Membre des comités de candidature marocains  pour les mondiaux de 1994, 1998, 2006 et 2010, Belkhayat indique que «Abdellatif Semlali, ministre de la Jeunesse et des sports, avait promis de l’argent à Jack Warner pour les votes pour le Mondial 1994 mais rien n’a finalement été versé». « Pour le Mondial 2006 avec Driss Benhima, celui-ci a refusé de donner un seul dollar à Warner qui s’était plaint que Semlali n’ait pas tenu sa promesse».

Driss Benhima ne veut rien donner

Sur le Mondial 1998 suivi par le ministère américain de la Justice depuis quatre ans –et non deux ans comme écrit auparavant-, «Jack Warner ne voulait pas travailler pour le Maroc sur ce dossier, réclamant l’argent promis par Semlali  pour les votes du Mondial de 1994».

Pour rappel, la ministre américaine de la justice Loretta Lynch indiquait mercredi 27 mai que «ces individus et organisations étaient engagés dans des pratiques de corruption pour décider de qui retransmettrait les compétitions, où se tiendraient les compétitions et qui dirigeraient l’organisation chargée de superviser le football à l’échelle mondiale».

Sur le dossier de la France 1998, Belkhayat estime que «la France a bien préparé son affaire avec un engagement très fort de Jacques Chirac». «Paris a réagi très fortement après la rencontre entre Hassan II et Joao Havelange en 1992 après les J.O. de Barcelone. Lorsque Paris a vu que Rabat mettait le paquet, Jacques Chirac n’a rien ménagé et les Français avaient un bon dossier. Nous, on avait trop de maquettes et on avait peu renouvelé par rapport à notre précédente candidature». Les dossiers marocains de 1994 et 1998 étaient pilotés par Abdellatif Semlali.

S’agissant du dossier marocain pour le Mondial 2010 géré par Saâd Kettani,  Said Belkhayat décrit un Kettani chargé de l’Europe, Allan Rothenberg des Amériques et lui-même de l’Afrique. Pour l’Asie, Rabat avait «sécurisé» les voix du Qatar et de la Corée du sud à travers Mohamed Bin Hammam alors président de la Confédération asiatique.

En 2011, Bin Hammam et Warner avaient dû démissionner du comité exécutif de la FIFA sur de forts soupçons de corruption, le Qatari tentant d’acheter des voix de la Concacaf (Amérique centrale et Caraïbes).  Suite aux deux démissions, la FIFA avait classé l’affaire.

«Saâd Kettani avaient assuré les quatre voix européennes sur huit: celles de la France, de l’Espagne, de la Turquie et de la Belgique, poursuit Belkhayat.  Pour l’Afrique les trois voix étaient côté marocain ; restaient donc les trois voix des Amériques. C’était le rôle d’Allan Rothenberg que le Maroc avait recruté après qu’il ait dirigé le comité d’organisation du Mondial US de 1994 ».

Belkhayat: “Blatter doit partir“

«Allan Rothenberg avait une prime de réussite située entre cinq et 10 millions je crois sans en être certain. A Zurich le 14 mai 2004 nous avons dormi gagnants et nous nous sommes réveillés perdants», souligne Said Belkhayat. «On ne voulait pas payer pour avoir des voix mais on voulait payer après obtention du résultat».

«Nelson Mandela est arrivé la veille à Zürich et cela a eu un impact. Jack Warner qui devait apporter ses trois voix au Maroc les a mises côté sud-africain. Prétoria voulait sauver la face de Mandela et avoir la coupe du Monde».

La justice américaine accuse Jack Warner d’avoir touché 10 millions de dollars pour ce vote qui a lésé la FIFA et le Maroc et octroyé l’organisation du Mondial 2010 à l’Afrique du sud. Charles “Chuck“ Blazer, ancien de la FIFA et taupe du FBI a touché un million de dollars sur ces 10 millions, la somme ayant transité par un compte de la FIFA.

Belkhayat estime qu’avec l’entrée en jeu des justices américaines et suisse, «la FIFA est souillée. Sepp Blatter doit partir et il faut un nouveau mode de gouvernance», indique-t-il.

L’UEFA demande un report de l’élection à la tête de la FIFA, le président de la FA demande le départ de Blatter

Les nuages s’accumulent au-dessus de Sepp Blatter ce jeudi. Candidat à un 5^ème mandat lors d’élections prévues demain, l’UEFA a demandé le report de l’élection et de la tenue du congrès prévus ce week-end.

Parlant de «désastre», de  «choc» et de «tristesse», le communiqué de l’UEFA publié mercredi soir appelle à un changement du leadership «de cette FIFA» et demande formellement que l’élection du président et la tenue du congrès de la FIFA soit ajournées de six mois.

Sur son site web, le titre choisi par l’organisation de Michel Platini est révélateur: «l’UEFA donne le carton rouge à cette FIFA». De son côté, le président de la fédération anglaise de football a appelé au départ de Sepp Blatter.

L’UEFA doit décider à partir de 17H GMT ce jeudi  si les fédérations européennes participent au congrès de la FIFA  et à l’élection à Zürich demain. Français, Anglais et Néerlandais notamment sont très opposés à Sepp Blatter.

Les Anglais sont très remontés contre Blatter, soupçonné d’avoir favorisé la candidature russe pour le Mondial 2018. Londres était candidate malheureuse.

Depuis les votes octroyant l’organisation des coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar, les Anglais sont devenus des critiques inlassables de Sepp Blatter. La presse britannique de ce jeudi parle de «fin de partie» pour Blatter

En avril dernier, deux journalistes du Sunday Times ont publié The Ugly Game (Le jeu moche) dénonçant la corruption qui aurait entouré l’octroi du Mondial au Qatar. Le livre sortira dans sa traduction française le 15 octobre prochain.