Anouar Zyne, l’impétueux

Sa voix résonne sur toutes les ondes des radios marocaines. S'il existait un classement des "squatteurs de matinales", il figurerait en tête. Anouar Zyne comble la faible visibilité de son parti par son verbe affûté, son discours policé et sa bonhomie naturelle.

Anouar Zyne, l’impétueux

Le 15 avril 2016 à 13h02

Modifié 15 avril 2016 à 13h02

Sa voix résonne sur toutes les ondes des radios marocaines. S'il existait un classement des "squatteurs de matinales", il figurerait en tête. Anouar Zyne comble la faible visibilité de son parti par son verbe affûté, son discours policé et sa bonhomie naturelle.

Très vite, Anouar Zyne est devenu une personnalité incontournable du PAM, Paysage audiovisuel marocain.

Zyne a été tour à tour membre du Conseil national de son parti, candidat malheureux dans une circonscription ingagnable de Casablanca en 2007, puis président de la jeunesse, mais les sièges les plus en vue lui échappent. Ils sont réservés aux briscards, aux professionnels de l’activité politique, aux apparatchiks, à tous ceux que Zyne voudrait pendre sur le bûcher des vanités.


Ce n’est qu’en mars 2015 qu’Anouar Zyne entre dans la cour des grands. Le jour où il décide de se lancer à la course pour la présidence de l’UC. Quelle mouche l’a piqué? Lui? Rafler la mise? Candide! Son annonce de candidature se fait sur Facebook, il lance un site Internet, prône le renouvellement du personnel politique... et surtout de leurs idées. Il ambitionne de dépoussiérer l’UC, un parti sans "odeur ni saveur".

Zyne déclare alors "L’UC n’est plus un parti de la fameuse administration", croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer. Comprenez par "fameuse administration" celle de "Ssi Driss", une manière pour Anouar de jeter le discrédit sur ses concurrents, tous d’une autre génération, de les flinguer, tout simplement.

De la presse à la politique

D’aucuns disent que Zyne aurait mieux fait de rester dans la haute fonction publique- au sein de la mère des ministères, où il a travaillé un temps dans l’ombre du puissant Saad Hassar -ou faire une brillante carrière dans le monde de la presse. Il les connaît si bien, les journalistes! Mais non! Il se lance, la fleur au fusil, dans la course au pouvoir politique. La douche sera glaciale et le communiqué de la très officielle MAP lapidaire: "M. Sajid a obtenu 825 voix dépassant de loin ses concurrents Anouar Zyne, qui n'a obtenu que 25 voix et" (…). "Que 25 voix", un désaveu.

Anouar lâché par sa propre jeunesse, par ses troupes. Anouar a pêché par excès de confiance, confondu vitesse et précipitation. Anouar refoulé aux portes du pouvoir. Comme s'il n’avait qu’une seule vocation: s’activer dans les coulisses. Et c’est vrai qu’il y réussit fort bien, derrière le rideau. C’est peut être la raison qui a poussé Sajid à recruter dans son staff son concurrent déchu. Lui qui n’a véritablement aucune fonction officielle majeure -il ne figure pas parmi les membres du bureau politique-fait office de Mazarin pour le nouveau patron de l’UC. Un cardinal "nouvelle génération", qui distille ses conseils avec malice et pugnacité, un stratège hors pair. Anouar ne fait pas dans la douceur, c’est un "brutal". Pour lui, la politique n’est faite que de rapports de force. Il ne peut envisager la politique autrement que comme un combat de boxe. Son modèle? Nicolas Sarkozy, qu’il continue de croire "un cran au dessus de ses concurrents".

Anouar n’existe que dans l’adversité, dans la rébellion. Lorsqu’il se présente à la tête de l’UC, il ne prend guère la peine d’avertir le secrétaire général sortant, Mohamed Labied, qui fut pourtant l’un de ses mentors. Zyne s’amuse même à faire le (terrible) parallèle entre leur relation et celle qui "unit" Chirac et Sarkozy. Anouar utilise aussi les réseaux sociaux, pour titiller ceux pour qui il a un jour travaillé, c’est le cas avec Moncef Belkhayat, dont il fut le conseiller com’ au ministère de la Jeunesse et des sports. Lorsque "Khouya Moncef" démissionne du Conseil de la ville de Casablanca, Zyne déclare- on l’imagine arborant un sourire canaille- sur sa page Facebook: "Parfois résister, c’est partir. La fraternité ne dure que 5 mois". Anouar repousse les limites du politiquement correct, au risque de se créer des inimitiés.

