Tourisme: le Maroc séduit de moins en moins sa propre classe moyenne supérieure

Les Marocains de la classe moyenne supérieure sont de plus en plus nombreux à passer leurs vacances d'été à l’étranger. Selon le vice-président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), ce choix est souvent motivé par des considérations financières plus intéressantes mais également par un environnement et une qualité qu’ils ne trouvent pas dans les stations touristiques marocaines.

Tourisme: le Maroc séduit de moins en moins sa propre classe moyenne supérieure

Le 15 juillet 2019 à 15h46

Modifié 11 avril 2021 à 2h42

Les Marocains de la classe moyenne supérieure sont de plus en plus nombreux à passer leurs vacances d'été à l’étranger. Selon le vice-président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), ce choix est souvent motivé par des considérations financières plus intéressantes mais également par un environnement et une qualité qu’ils ne trouvent pas dans les stations touristiques marocaines.

D’une année à l'autre, le montant des dépenses de voyages à l’étranger des Marocains augmente à un rythme soutenu qui impacte de plus en plus négativement le solde de la balance des voyages.

Ainsi, en 2018, les Marocains ont dépensé 18,9 milliards de dirhams contre 17,35 MMDH en 2017 et 14,35 MMDH en 2016.

Faut-il en déduire que ces dépenses croissantes occasionnent un manque à gagner pour nos opérateurs touristiques et notre économie ?

Une nuitée au Maroc au même prix qu'à l'étranger

Selon Fouzi Zemrani, vice-président de la CNT, cette évolution s'explique par la concurrence grandissante de destinations proches ou lointaines comme l’Espagne, la Turquie, voire même l'Asie.

"En été, la majorité des nationaux se rendent dans les stations balnéaires du Nord comme Martil, Tamuda Bay (M'diq-Fnideq) et Saidia. Celles d’Agadir et de Taghazout sont également très sollicitées.

"D’autres vont à Essaouira et de plus en plus à Marrakech, devenue depuis peu une destination estivale grâce à ses nombreuses piscines à vagues et à l’unique place Jamaa El Fna", explique Zemrani  en précisant que  les nuitées coûtent entre 500 et 1.000 DH voire le double, une fois épuisée l'offre en chambres ou appart-hôtels (1500-2000 DH).

Mais si l'été est lucratif pour les hôteliers marocains et les propriétaires d’appartements et bungalows, il l’est aussi pour certaines destinations étrangères offrant des formules équivalentes, voire inférieures en termes de prix, et souvent avec une meilleure qualité de services.

Concurrence oblige, les candidats aux vacances en dehors du Maroc sont donc de plus en plus nombreux à prendre le bateau ou l'avion.

La Turquie, un concurrent sérieux

Ainsi, si l’on devait effectuer un classement, la Turquie serait, selon notre interlocuteur, une des destinations les plus prisées des Marocains.

"Entre l’absence de visa et seulement 4 heures d’avion, ce pays qui cartonne toute l'année a une cote incroyable, d’autant plus qu’il propose des formules pour toutes les bourses. Il a les faveurs des nationaux curieux de découvrir un pays qu’ils voient régulièrement dans les feuilletons turcs.

"Entre des prix abordables, sa propreté, la liberté, l’artisanat…, la Turquie a vraiment tout pour plaire et est en train de devenir un vrai concurrent pour notre tourisme national", affirme Zemrani qui ajoute que le Maroc devrait s’inspirer de cette destination au taux de retour touristique très élevé.

Des opérateurs espagnols viennent au Maroc pour préparer la saison estivale

Idem pour l'Espagne qui malgré l’obligation de visa est devenue une destination incontournable pour un nombre croissant de Marocains, surtout en été.

"De marché récepteur de touristes étrangers, le Maroc s’est transformé en quelques années en un marché émetteur qui n’est pas négligeable.

"On parle même de près d’un million de Marocains qui voyagent à l'étranger.

"Les premiers à avoir compris cette évolution sont les Espagnols qui, à partir du mois d’avril, organisent des Eductours sur tout le territoire national. Leurs T.O. viennent sur place et proposent leurs produits (chambres d’hôtel, appartements…) à des agents de voyage marocains.

