Enseignement: un secteur sous haute tension (Roundup)

Les enseignants ex-contractuels entament leur quatrième semaine de protestation. Ils sont rejoints par les autres catégories d'enseignants pour trois jours de grève générale. La situation dans le secteur s'envenime et les mouvements et les revendications s'entremêlent. Roundup. 

Enseignement: un secteur sous haute tension (Roundup)

Le 26 mars 2019 à 17h00

Modifié 11 avril 2021 à 2h41

Les enseignants ex-contractuels entament leur quatrième semaine de protestation. Ils sont rejoints par les autres catégories d'enseignants pour trois jours de grève générale. La situation dans le secteur s'envenime et les mouvements et les revendications s'entremêlent. Roundup. 

Ce mardi 26 mars, les écoles publiques marocaines sont fermées. Les enseignants toutes catégories confondues ont décidé de mener trois jours de grève générale, suivant ainsi le mouvement des enseignants des académies régionales qui, eux, sont en protestation depuis le début du mois de mars. La grève nationale se poursuit donc jusqu’au 28 mars.

La situation actuelle dans le secteur de l’enseignement devient confuse, presque absurde, tant les intervenants sont nombreux et les revendications différentes, tandis que des mouvements de grève et de protestation fusent de partout. Et lorsque le ministère accepte un ensemble de revendications, de nouvelles sont formulées.

Un imbroglio qui mérite un éclairage pour comprendre les raisons qui ont conduit le pays à cette situation.

Qui fait grève du 26 au 28 ? 

La grève annoncée du 26 au 28 mars concerne les différents corps du secteur de l’Education nationale. C’est une grève générale portée par les 5 syndicats les plus représentatifs à savoir la FNE, l’UMT, la FDT, l’UGTM et la CDT.  Elle fait suite à une autre grève générale organisée les 13 et 14 mars derniers.

Les cinq centrales syndicales résument leurs revendications en quatre points :  

- La mise en œuvre des engagements des précédents gouvernements, notamment les accords du 19 et du 26 avril 2011.

- La suppression une fois pour toute du système de la "contractualisation" en intégrant les enseignants des académies dans le système fondamental de la fonction publique.

- Le traitement des dossiers revendicatifs de toutes les catégories des enseignants : les victimes des deux systèmes (1985-2003), les enseignants de la cellule 9, les enseignants exclus de la promotion hors échelle, les inspecteurs, les cadres de l’orientation et de la planification, les titulaires des diplômes, les enseignants stagiaires, les cadres de la gestion administrative et financière, les techniciens…

- La mise en place rapidement d’un nouveau système fondamental juste, équitable, motivant et unifié pour tous les travailleurs dans le secteur de l’Education.

La coalition syndicale dans le secteur de l’enseignement a toujours été l’unique interlocuteur du ministère de l’Education nationale.

Elle a supporté à chaque fois les mouvements de protestation portés par telle ou telle catégorie d’enseignants en relation avec des demandes spécifiques, comme c’est le cas par exemple pour les enseignants de la cellule 9.

La "cellule 9" est l’appellation donnée par des enseignants n'ayant pas pu dépasser l'échelle 9 depuis plusieurs années. Ils réclament aujourd’hui du ministère de tutelle le passage à l’échelle 10 avec une augmentation des salaires équivalente et de façon rétroactive.

Il s’agit là d’un petit exemple, mais les revendications des différentes catégories d’enseignants sont multiples. Si elles ont un point commun, ce serait la régularisation de leur situation par rapport à ce que ces enseignants estiment être leur droit.  

A l’origine de l’escalade, les ex-contractuels

Les dossiers des différentes catégories citées plus haut ne sont pas nouveaux. Cela dit, il y a une escalade de la part des fonctionnaires de l’enseignement ces derniers jours. Elle fait écho à la mobilisation des enseignants des académies qui mènent un mouvement de protestation virulent depuis le début du mois de mars. 

Ces enseignants dit ex-contractuels ont annoncé fin février une grève d’une semaine du 4 au 9 mars pour contester le statut qui leur a été accordé par le ministère de tutelle. Depuis, ils sont en grève quasi-ouverte. Ils refusent de rejoindre leurs classes et enchaînent sit-in et marches dans différentes villes du royaume.

Qui sont-ils ?

Ils sont 70.000 enseignants recrutés par les académies régionales pour combler le manque flagrant d’effectif dans le secteur de l’Education nationale, dont 15.000 en cours de formation qui seront opérationnels à la rentrée 2019. 

En 2016, le gouvernement avait décidé d’opter pour des contrats CDD pour combler les besoins dans les régions et réduire le phénomène de surpopulation dans les classes. Certaines classes pouvaient accueillir jusqu’à 60 élèves.

La première promotion a compté 11.000 recrues. Elle a démarré en janvier 2017. En septembre de la même année, ce ne sont pas moins de 24.000 enseignants qui rejoignent le système. La rentrée 2018 a comptabilisé 20.000 nouveaux recrutements.

Grâce à ce mode de recrutement, les académies ont pu créer 70.000 postes en trois ans. Chose qui n’aurait jamais été possible dans le cadre de la fonction publique. A titre de comparaison, la fonction publique, tous départements confondus, a ouvert 25.248 postes en 2019.

Que revendiquent-ils ? 

Le discours porté par la Coordination Nationale (CNPCC) qui mobilise les effectifs et coordonne les mouvements de protestation des enseignants ex-contractuels a changé à plusieurs reprises. 

Tout a commencé par des demandes d’amélioration de leur statut qui était celui de contractuels. 