L'héritier de Sajid

Aujourd’hui, sa loyauté va au "boss" de l’UC, dont on dit, ici et là, qu’il est l’héritier, qu’on le "prépare". On sait que Zyne est un visiteur du soir des plus réguliers chez "Simohamed" Sajid et que lorsqu’un communiqué de l’UC dénonce l’arrêt de la VoIP ou les événements de Béni Mellal, la "main invisible" de Zyne n’est pas bien loin. Sa force, c’est sa capacité à transgresser les règles, à surprendre. Sa faiblesse, c’est que transgression rime souvent avec insoumission.

On loue son art de la communication politique, son sens tactique, son dynamisme envoûtant. Zyne se rend-il compte que ces flatteries ont leurs revers? Qu’a force de faire le tour des plateaux, il finit par débiter les mêmes platitudes et autres généralités que ces aînés? A l’écouter réciter ses mantras, de manière quasi-mécanique, on sent bien que Zyne se lasse. On sent cette envie d’"action publique", ce besoin de servir, d’agir.

On sent son impatience, mais aussi son usure à force de ruer dans les brancards de l’opposition. Il y a chez Anouar quelque chose de profond qui est plus fort qu’une simple ambition, il y a en lui une révolte sincère. Une révolte contre un système, contre les castes, contre les inégalités, les disparités. Se sent-il peut être illégitime dans ce monde politique, encore aujourd’hui? Lui l’enfant d’El Hank, né face à la mer, et qui à l’âge de 9 mois déménage à Mers Sultan, où il grandit entre les bars, les salles de cinéma, deux mosquées, une église, initié depuis tout petit aux charmes du Maroc pluriel... Son enfance, c’est sa force, c’est là où il puise sa vision du Maroc ouvert et tolérant. Il jalonne son discours politique de petites anecdotes sur son enfance, sur sa vie paisible dans son "derb" (NDLR: quartier) et fait, inévitablement, de la défense du patrimoine de Casablanca un véritable combat politique.

C’est donc un enfant des ruelles de Mers Sultan qui porte aujourd’hui la parole du légendaire club du Wac, qui tutoie l’ex-patron de Casablanca et qui est sans nul doute un ministrable en puissance pour le parti du cheval.

Enfant terrible de la politique

Il doit tout à l’éducation de ses parents, à l’enseignement de ses professeurs et à la force de son travail. Droit dans ses baskets, Anouar est un homme de droite. Une droite décomplexée, tellement décomplexée qu’elle en devient presque attirante. Zyne est un passionné. Les libertés individuelles, les politiques publiques progressistes, l’impact du numérique, c’est son dada.

Anouar est intransigeant sur le contenu politique, sur la forme, mais il est surtout porteur d’une fureur, d’une révolte contre les tergiversations, les petits arrangements entre amis et les compromis mous. Enfant terrible de la politique, Zyne veut apporter du sang neuf à la scène publique marocaine. Il veut la remettre d’aplomb. Lui qui aurait rêvé vivre à l’époque de son maître à penser, Maâti Bouabid, regrette la lenteur de la vie politique actuelle, car si Zyne est un pur produit de l’école marocaine, c’est à l’Oncle Sam qu’il doit sa formation politique.

Il ne jure que par le management politique, les nouvelles technologies, la planification stratégique, le ciblage des électeurs. Pour Anouar, la campagne sera digitale ou ne sera pas et il compte bien être le précurseur de cette révolution politique 2.0. Est-ce trop de présomption ? Peut être. Certains, au sein de son parti, raillent sa conception occidentale de la politique. Mais qu'importe, Zyne trace sa route et son engagement politique sera pavé de tweets. 

Quoi qu’il en soit, le "prince de l’UC" continue donc de se construire, d’imprégner son parti de son empreinte résolument moderniste. Le rendez vous du 7 octobre changera peut être le cours de son destin atypique. Si l’UC fait le choix du pragmatisme en entrant dans le gouvernement, Anouar fréquentera alors (de nouveau) les salons fleuris de la capitale et les couloirs des ministères, peut être disposera t-il d’une loge au premier rang . Si l’UC s’isole une nouvelle fois dans l’opposition, il faudrait un véritable miracle pour maintenir en vie ce parti, qui est aujourd’hui sous assistance respiratoire, malgré toute la bonne volonté de "Ssi Sajid" et de son Mazarin.

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