"De plus, les représentants de plusieurs chaînes hôtelières espagnoles installées au Maroc viennent également démarcher les opérateurs locaux pour qu'ils leur envoient des clients surtout à la Costa Del Sol.

90% des Marocains louent des séjours espagnols en appartements

"Au fil des dernières années, le Maroc est devenu un vrai marché émetteur surtout pour les locations d’appartements comme l’étaient les Français ou Allemands dans les années 80 et 90.

"Aujourd’hui, ce sont d'ailleurs très souvent des propriétaires européens d’appartements qui les habitent l’année et les louent en été.

"La nuitée coûte environ 1.000 DH pour des séjours de 7 à 15 jours dans des logements meublés pour au moins 4 personnes situés dans des résidences dotées de piscine et même d'une conciergerie.

"Pour couronner le tout, la proximité de supermarchés aux produits alimentaires bon marché associée à des animations aux prix abordables font que les estivants marocains peuvent passer des vacances pour un budget très correct. 

"A cet égard, certaines petites villes de la Costa Del Sol comme Fuengirola sont d’ailleurs en train de devenir des stations majoritairement marocaines avec une offre dédiée de produits halal et même des mosquées.

"Hormis les prix abordables, pour la classe moyenne supérieure, il y a aussi le facteur liberté avec, par exemple, la certitude que personne ne regardera de travers votre femme ou votre fille qu’elle soit en bikini ou en burkini.

"Si les locations d’appartements cartonnent autant, c’est parce que ces résidences touristiques datent le plus souvent de la fin des années 70. Elles ont largement eu le temps d’être amorties ce qui n’est pas encore le cas de celles du Maroc construites au début du second millénaire", conclut notre interlocuteur qui ajoute que de nombreux Marocains de la classe moyenne vont de plus en plus dans les pays asiatiques.

La Turquie et l’Asie en tête des ventes d’Atlas Voyages

Un constat confirmé par Othman Cherif Alami, président du 1er tour opérateur marocain, Atlas Voyages, qui vend un nombre croissant de formules avion+séjour dans des pays comme la Thaïlande, Malaisie ….

"Notre groupe propose des packs pour l'Asie compris entre 14.000 et 18.000 DH pour 10 jours, comprenant la pension complète et des excursions.

"Il y a de plus en plus de Marocains intéressés par ces formules mais la destination étrangère qui cartonne vraiment est sans conteste la Turquie.

"Cela marche tellement bien que notre objectif annuel pour cette seule destination est de 10.000 packs ce qui est loin d’être négligeable en termes de chiffre d’affaires.

"Sa popularité auprès de nos clients s’explique en partie par un prix très bon marché. Ainsi, pour un séjour de 6 nuits (avion plus Bed and breakfast) il faut compter une moyenne de 6.000 DH et en pension complète, environ 11.000 DH pour 10 jours.

"L’Espagne est également une destination qui marche très fort mais pour l’instant, nous ne sommes pas présents sur ce segment (hormis séjour hôtelier) car nous n’avons pas encore de partenariat avec les grands propriétaires d’appartements.

Le voyage des Marocains à l'étranger commence à devenir une industrie

"En tant qu’organisateur de voyages à l’intérieur et à l’extérieur du Royaume, je ne vois pas le tourisme des Marocains à l’étranger comme une concurrence ou une menace pour le tourisme national mais plutôt comme un complément car les stations comme Martil sont complètes du 1er juillet au 30 août.

« C’est une industrie naissante qui se développe difficilement avec l’obligation de visa et un pouvoir d’achat limité mais l’augmentation récente de la dotation touristique (45.000 DH) permet désormais aux agents de voyages d’en faire une spécialité", précise Alami qui pense que le chiffre de 18,9 MMDH de dépenses de voyages (source office des changes) est largement sous-évalué du fait de sorties illégales et non déclarées de devises.

Pertes financières ou pas pour le tourisme local, les dépenses croissantes des Marocains à l’étranger montrent un changement de mode de consommation du poste-voyages chez la classe moyenne supérieure au Maroc en quête de dépaysement et d'un meilleur environnement estival à des prix plus ou moins comparables.

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