Abdellatif Jouahri: l'incertitude actuelle pèse sur la reprise économique

Bank Al-Maghrib a maintenu son taux directeur à 1,5% suite à la dernière réunion de son Conseil de politique monétaire. Il prévoit une plus forte contraction de l'économie nationale de 6,3% en 2020. Voici les déclarations de Abdellatif Jouahri, wali de BAM.

Abdellatif Jouahri: l'incertitude actuelle pèse sur la reprise économique

Le 22 septembre 2020 à 15h27

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

Bank Al-Maghrib a maintenu son taux directeur à 1,5% suite à la dernière réunion de son Conseil de politique monétaire. Il prévoit une plus forte contraction de l'économie nationale de 6,3% en 2020. Voici les déclarations de Abdellatif Jouahri, wali de BAM.

Les nouvelles prévisions macroéconomiques de BAM sont plus sombres qu'en juin dernier. Croissance, échanges extérieurs, finances publiques... Tous les indicateurs devraient fortement se dégrader en 2020 à cause de la crise sanitaire et des mesures des autorités, avant de se redresser légèrement en 2021. Des prévisions marquées par un grand degré d'incertitude et qui peuvent évoluer sensiblement d'ici le conseil de décembre.

Voici les principales déclarations de Abdellatif Jouahri :

>Les nouvelles hypothèses de projection de BAM sont un redémarrage plus lent de l'activité économique, des restrictions localisées décidées par les autorités et un maintien des frontières fermées.

Le scénario de reprise économique en V retenu en juin n'est plus d'actualité. La récession, au lieu de se limiter à 5,2% comme prévu en juin, devrait atteindre 6,3% en 2020. Et cette dernière prévision reste marquée par un fort degré d'incertitude à cause de l'évolution de la pandémie et des mesures que les autorités pourraient prendre pour y faire face.

>Pour financer l'aggravation du déficit budgétaire, le Trésor va entre autres procéder à une sortie sur le marché financier international dans les prochains jours et une deuxième en 2021. La sortie de cette année sera en euros et sera prise en compte dans les réserves de BAM.

>Hausse des impayés bancaires : jusqu'à fin juillet, on a eu 7 milliards de DH de hausse des créances en souffrance. On est à un taux de créances de 8,1%. Il faut distinguer entre les impayés dus au moratoire accordé par les banques et les vraies créances en souffrance. La hausse de ces derniers n'est pas spécifique au Maroc, elle concerne tous les pays à cause de l'effet de la pandémie et de l'impact décalé dans le temps des mesures de relance lancées par le gouvernement.

Il faut attendre la fin de l'année pour évaluer la situation. Mais il faut savoir que tout ce qui est garanti par l'Etat représente un risque limité pour les banques. Pour les autres crédits, les banques vont négocier avec les emprunteurs au cas par cas. 

Il y a une réunion prévue avec le GPBM en novembre, où l'impact des impayés sur les résultats du système bancaire, sa solvabilité sera évalué. Il s'agira aussi d'identifier la source des impayés : TPE, PME, GE, ménages. Nous avons déjà pris des mesures pour permettre aux banques de faire face à la hausse des provisions et la suspension de la distribution des dividendes par les banques. Et nous allons aviser en fonction des dégâts. Mais ce qu'il faut craindre c'est surtout la forte hausse des impayés chez les sociétés de crédit à la consommation.

>Retard de lancement du paiement mobile : Pour nous, c'est l'une des solutions essentielles pour lutter contre le cash, réduire le temps et le coût des opérations.

Aujourd'hui, nous avons 1,5 million de wallets, tous les tests du switch ont été effectués, le GIE des opérateurs a été constitué. Maintenant, les parlementaires, dont certains dénoncent la création d'une nouvelle catégorie de commerçants avec des avantages fiscaux, doivent être partie prenante pour faire naitre cet écosystème. Il faut qu'ils soutiennent le paiement mobile en adoptant des incitations fortes pour encourager les commerçants à adhérer à l'écosystème. Il faut que ces derniers ne soient pas inquiétés d'intégrer le secteur formel et bénéficier d'un avantage incitatif. Cela sera ouvert à tout commerçant qui voudra l'intégrer, car à terme, le paiement mobile doit couvrir toute l'économie.

BAM propose, en plus des incitations, de lancer une opération pilote dans une région pilote. Pourquoi pas, par exemple, servir les aides du programme Tayssir par mobile banking et commencer par Casablanca ? Ce serait le moyen de montrer à tous les autres que ça fonctionne.

Je serai personnellement là pour veiller à ce que le paiement mobile soit déployé dans les meilleurs délais, et je taperai sur toutes les portes.

>Incertitude économique : c'est normal d'en avoir, et c'est le cas partout dans le monde. Prenez Casablanca, le poumon économique du Maroc. Des fois des quartiers sont fermés, des fois des autorisations de déplacements sont exigées, des unités productives sont fermées... Comment voulez-vous avoir de la visibilité et une reprise économique dans ces conditions ? Si les autorités sont amenées à prendre ces mesures, c'est parce que les gens ne sont pas disciplinés. La majorité des cas de contamination sont des cas contacts, et cela montre que toujours il y a quelqu'un qui ne respecte pas les mesures de précaution et favorise les contaminations. A chaque occasion, Aid, Achoura, il y a un relâchement nuisible sur le plan économique.

Je me mets à la place du gouvernement : choisir entre la mort de l'économie et la mort à cause de la Covid, le choix n'est pas du tout facile.

>Déficit de liquidités, refinancement des banques et effet d'éviction exercé par le Trésor : les capacités de refinancement dépassent les 300 milliards de DH. Malgré l'envolée du déficit de liquidités, qui atteint un peu plus de 100 milliards de DH, on reste encore très loin des capacités. L'essentiel pour nous, c'est de refinancer les banques pour leur permettre d'octroyer des financements sains, de soutenir l'économie réelle.

Je regarde chaque semaine combien lève le Trésor et qui souscrit. Quand les banques achètent pour 1 milliard de DH de bons du Trésor alors que les refinancements hebdomadaires de BAM atteignent 100 milliards, on ne peut pas dire qu'il y a un effet d'éviction.

>Prendre une nouvelle ligne de précaution du FMI: je pense que ce n'est pas le bon moment. La priorité est de gérer les effets de la pandémie.

>Pourquoi le CVE n'a pas pris des mesures innovantes et audacieuses de transformation: Il faut savoir que notre tissu économique est fragile : 86% de TPE, 12% de PME, 1 de GE. C'est pareil que dans d'autres pays, mais quand vous analysez d'une façon plus profonde, 90% de ces TPE font un CA de 3 MDH. C'est avec ces opérateurs que vous voulez faire la bataille économique ? On ne peut que jouer aux pompiers avec ce tissu économique en période de crise à travers l'aide de l'Etat et des crédits bancaires. Ce qu'il faut d'abord, c'est rendre résilient le tissu économique pour faire face aux chocs, avant de penser à des mesures comme le consommer marocain par exemple. Car on ne peut pas obliger le consommateur à acheter marocain s'il n'y a pas un tissu économique fort. Même les babouches ne sont plus fabriquées au Maroc.

Il faut reconnaitre que nos moyens sont limités. Il faut avoir un programme avec une priorisation. Mais ce qu'il faut savoir c'est que l'origine du problème est la qualité du capital humain. Ainsi que la qualité des politiques qui gèrent les affaires publiques.

Voici le lien pour consulter la présentation du wali de Bank al-Maghrib.

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