Au début, ces enseignants étaient recrutés via des contrats à durée déterminée de deux ans, suite à quoi ils devaient réussir un concours pour garder leurs postes au sein des académies, sur la base d'un contrat d’une année reconduit tacitement. Une situation considérée comme précaire car même s’ils touchent le même salaire que les enseignants fonctionnaires, l’académie pouvait à tout moment rompre ledit contrat.

L’idée de la contractualisation telle qu’appliquée depuis 2016 a suscité une grande polémique.

C’est la raison pour laquelle le ministère de tutelle et les académies régionales ont commencé à travailler sur un statut des cadres des académies pour offrir à ces enseignants un cadre légal plus sécurisant.

Ce nouveau statut a été adopté par les différentes académies en 2018. Il leur offrait des avantages plus importants.

Les enseignants ex-contractuels l’ont rejeté, réclamant l’intégration automatique dans la fonction publique.

En octobre 2018, les premières protestations ont commencé. Elles se sont poursuivies en 2019. Mais c’est au début du mois de mars que le mouvement est devenu plus virulent, annonçant une semaine de grève qui finalement se prolonge à ce jour. 

Le gouvernement a promis la révision du statut. Le 14 mars dernier, Saaid Amzazi annonce 14 nouvelles mesures en faveur des enseignants des académies. La plus importante étant la suppression de l’idée de la contractualisation et de la rupture du contrat du nouveau statut.

Des mesures qui ont été rejetées par les syndicats mais appliquées unilatéralement par le gouvernement. Quelques jours plus tard, toutes les académies régionales ont tenu des conseils d’administration extraordinaires pour adopter le statut révisé qui accorde aux enseignants cadres des académies les mêmes avantages que ceux de la fonction publique, à deux différences près.

Les fonctionnaires sont affiliés à la CMR, les enseignants des académies au RCAR. Les deux systèmes de retraite sont différents. Le premier accorde plus d'avantages que le second.

Le gouvernement a répondu sur ce point en expliquant que la réforme du système de retraite s’achemine vers la caisse unique regroupant toutes les retraites du secteur public.

Le second point est celui de la mobilité. Elle est régionale pour les cadres des AREFs quand elle est nationale pour les fonctionnaires. La mobilité nationale n’est pas impossible mais difficile. 

Ces avantages acquis, la coordination nationale CNPCC refuse d’accepter les propositions du gouvernement sauf s’il s’agit d’une intégration totale et immédiate dans la fonction publique. 

Elle avance même que le mouvement de protestation est pour le bien des Marocains car les enseignants luttent pour la préservation de la gratuité de l’enseignement public.

"Les grèves que nous menons actuellement ont un autre objectif: c’est pour maintenir la gratuité de l’école publique et pour être intégrés au ministère de l’Education nationale et non aux académies", nous affirmait dans un précédent échange Mustapha Amouze, membre de la commission médias et communication de la CNPCC.  

Un dialogue de sourds

La CNPCC refuse tout débat en dehors de l’intégration de la fonction publique. Le ministère pour sa part refuse de discuter directement avec la CNPCC, estimant qu’il ne s’agit pas d’une institution reconnue.

Les négociations se font donc par le biais des syndicats qui jouent le rôle d’intermédiaires dans ce dossier. 

Les positions de part et d’autre se radicalisent. Les cadres des académies entament leur 4ème semaine de protestation. Les manifestations deviennent plus tendues. Des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont été constatés.

Le ministère de tutelle, quant à lui, brandit la menace de l’abandon de poste pour tous ceux qui ne rejoignent pas leurs classes. Il estime qu’il s’agit d’un arrêt collectif de travail dans la mesure où la coordination n’est affiliée à aucun syndicat reconnu et donc ne peut faire appel à la grève.

Pour leur part, les centrales syndicales profitent de ces tensions pour remettre sur la table tous les cahiers revendicatifs anciens, compliquant davantage les négociations.

Le lundi 25 mars, Saaid Amzazi s’est réuni avec les cinq syndicats pour les convaincre de suspendre la grève générale des 26, 27 et 28 mars. Il a assuré que le cahier revendicatif est à l’étude au niveau du gouvernement.

Une demande qui a essuyé un refus catégorique de la part des syndicats. 

La menace de l’année blanche 

Un mois de grève de la part des enseignants contractuels. Même si le ministère nuance le taux de participation qu’il estime aujourd’hui à 50%, en baisse continue depuis le début du mouvement, ce sont donc plus de 27.000 enseignants qui n'assurent pas les cours. Ils sont rejoints du 26 au 28 mars par tous les autres corps enseignants.

Ce qui fait craindre aux parents une année blanche. "Il n’y aura pas d’année blanche. Ce n’est pas à l’ordre du jour", assure une source au ministère de l’Education nationale.

Notre source affirme que les grèves générales sont limitées dans le temps, elles n’ont donc pas un impact significatif sur le temps scolaire.

"Trois ou quatre jours sont rattrapables. Par contre, l’arrêt prolongé des enseignants des académies pour la quatrième semaine consécutive a un impact", avance notre source. Cet impact diffère d’une académie à une autre en fonction du taux de mobilisation des effectifs dans le mouvement de protestation. "Le ministère a réagi à partir de la deuxième semaine de protestation et nous avons mis en place des mesures pour rattraper le temps de classe perdu", nous assure-t-on.

Ce sont les académies qui se chargent de gérer les temps de rattrapage en fonction de l’impact subi. Elles font ainsi appel aux vacataires, aux enseignants retraités, aux autres enseignants à travers les heures supplémentaires. Certaines académies ont même convenu avec des associations de parents d’élèves de programmer quelques séances de rattrapage pendant les prochaines vacances.

Définitivement, ce sont les élèves qui perdent le plus dans ce bras de fer dont on ne perçoit pas la fin.

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