: le Conseil de la concurrence accule le gouvernement à agir

Le 17 février 2019 à 15h06

Modifié 11 avril 2021 à 2h39

Personne ne s’y attendait. Les syndicalistes, les militants en faveur d’un sauvetage de la raffinerie, les salariés, n’auraient même pas osé l’espérer. Driss Guerraoui, président du Conseil de la concurrence, a plaidé pour le redémarrage et le sauvetage de la Samir.

Invité à émettre un avis au sujet du plafonnement des marges des distributeurs de carburants, le conseil de la Concurrence a consacré une partie de ses recommandations à l’industrie du raffinage. Il estime que dynamiser la concurrence ne pourra pas se faire uniquement en agissant sur l'aval. Il faudra agir également sur l'amont. En l'occurrence, l'industrie du raffinage.

"Une réappropriation nationale de l'activité du raffinage revêt un réel intérêt", estime le Conseil. "Outre le fait qu'elle contribue à rétablir les équilibres concurrentiels, elle permet à la ou aux structures en charge du raffinage de jouer le rôle de contre-pouvoir vis-à-vis des opérateurs dominants dans les secteurs d'importation, de stockage et de la distribution en gros. C'est pour cette raison que le conseil recommande au gouvernement de mettre en place un dispositif spécifique d'encouragement de l'investissement dans l'industrie du raffinage privé et/ou dans le cadre d'un partenariat public-privé".  

Présentée le 15 février 2019 à la presse, la synthèse de l’avis ne mentionne pas la Samir, mais y fait tacitement allusion. C’est dans son intervention orale que le président du Conseil s’est montré plus explicite, mettant l’accent sur l’importance de l’unique raffinerie marocaine, aujourd’hui en cours de liquidation. 

« Avant sa mise à l’arrêt en août 2015, la Samir approvisionnait le marché national à hauteur de 64% des besoins en produits raffinés (...) Le raffineur national jouait donc un rôle fondamental dans l’approvisionnement, mais aussi dans le stockage, puisqu’il détenait plus de 50% de capacités de stockage, ce qui assurait la sécurité de notre pays contre toute pénurie éventuelle », précise Driss Guerraoui.

Si désormais on appelle à la création d'un régulateur sur le marché, le président rappelle que dans les faits, la Samir avait tenu cette fonction. C’est le raffineur qui « maintenait les équilibres concurrentiels sur le marché ». Après sa fermeture, « ces équilibres ont été perturbés et le rapport de forces au sein du marché a été déstabilisé », tranche-t-il.

Le gouvernement aura désormais du mal à se cacher derrière l'indépendance de la Justice

L’avis du conseil de la concurrence est consultatif. Oui, mais « il a une force politique, éthique et morale », rappelle le président Guerraoui. 

Lahcen Daoudi, ministre des Affaires générales et de la concurrence, estime par contre que le conseil est sorti de son rôle. Mais si le gouvernement n’est pas d’accord avec le Conseil de la concurrence, il ne doit pas éluder le débat de fond. Il doit répondre aux arguments du conseil par ses propres contre-arguments. Pour ce qui concerne la Samir, il n’en a aucun.

L’avis du conseil interpelle surtout le ministre de l'Énergie Aziz Rabbah. Celui-ci, comme ses collègues du gouvernement, a toujours invoqué l'indépendance de la Justice pour justifier son inertie voire son indifférence au sort de la Samir. Ce qui est étrange au regard de la capacité de stockage (50% en 2015), de la part de marché (64% en 2015) et des emplois (1.000 directs et 5.000 indirects en 2015).

Selon Driss Guerraoui, « la réouverture de la Samir est une décision politique ». Car il y va de « la sécurité économique nationale », de « la sécurisation de l’approvisionnement » et de la « stabilisation des équilibres entre les pouvoirs économiques sur le marché ». La réalisation de ces objectifs passe « par une décision politique audacieuse pour la préservation du raffineur national », enfonce M. Guerraoui.

 La Samir n’espérait pas meilleur plaideur, ni meilleure plaidoirie. La position du Conseil vient en partie conforter un mémorandum qui lui avait été soumis par la CDT. Ses représentants avaient été auditionnés le 25 décembre 2018 dans le cadre d’une enquête sur le  marché des hydrocarbures.

Le conseil de la concurrence poste un postulat: une industrie marocaine de raffinage serait bénéfique au Maroc.

Cela signifie que l'État a un double intérêt à agir: 

récupérer au moins 16,7 milliards de DH de créances détenues par la Douane sur le raffineur en liquidation. Ce montant est composé d’un crédit d’enlèvement (9,4 MMDH), de la TIC et TVA (5,4 MMDH) ainsi que les intérêts de retard et frais de recouvrement. Sachant que d'autres créanciers publics sont aussi concernés. 

- redémarrer une activité économique bénéfique à tout le pays.

- préserver l’emploi.

Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, le processus judiciaire de liquidation n'empêche pas une intervention de l'État en tant que créancier, en tant que puissance publique ni en tant que tutelle du secteur de l'énergie.

Par exemple, l'État peut créer les conditions incitatives à l'investissement dans ce domaine. Cela rendrait le rachat de la Samir plus attractif. Et permettrait au Budget de l'Etat de récupérer une belle somme suffisante par exemple pour mettre à niveau l’ensemble du secteur de la santé publique dans toutes les régions du Maroc.

L’Etat peut également fournir une subvention à la Samir pour lui permettre de redémarrer la raffinerie. Une raffinerie en état de fonctionnement aurait plus de valeur sur le marché international.

Il pourrait fournir une assistance technique au tribunal chargé de la liquidation en payant des experts indépendants, nationaux ou étrangers, chargés de l’assister dans la préparation de la vente et/ou d’un road show international.

Il pourrait apporter des garanties concernant le fonctionnement du marché pendant les 5, 10 ou 20 prochaines années.

S’il le fait, il n’interviendrait pas dans la marche de la justice. Non, il aiderait la justice à liquider ce dossier au mieux de l’intérêt général. Et c’est à la justice que reviendraient d’ailleurs toutes les décisions.

Après cet avis du conseil de la concurrence, il sera plus difficile au gouvernement de sa cacher derrière la Justice pour justifier son inertie. Le dossier de la Samir n’est pas un feuilleton sur Netflix. Il ne se déroule pas dans un monde parallèle. Il fait partie intégrante et essentielle de la vie économique et sociale du pays.

 

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