Maroc-UE, une crise pas comme les autres

Demain ou dans les prochains jours, se décidera le sort des exportations marocaines de tomates et de fruits et légumes. Mais au-delà de cet épisode commercial, les Marocains s’interrogent sur la fiabilité des engagements européens. Il y a comme une cassure en l’air.

Maroc-UE, une crise pas comme les autres

Le 13 avril 2014 à 16h31

Modifié 13 avril 2014 à 16h31

Demain ou dans les prochains jours, se décidera le sort des exportations marocaines de tomates et de fruits et légumes. Mais au-delà de cet épisode commercial, les Marocains s’interrogent sur la fiabilité des engagements européens. Il y a comme une cassure en l’air.

Dans les rangs des professionnels concernés, le sentiment général est à l’incrédulité et à l’inquiétude. Spontanément, nos interlocuteurs se demandent “s’il faudra croire l’Europe à l’avenir“. “Nous ne représentons rien pour eux, nous sommes peu de choses, l’Europe ne pense qu’à ses intérêts“.

Ce genre de remarques revient dans toutes les discussions. Comment l’Europe peut-elle envisager si froidement, de renier ses engagements écrits à l’égard du Maroc? C’est que le Maroc n’est rien, peanuts. Il y a de l’amertume, de la colère, de l’incompréhension.

Vendredi, des professionnels du secteur agricole ont observé un sit-in de protestation auprès du siège de la délégation de l’Union Européenne à Rabat. Un sit-in similaire est convoqué pour ce mardi.

Au sein de la Fifel (fédération interprofessionnelle marocaine de production et d’exportation de fruits et légumes), la mobilisation est totale.

Un tsunami économique et social

Pour les producteurs et les exportateurs, dont beaucoup ont investi en fonction du marché européen, le coup est rude et peut s’avérer mortel. Plusieurs dizaines de milliers d’emplois sont menacés, voire 100.000 ou 150.000.

Si le système de dédouanement des fruits et légumes à l’entrée de l’UE change, ce qui pourrait arriver dès ce lundi, 30% à 70% des exportations marocaines de tomates seront immédiatement évincées, selon les simulations réalisées par la profession. Dans un second temps, c’est la totalité des tomates marocaines qui seraient évincées, car l’origine ne serait plus considérée comme fiable. L’ensemble de la filière fruits et légumes finira par être gravement touchée et en particulier les concombres, courgettes et clémentines. La Fifel évoque un effondrement programmé de l’ensemble de la filière.

Irrespect des engagements et entrave au commerce

Dans un communiqué publié dimanche, la Fifel “considère que ces nouvelles dispositions constituent une entrave supplémentaire au commerce en totale contradiction avec l'esprit et la lettre tant du Code de Douanes Communautaire que des règles de l'Organisation Mondiale du Commerce et les dispositions pertinentes des différents Accords liant le Maroc et l'Union Européenne. En imposant ce nouveau mécanisme, l'Union Européenne viendrait ici modifier le cadred'application de ces accords“.

D’une part ces accords prévoient des conditions particulières d’accès des produits marocains, mais de plus une clause prévoit que le Maroc doit être consulté avant tout changement. Il s’agissait d’accord avec concessions réciproques. Par exemple, le Maroc a accordé à l’Europe un quota de céréales avec des droits d douane préférentiels.

Le Maroc visé ?

La Fifel n’écarte pas la possibilité que le Maroc soit particulièrement visé par ces mesures. Leur portée est certes générale puisqu’elles touchent tous les pays tiers, mais les pressions exercées par des groupes de producteurs européens concurrents du Maroc sont incriminées par les professionnels marocains.

Actuellement, les fruits et légumes marocains accèdent au marché européen sous un “encadrement drastique, quantitatif, calendaire et avec l'obligation du respect, parles fruits et légumes du Maroc, d'un prix minimum de vente également appelé prixd'entrée", explique la Fifel. Malgré cela, les instances européennes imposent de nouvelles restrictionsprotectionnistes en durcissant leurs modalités de dédouanement et d'accès au marché, s’étonne la même source.

Gros investissements marocains

La profession met en avant les investissements considérableseffectués par le Maroc qui croyait que le cadre d’accès au marché était désormais sécurisé, grâce aux accords entre les deux parties. La filière a ainsi “investi dans des structures performantes de production et de conditionnement, diversifié les produits et les variétés exportées, généralisé les techniques de production respectueuses de la santé des consommateurs et de l'environnement“.

Avec les nouvelles mesures, si jamais elles étaient adoptées, “les fruits et légumes originaires du Maroc seraient dorénavant cantonnés dans l'approvisionnement d'appoint des grandes surfaces, en cas de défaillancesconjoncturelles des fournisseurs attitrés, et au ravitaillement des marchés forains“, prévient la Fifel.

Une situation “inacceptable“

Tous nos interlocuteurs insistent sur le fait que le Maroc n’acceptera jamais une telle décision si elle venait à être prise. Et lorsqu’on dit le Maroc, on n’évoque pas seulement les professionnels, mais également le gouvernement et différentes sources bien informées nous affirment que le Chef de l’Etat suit personnellement la situation.

Hormis les discussions en coulisses, la fermeté du Maroc s’est manifestée par un signal qui ne trompe pas : le Maroc a déclaré par la voix de la secrétaire générale du ministère de la pêche, qu’il “prendra son temps“ pour l’application de l’accord de pêche.

Le conseil européen agriculture et pêche doit examiner ce lundi à partir de 11.00, les quatre règlements de base de la nouvelle politique agricole commune (PAC). C’est le règlement intitulé Les mesures du marché qui concerne le Maroc, dans son article 181.

Ce week end, ce point ne figurait plus à l’ordre du jour de la réunion, telle qu’il apparaissait sur le site de l’UE, alors qu’il y figurait jusqu’à vendredi en milieu de journée. Mais il ne faut pas crier victoire : au mieux, c’est un répit, jusqu’après les élections du parlement européen prévues en mai. Au pire, la réforme de la PAC sera soumise à un vote du parlement européen, réuni en plénière, pour donner au texte une plus grande légitimité. Le Maroc ne connaît pas les intentions de la partie européenne. Lundi et mardi seront des journées décisives.

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