Un mystérieux projet Oméga pour faire du Maroc une économie émergente

Un document de cadrage, que l’on prête à McKinsey et qui a été “leaké”, part des limites des politiques actuelles, et propose de nouvelles directives, afin de se positionner dans l’échiquier mondial des économies “émergentes”. Le Maroc ne peut plus s’offrir le luxe de rater le rendez-vous de la “véritable” croissance sur les 10 ans à venir.  

Un mystérieux projet Oméga pour faire du Maroc une économie émergente

Le 14 octobre 2014 à 15h22

Modifié 14 octobre 2014 à 15h22

Un document de cadrage, que l’on prête à McKinsey et qui a été “leaké”, part des limites des politiques actuelles, et propose de nouvelles directives, afin de se positionner dans l’échiquier mondial des économies “émergentes”. Le Maroc ne peut plus s’offrir le luxe de rater le rendez-vous de la “véritable” croissance sur les 10 ans à venir.  

Le mot d’ordre, “Maroc pays émergent“, a été lancé le 20 août dernier : le discours du Roi appelait à faire entrer définitivement le Maroc dans les pays émergents, et pour cela, il y a un palier à passer, disait le Roi.

Un document qui circule sur le net et dont l’origine est probablement une fuite ou le piratage d’un compte mail, vient accréditer la thèse selon laquelle le Palais a décidé de donner un contenu concret à ce mot d’ordre, en le transformant en stratégie.

L’authenticité de ce document qui s’intitule projet Oméga n’est pas vérifiée. Mais il est plausible, cohérent et différents indices laissent croire qu’il est authentique. C’est pourquoi Médias 24, et malgré ces réserves, a décidé d’en donner lecture.

Selon le document censé être confidentiel, le 18 septembre, c’est-à-dire un mois après le discours du Roi, une équipe de McKinsey est reçue pour un brief au sujet de l’élaboration d’une stratégie de véritable émergence économique du Maroc.

Le document qui a fuité est le rapport de cadrage de cette stratégie, c’est-à-dire la restitution de la compréhension du brief et donc de l’attente du client et une proposition de planning et de méthode de travail. Le nom du client n’est pas cité, mais tout indique qu’il est situé à un degré plus élevé que le gouvernement.

Le document de cadrage pointe du doigt à la fois l’absence de cohésion entre les différentes politiques publiques, la négligence de certains secteurs notamment sociaux comme l’éducation et la santé, et souligne la fragilité de l’économie marocaine due à la dépendance de celle-ci vis-à-vis d’éléments exogènes, rendus précaires par la crise de 2008. Différents secteurs, comme Maroc Vert ou l’émergence industrielle ont évolué en silos et le Maroc a besoin aussi d’une stratégie et d’une vision transversales ainsi que de taux de croissance volontaristement élevés, 6 à 8% par an.

Le document présente aussi le cheminement du projet de l’état des lieux qui démarre en ce mois d’octobre et qui finira par l'annonce des conclusions de l’étude, fixée pour février 2015.

 

Une croissance essoufflée

Le document note que si l’économie marocaine s’est améliorée à la première décennie des années 2000, elle s’est nettement dégradée après 2010.

En cause, des chocs extérieurs qui ont fini par révéler les fragilités structurelles de l’économie marocaine.

“Crise structurelle durable, notamment chez nos partenaires sud-européens, tendances protectionnistes et sensibilité face aux délocalisations, instabilité géopolitique majeure sur les flancs Est et Sud du bassin méditerranéen, recomposition géopolitique sur l’Est Européen”, tels sont les facteurs qui ont fragilisé le tissu économique marocain.

Cela a fini par dégrader les marges de manœuvre économique et provoquer une perte de confiance, se traduisant par un ralentissement de l’investissement, de la construction et une réduction de la liquidité dans  le système bancaires, ressentis en 2010-2013 par rapport à la décennie d’avant et, en même temps, les déficits budgétaire et commercial, se sont creusés.

