Mohamed Hdid : “Une prescription fiscale anticipée doit être envisagée”

Pour l'expert-comptable et spécialiste de la fiscalité Mohamed Hdid, le gouvernement ne doit pas écarter l'option de la prescription fiscale anticipée comme mesure à prendre pour favoriser la relance économique, consolider la confiance des opérateurs économiques et compenser la baisse des recettes fiscales induite par l'état d'urgence sanitaire. 

Mohamed Hdid : “Une prescription fiscale anticipée doit être envisagée”

Le 1 juin 2020 à 13h25

Modifié 11 avril 2021 à 2h46

Pour l'expert-comptable et spécialiste de la fiscalité Mohamed Hdid, le gouvernement ne doit pas écarter l'option de la prescription fiscale anticipée comme mesure à prendre pour favoriser la relance économique, consolider la confiance des opérateurs économiques et compenser la baisse des recettes fiscales induite par l'état d'urgence sanitaire. 

Le gouvernement planche sur l'élaboration d'un projet de loi de finances rectificative pour l'année 2020. Ce dernier doit tenir compte de l'impact de la crise du Covid-19 sur l'économie et le budget et proposer des mesures pour appuyer le redémarrage et la relance de l'économie.

Lors d'une récente intervention devant les administrateurs de la CGEM, Mohamed Benchaâboun, ministre de l'Economie et des Finances, a donné un avant-goût de ce que sera ce projet de loi de finances rectificative. Mais il faudra attendre son dépôt au Parlement, après son adoption par l'Etat, pour connaître avec exactitude les mesures fiscales et économiques que proposera le gouvernement.

Mohamed Hdid, expert-comptable, fiscaliste et ex-président de la Commission fiscalité de la CGEM, s'exprime pour Médias24 sur les mesures fiscales à effet immédiat que le gouvernement devrait prendre pour favoriser la relance.

Il parle aussi de la prescription fiscale anticipée, une option déjà prise par le passé et que le gouvernement doit envisager pour faire d'une pierre plusieurs coups. Entretien. 

- Médias24 : Le gouvernement prépare un projet de loi de finances rectificative pour intégrer l'impact de la crise sur l'économie ainsi que le budget et amorcer la relance. Selon vous, quel est le bon timing pour adopter ce texte et pourquoi ?

- Mohamed Hdid : Une loi de finances rectificative s’impose mais son timing est tributaire de son contenu et de ses objectifs. Pour avoir un meilleur retour d’expérience sur le 2ème trimestre et plus de visibilité sur les mois à venir, le mois de juillet serait le bon timing. Cela donnera aussi plus de temps pour explorer les opportunités et les mesures à prendre pour une meilleure relance économique.

 - A votre avis, qu'est-ce que cette loi de finances doit contenir comme package fiscal pour favoriser la relance tout en tenant compte de la pression sur le budget ?

Au niveau fiscal, une loi de finances rectificative est souvent l’occasion d’adopter des mesures exceptionnelles et transitoires, compte tenu des délais courts prévus pour son adoption (environ une semaine au niveau de chaque chambre du Parlement).

La LFR doit apporter des mesures fiscales à effet immédiat relativement à l’investissement et à l’emploi, sous forme de mesures limitées dans le temps pour mettre en valeur leur caractère incitatif, il peut s’agir :

- d’une exonération ou d’une réduction des droits d’enregistrement sur une période courte sous forme d’incitation aux acheteurs d'immeubles à usage d’habitation

- d'une exonération de la TVA sur les biens d’investissement acquis d’ici la fin de l’année 2020 ;

- de la possibilité pour les sociétés de verser un acompte d’IS modulé en fonction du montant de l’IS dont elles seront finalement redevables. Cette mesure qui existe dans le droit commun de certains pays peut être activée durant l’année 2020 ;

- Un clin d’œil à la faveur de la capitalisation des entreprises au titre des augmentations de capital réalisées d’ici la fin de l’année peut être aussi envisagée ou des apports en comptes courants et ce,  sous forme de réduction d’impôt et/ou de non prise en compte dans les indicateurs de dépenses des sommes versées dans l’entreprise, en cas de contrôle de la déclaration du revenu global de l’associé au titre de 2020.

Je ne pense pas que la LFR soit l’occasion de débattre de sujets structurants. En 1990, la LFR avait institué notamment le principe de la transition vers le paiement de l’IS sous forme d’acomptes et la prescription anticipée moyennant une contribution libératoire.  

- La loi de finances 2020 contient une série d'amnisties fiscales et de change dont l'objectif est de rétablir la confiance et de redémarrer la machine économique. Pensez-vous que ces amnisties auront un quelconque effet compte tenu de la conjoncture ?

Ces mesures de régularisation volontaires (pour ne pas parler d’amnistie) apportées par la loi de finances 2020 étaient adéquates et nécessaires pour rétablir et consolider la confiance compte tenu de la situation observée durant le second semestre 2019. Elles avaient pour but de réconcilier le contribuable à l’impôt et d’ouvrir une nouvelle page dans la relation entre l’administration fiscale et les contribuables.

Aujourd’hui, Il n’est pas certain que les contribuables aient les mêmes soucis et préoccupations qu’il y a 6 mois.

Compte tenu de la conjoncture actuelle, ces mesures doivent non seulement être réaménagées quant à leurs délais de réalisation, mais être repensées et revues de fond en comble.

A titre d’exemple, la démarche de déclarations rectificatives avec ou sans dispense de contrôle fiscal telle que prévue par la loi de finances 2020 serait en décalage avec la conjoncture actuelle où les énergies doivent être orientées vers les actions de relance et de reprise de l’activité économique plutôt que de gérer des sujets fiscaux.

- Si ces mesures sont devenues obsolètes, quelle alternative l'Etat pourrait lancer pour atteindre à la fois l'objectif de la confiance et celui de la relance ? Une prescription fiscale anticipée ?

Pourquoi pas. A des situations exceptionnelles des réponses audacieuses. La prescription fiscale anticipée a déjà été retenue, avec ou sans mise à niveau comptable, pas moins de 3 fois par le passé entre 1984 et 1998. Par conséquent, une prescription fiscale anticipée permettant un véritable nouveau départ ne doit pas à mon sens être écartée.

Elle permettrait aussi de compenser en termes de recettes, la baisse de la cadence des contrôles fiscaux depuis déjà 3 mois et probablement encore pour les mois à venir, pour éviter que l’élan favorable actuel, combien nécessaire à la relance économique, ne soit brisé par des procédures ou actions administratives de contrôles inadaptées.

Bien entendu, une telle mesure mérite une réflexion approfondie et rapide pour déterminer les bases de la contribution libératoire à verser en assurant, autant que faire se peut, une certaine équité à la faveur des bons contribuables. Mais des modalités simples et faciles restent à privilégier.

Compte tenu de la situation de trésorerie actuelle des contribuables, le prix à payer peut faire l’objet d’un étalement sur 2 à 3 ans, selon un échéancier prédéfini et permettant des recettes attendues et bien connues d’avance pour l’Etat.

- Selon vos informations de terrain, est-ce que les entreprises sont en mesure ou accepteront de payer des impôts cette année ?

Le paiement de l’impôt est une obligation légale et citoyenne. La question qui se pose se rapporte à la capacité de payer l’impôt qui reste tributaire de l’activité économique sur les mois à venir. Restons prudents et optimistes tout en songeant à prendre des mesures pragmatiques en réponse aux défis du moment.

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