Caisse de compensation : l’indexation, comment ça fonctionne

La réforme de la compensation par un retour à l’indexation déchaîne les passions. Chacun y va de son commentaire pour appuyer la nécessité de la réforme, en critiquer les orientations ou la dénoncer comme contraire aux intérêts de la population.  

Caisse de compensation : l’indexation, comment ça fonctionne

Le 19 juillet 2013 à 15h54

Modifié 19 juillet 2013 à 15h54

La réforme de la compensation par un retour à l’indexation déchaîne les passions. Chacun y va de son commentaire pour appuyer la nécessité de la réforme, en critiquer les orientations ou la dénoncer comme contraire aux intérêts de la population.  

Et le contexte politique actuel, avec le retrait de l’Istiqlal du gouvernement, n’est pas propre à calmer le jeu. Mais le problème de la compensation est un problème technique qui appelle un débat technique dépassionné pour que les décisions qui seront prises aillent dans le sens de l’intérêt collectif.

Avec un éclairage apporté par Salima Bennani, directrice de la Caisse de compensation, Médias 24 revient sur cette problématique.

Comment fonctionne la compensation ?

Il ya plusieurs type de compensation, en fonction du produit ciblé. Dans le cas des produits pétroliers et du gaz, dont la consommation est intégralement importée, le système revient simplement pour la caisse de compensation à payer la différence entre le prix d’importation et le prix de vente fixé sur le marché local, corrigé des taxes intérieures. La facture dépend donc non seulement des quantités consommées mais également des cours mondiaux.

Pour le sucre et les farines, le mécanisme est un peu différent, puisque la consommation de ces produits est satisfaite en partie par une production locale et en partie par des importations :

- Pour la partie produite localement dont le prix de vente est fixé, la compensation est une subvention forfaitaire versée lors de la mise sur le marché dont le montant est fixé chaque année dans la loi de Finances. Pour le sucre, cette subvention est de 2.661 DH la tonne pour l’année 2013. Cette subvention est destinée à encourager la production locale et à soutenir les petits producteurs. La facture globale pour l’Etat dépend donc uniquement des quantités qui sont mises sur le marché.

- Pour la partie qui est importée, une subvention à l’importation est accordée en cas de dépassement d’un prix cible fixé annuellement. La facture globale dépend donc, comme pour le pétrole, des quantités importées et de l’évolution des cours mondiaux.

En quoi cette compensation est-elle pernicieuse ?

La compensation des prix du pétrole représente la plus grosse partie de la facture de compensation. Elle a été réinstaurée en 2000 pour atténuer le choc pour le consommateur de la hausse des prix du pétrole.

Mais depuis lors, les cours mondiaux n’ont cessé de croître. Ils ont ainsi plus que triplé entre 2004 et 2012, passant d’une moyenne annuelle de 38 à 112 dollars le baril. Sur le même temps, les réajustements successifs des prix des carburants à la pompe ont fait croître les prix intérieurs de 9,05 à 12,18 DH pour l’essence et de 5,76 à 8,15 DH pour le gasoil, soit une augmentation de respectivement 41% et 35%, sans commune mesure avec la hausse des cours. C’est donc principalement le budget de l’Etat qui a absorbé le choc considérable exercé par la forte hausse des cours de ces dernières années.

 

Mais compte tenu de l’ampleur du choc, la facture de compensation est devenue insoutenable pour le budget de l’Etat. Pour l’année 2012, ces dépenses de compensation ont ainsi atteint 54,9 milliards de DH, soit plus de 30% des recettes fiscales. Une part non négligeable de l’effort fiscal est donc absorbée par des dépenses de consommation.

Rapportée au déficit global du Trésor, la facture de compensation représente plus de 90%. L’Etat s’endette donc pour financer des dépenses qui ne sont rien d’autre que des dépenses de consommation, ce qui est particulièrement pernicieux, surtout si l’on considère que pour l’exercice fiscal 2013, le gouvernement a été contraint de geler 15 milliards de crédits d’investissement pour limiter le déficit budgétaire. Le Maroc est donc contraint de renoncer à investir pour financer sa consommation.

En quoi consiste l’indexation ?

Selon les propos du ministre des Affaires générales et de la gouvernance, Mohame Najib Boulif, recueillis par Médias 24 le mois dernier, l’indexation ne concernerait que les produits pétroliers et consisterait à répercuter la hausse des cours mondiaux sur les prix à la pompe si les cours mondiaux devaient dépasser un certain seuil. Il s’agit donc de répartir la charge de la hausse des cours mondiaux entre l’Etat et le consommateur.

Le gouvernement compte également sur la baisse des cours constatée depuis le mois de mars 2013 pour limiter le poids de la facture de compensation. Mais, s’il est vrai que la baisse constatée a permis de relâcher un peu la pression exercée par la compensation sur le budget de l’Etat, il est peu probable que les cours redescendent durablement à un niveau suffisamment bas pour libérer le budget de l’Etat du poids de la compensation des produits énergétiques.

En effet, compte tenu des prix actuels des carburants à la pompe, il faudrait pour cela que le baril de pétrole revienne à un cours compris entre 70 et 80 dollars. L’indexation est donc la seule solution durable, et au-delà de ces premières mesures annoncées, il s’agit à moyen-long terme d’«arriver à une vérité des prix», c’est-à-dire à un retrait progressif de toute subvention.

A qui va bénéficier l’indexation ?

En allégeant la facture de compensation, l’indexation, même partielle, va libérer des crédits budgétaires qui pourront ainsi être consacrés à d’autres postes budgétaires, et notamment à des dépenses plus productives. Mais le prix à payer à court terme sera nécessairement une accélération de l’inflation, le pétrole étant un intrant dans beaucoup de production.

Il est donc impératif de mettre parallèlement en place des mesures de ciblage propres à limiter la perte de pouvoir d’achat provoquée par la hausse des prix pour les populations les plus exposées. Mais cette question du ciblage fait également débat, notamment sur l’éventuelle conditionnalité des mesures de ciblage. Or, des programmes tels que Ramed ou Tissir ont montré que le ciblage conditionné pouvait aider à améliorer les indicateurs de santé maternelle et infantile et d’éducation. Il serait dommage de se priver d’un tel levier.

Il y a donc certes un mauvais moment à passer à court terme pour absorber la hausse des prix qui va résulter de la décompensation progressive, mais il s’agit là d’un mal nécessaire qui permettra au pays à plus long terme de réaliser des dépenses plus productives, plus à même de stimuler sa croissance.

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