Agroalimentaire : comment le Maroc peut profiter de l’embargo russe

Une dizaine de jours après l’entrée en vigueur de l'embargo russe sur les produits alimentaires en provenance de l’Union Européenne, des Etats-Unis, de l’Australie, du Canada et de la Norvège, le Maroc aimerait tirer son épingle du jeu et booster ses exportations vers le pays des tsars.

Agroalimentaire : comment le Maroc peut profiter de l’embargo russe

Le 18 août 2014 à 14h18

Modifié 11 avril 2021 à 2h36

Une dizaine de jours après l’entrée en vigueur de l'embargo russe sur les produits alimentaires en provenance de l’Union Européenne, des Etats-Unis, de l’Australie, du Canada et de la Norvège, le Maroc aimerait tirer son épingle du jeu et booster ses exportations vers le pays des tsars.

Comment compte-t-il procéder? Nous avons posé la question à des professionnels.

 

L’embargo imposé le 7 août durera une année et concerne le bœuf, le porc, la volaille, le poisson, le fromage, le lait, et les fruits et légumes. Un marché juteux qui a absorbé en 2013 pas moins de 10% des exportations agricoles et alimentaires européennes, soit près de 12 milliards d'euros.

Pour le Maroc, deuxième partenaire commercial de la Russie en Afrique après l’Egypte (avec un volume des échanges commerciaux bilatéraux qui dépasse actuellement les 2 milliards de dollars), les opportunités se trouvent surtout du côté des agrumes et des primeurs, deux produits que le Royaume exporte de manière soutenue vers ce pays devenu par la même le premier client du Maroc pour les agrumes avec 50 à 55% du volume exporté.

Outre ces deux marchés prioritaires, le Maroc pourrait également se positionner sur le marché des fruits de mer en saisissant les parts de marché restées vacantes par l’Espagne, et dans une moindre mesure sur celui de l’huile d’olive, un marché que se partagent l’Italie, l’Espagne et la Grèce.

Des contacts se font, en attendant la commission maroco-russe

Pour l’heure, aucune action coordonnée entre les professionnels et le gouvernement n’a été prise, contrairement à l’Egypte, à la Chine ou au Brésil. Mais les choses pourraient s’accélérer avec la tenue de la 5e session de la commission mixte maroco-russe qui se réunira du 15 au 17 septembre à Rabat et qui verra la présence du ministre russe de l'Agriculture Nikolaï Fedorov. La tenue de cette commission était prévue bien avant l’annonce de l’embargo.

En attendant, "des contacts se font entre les professionnels des deux pays, et des initiatives sont prises par des exportateurs marocains d’agrumes, de primeurs et de fruits de mer", nous confie une source autorisée à la fédération de la Russie au Maroc.

"En tant que représentation commerciale de la Russie au Maroc, nous approchons les opérateurs et essayons de les aider à exporter vers la Russie", ajoute notre source. 

"On ne devient pas pays exportateur du jour au lendemain"

Faut-il pour autant s’emballer ? Pour Moulay M'hamed Loultiti, président de Maroc-Citrus (Fédération Interprofessionnelle Marocaine des Agrumes), il ne faut pas se précipiter car « on ne devient pas pays exportateur du jour au lendemain".    

"Pour la partie agrumes et primeurs, le Maroc se trouve aujourd’hui dans une bonne position. L’évolution est assez rapide depuis quelques années, et cela peut encore s’améliorer. Par contre, pour le reste de l’agroalimentaire, je ne suis pas certain que le Maroc puisse répondre aux besoins du marché russe", déclare-t-il à Médias 24.

"Mais avant cela, il faut faire de la prospection. Chaque profession peut évaluer sa propre situation et tenter d’améliorer ses capacités de production. Les producteurs peuvent  développer de nouveaux produits, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut rester prudent et étudier les différentes possibilités qui s’offrent à nous. Il faut être optimiste certes, mais il ne faut pas croire au père noël.

D’autres pays profitent déjà de l’embargo russe

Pendant ce temps, plusieurs pays se sont déjà accaparé des parts de marché laissées vacantes. Il y a d’abord le Brésil qui profite déjà de l’embargo russe, en l’occurrence pour la volaille, le porc ou le bœuf. En effet, au lendemain de l’entrée en vigueur de l’embargo, une centaine de producteurs alimentaires brésiliens avaient reçu un permis d'exportation vers la Russie. L’Egypte aussi semble en pôle position pour booster ses exportations. Profitant de la visite du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi en Russie, les deux pays avaient décidé le 12 mai de renforcer leurs échanges de biens alimentaires. Au même moment, Pékin annonçait l’ouverture d’un nouveau terminal pour envoyer des fruits et légumes en Russie.

"Le Brésil dispose déjà d’un gros potentiel et d’une production diversifiée. Ce pays est un grand producteur de viande rouge, et peut répondre aux besoins du marché russe assez rapidement. L’Egypte est en effet bien présente en Russie à travers ses agrumes et pommes de terre, mais reste un pays importateur", commente M. Loultiti.

Une belle opportunité pour l’huile d’olive marocaine

Autre produit qui pourrait tirer son épingle du jeu: l’huile d’olive. Car en dépit du potentiel du marché russe, tout reste à faire puisque "le Maroc y exporte très peu d’huile d’olive", nous confie Rachid Benali, président de la Fédération nationale d'olive (FNO). Selon lui, l’annonce de cet embargo représente une belle opportunité pour ce produit.

"La Russie représente un marché intéressant et en pleine expansion, et le Maroc gagnerait à s’y positionner. Dans le contexte actuel, l’Italie détient la plus grosse part de marché en profitant de la notoriété de son huile d’olive, tandis que l’Espagne et la Grèce cassent les prix. Si l’embargo est maintenu, le Maroc peut devenir leader avec la Tunisie. A ce jour, à part l’Espagne, l’Italie et la Grèce, la Tunisie est le principal exportateur d’huile d’olive, et nous dépasse de loin (…), la Syrie était aussi un concurrent mais depuis la guerre, ses exportations ont chuté", nous confie M. Benali.

"Du 15 au 18 septembre, nous serons présents au Worldfood Moscou, une grande foire dédiée à l’agroalimentaire et destinée aux professionnels Russes", ajoute-t-il.

Les principaux marchés de l’huile d’olive marocaine sont les Etats unis et l’Italie, qui est à la fois le plus grand importateur et le plus grand exportateur d’huile d’olive dans le monde. 

Le Maroc doit-il s’inquiéter des pressions de l’UE ?

Si le Maroc arrive à s’engouffrer dans la brèche, doit-il s’inquiéter des pressions diplomatiques de l'UE sur les pays désireux de vendre des produits agricoles en Russie ?

"Le Brésil risque de déranger la position de l’Union européenne, ce qui n’est pas le cas du Maroc", nuance le président de Maroc-Citrus. "Les exportations marocaines ne constituent pas une carte de remplacement par rapport à l’Europe. Il n’y aura pas de changement spectaculaire". Et il faudrait encore que l’embargo soit maintenu, ce qui n’est pas gagné selon le président de Maroc-Citrus. "Je pense que les lobbies des opérateurs européens et nord-américains vont mettre la pression sur leurs gouvernements pour mettre fin à cet embargo russe, ou au moins pour l’assouplir. Il ne faut donc pas se précipiter".

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