 

Plans sectoriels non synchronisés

La présentation qui prend le parti des plans sectoriels adoptés par le Maroc, tels que Maroc Vert et Halieutis les présentant comme des réussites dans leurs secteurs respectifs.

Pour les auteurs du document, ces plans ont réalisé des acquis considérables sur les dix dernières années. Ils présenteraient, néanmoins, trois déficits majeurs.

Le premier est “l’incohérence entre les politiques publiques, menées en silos”. Par exemple, on note une absence de coordination des prospections commerciales opérées à l’étranger par les institutions chargées de recruter des touristes de nouveaux pays émetteurs et celles qui s’occupent de multiplier les investissements directs étrangers.

Cela ne se ressent pas seulement sur le plan économique et d’affaires, et touche aussi aux secteurs sociaux, avec la non synchronisation des services publics et l’initiative nationale de développement humain.

Les déficits portent également sur le pilotage et l’exécution, (le delivery gap, en langage de consultant) la multiplicité d’intervenants rendant la tâche plus difficile.

Et enfin, les réforme structurelles nécessaires, notamment institutionnelles et celle liée aux secteurs sociaux, manque de radicalité et de profondeur, selon les auteurs de la restitution.

 

Dégradation des services publics

L’étude déplore aussi les niveaux des indicateurs sociaux.

En effet, les chiffres de la pauvreté reflètent des disparités sociales considérables. “Le revenu moyen par ménage est deux fois inférieur à la moyenne nationale” rapportent les auteurs. En effet, 13% des ménages en milieu urbain vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 22% en milieu rural. Cela ramène la moyenne nationale à 15%.

Et si des efforts ont été consentis pour réduire le taux d’analphabétisme, celui-ci reste très élevé, 43% en moyenne au royaume. En milieu rural, cela représente 56% contre 39% en milieu urbain.

Quant à la mortalité infantile, elle reste très élevée, reflétant le niveau d’accès aux infrastructures de santé, et la qualité du service public. Ainsi, sur chaque mille nouvelles naissances, 54 bébés trouvent la mort en milieu rural, contre 39% en ville.

En l’absence de couverture santé efficace et généralisée, le coût de l’accouchement représente 3 mois de revenu moyen.

 

Leçons des Brics: réinventer le capitalisme national

Mckinsey préconise dans cet avant-projet, de s’inspirer des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) “pays véritablement émergents”.

Pour le Maroc, il faut, selon les auteurs une “logique de développement intégré autour de priorités claires”, ainsi qu’une mise en cohérence des domaines d’action de l’Etat, tout en soulignant les priorités, et que celles-ci intègrent le volet social.

Sur le plan industriel, Mckinsey souligne la nécessité de politiques industrielles changeant en fonction de chaque étape de développement, mais en gardant à l’esprit les secteurs clés et moteurs de croissance. Mckinsey reprend la terminologie de Moulay Hafid Elalamy, en mettant l’accent sur la logique d’écosystèmes et d’acteurs/transactions catalytiques.

Pour cela, il faut, selon le cabinet, attaquer de front les réformes structurelles, en ayant recours aux chocs de simplification, et de mettre fin au tabou du public, en mélangeant capitaux publics et privés.

Réinventer le capitalisme national, tel est le mot d’ordre. Pour Mckinsey, la logique des champions nationaux est une réussite qu’il faut retenir et dupliquer tout en repensant la gouvernance de marché.

Pour ne pas rater le rendez-vous de l’émergence, il faut donc, selon Mckinsey, un taux de croissance constant de 6% à 8%.

Et cela ne pourra être possible sans la rénovation de l’Etat et des institutions vers plus d’efficience, tout en ayant une “population mieux éduquée et en adéquation avec le marché du travail”. En outre, le capitalisme national se renforçant dans sa logique de champions nationaux, pourra disposer de locomotives à même de transformer le Maroc en une puissance régionale, notamment grâce à l’ouverture sur les marchés d’Afrique de l’ouest.

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