La Tunisie organise des élections cruciales

La Tunisie tient ce dimanche ses premières législatives depuis la révolution de 2011, un scrutin crucial pour lequel un vaste dispositif de sécurité sera déployé par crainte d'attaques jihadistes. Avec les prochaines présidentielles, le pays met fin à la transition démocratique qui aura duré près de 4 ans.

La Tunisie organise des élections cruciales

Le 25 octobre 2014 à 10h49

Modifié le 25 octobre 2014 à 10h49

La Tunisie tient ce dimanche ses premières législatives depuis la révolution de 2011, un scrutin crucial pour lequel un vaste dispositif de sécurité sera déployé par crainte d'attaques jihadistes. Avec les prochaines présidentielles, le pays met fin à la transition démocratique qui aura duré près de 4 ans.

La campagne pour ces élections, qui seront suivies à partir du 23 novembre d'une présidentielle à deux tours, a été dans l'ensemble morose --les espoirs révolutionnaires de nombreux Tunisiens ayant été déçus-- mais pacifique.

Ces législatives sont décisives car le régime politique choisi est de type parlementaire, le chef de l'Etat n'ayant que des prérogatives très limitées.

Selon des sondages dont Médias 24 a pris connaissance, deux partis partent favoris: les islamistes d'Ennahda, au pouvoir de début 2012 à début 2014, et leurs principaux détracteurs de Nidaa Tounès, une formation hétéroclite rassemblant aussi bien des anciens opposants au dictateur déchu de Zine El Abidine Ben Ali que des caciques de son régime. Le second, dirigé par Beji Caid Essebsi est en tête des sondages internes des partis, mais l'écart avec Ennahdha s'est resserré.

De plus, cet écart n'est pas significatif, car il peut être réduit à néant par une éventuelle faible paticipation.

Mais ce qui est certain, c'est que la Tunisie a connu, comme l'Egypte, un profond rejet populaire du parti islamiste.

Quel que soit le résultat, la politique économique, sociale, étrangère et sécuritaire tunisienne, s'inscrira dans la continuité. En effet, le parti Ennahdha, laminé aux yeux de l'opinion par ses échecs à conduire le pays au cours de la précédente phase de transition, a d'ores et déjà annoncé que si, à l'issue du scrutin, il se retrouve en position de force, il proposera un gouverneent de consensus, voire un gouvernement de technocrates, et ne sera candidat qu'à la présidence du parlement, et surtout pas au gouvernement.

De son côté, Nida Tounes, un parti libéral, a évoqué un gouvernement de coalition s'il se retrouve en position de former le gouvernement.

Ennahdha a échoué sur les différents plans économique, social et sécuritaire. Objectivement, son bilan est accablant: hausse du chômage, baisse de la croissance, envolée des déficits, inflation, dévaluations de la monnaie, baisse de l'activité touristique et des investissements, implantation de groupes terroristes... Depuis qu'il a été obligé, sous la pression de la rue et de la société civile, à quitter le gouvernement, le parti Ennahdha essaie d'arrondir son discours et d'éviter toute allusion à son référentiel religieux. Il se présente comme le parti défenseur de la liberté, de l'égalité hommes-femmes et du développement économique. Mais beaucoup de Tunisiens n'ont aps oublié ce bilan ni le fait que Ennahdha s'est accroché au pouvoir et ne l'a quitté que sous la pression de la rue.

La constitution elle-même a été le fruit d'un compromis trouvé sous la pression de la rue et de la société civile. Ennahdha voulait coûte que coûte inscrire la charia comme source principale du droit et considérait que la femme devait être la complémentaire de l'homme, un article enlevé in extremis par la société civile.

La pression de la rue tunisienne, la vigilance de la société civile, la chute du régime de Morsi, mais aussi la faiblesse de l'armée tunisienne ont fait qu'un compromis pacifique a été trouvé.

Près de 5,3 millions d'électeurs sont convoqués aux urnes dans 33 circonscriptions afin d'élire à la proportionnelle 217 députés parmi les quelque 1.300 listes candidates. Les Tunisiens de l'étranger votent pour leur part depuis vendredi dans leurs pays respectifs.

La constitution elle-même présentée comme très avancée, ne comporte que peu d'avancées par rapport à la précédente. Elle a les apparences d'une constitution civile et moderne, mais c'est un texte "miné" selon le mot d'un éminent juriste, Ali Mezghani, car elle dit une chose et presque son contraire et renvoie à l'application, les arbitrages indispensables. la vraie victoire consiste à avoir imposé le caractère civil de l'Etat malgré la pression d'Ennahdha.

Si la Tunisie fait figure aux yeux de la communauté internationale de dernier espoir de transition démocratique réussie parmi les pays du Printemps arabe, les autorités n'en craignent pas moins des attaques jihadistes visant à faire dérailler les élections.

D'ailleurs, un assaut, après plus de 24 heures de siège, contre une maison en banlieue de Tunis abritant un groupe armé s'est soldé vendredi par la mort de six suspects, dont cinq femmes, selon la police. La veille, un gendarme avait été tué.

"L'heure de vérité"

 

"J'appelle tous les Tunisiens à voter massivement car c'est un jour très important pour l'histoire politique de la Tunisie, et à ne pas avoir peur des menaces car les terroristes ont cet objectif d'empêcher les élections, la création d'une démocratie, d'un Etat de droit", a martelé le ministre de la Défense, Ghazi Jeribi.

Depuis la révolution de fin 2010 - début 2011, la Tunisie a assisté à l'essor de groupes jihadistes, responsables d'attaques ayant tué des dizaines de membres des forces.

Quelque 80.000 policiers et militaires doivent être déployés pour le scrutin. Ils sont déjà présents en nombre à travers tout le pays depuis une semaine.

Le Premier ministre Mehdi Jomaa, les ministres de l'Intérieur et de la Défense et le président de l'instance organisant les élections (ISIE), Chafik Sarsar, inspectaient samedi matin dans la région de Nabeul (nord) des bureaux de vote, des postes de police et un centre de stockage des urnes.

"Ce qui est important", "c'est de (...) voir les dernières (mesures) mises en place pour la sécurité, les préparatifs pour la grande journée, l'heure de vérité", a déclaré à l'AFP M. Sarsar.

L'ISIE a précisé qu'elle ne serait probablement pas en mesure d'annoncer les résultats dans la nuit de dimanche à lundi, alors qu'elle a jusqu'au 30 octobre pour faire état de la composition du nouveau Parlement. Les partis en lice peuvent néanmoins publier plus tôt des résultats de leur décompte des voix, le dépouillement étant public.

Parlement fragmenté?

Le mode de scrutin -- la proportionnelle au plus fort reste-- favorisant les petites formations, les principales forces politiques ont d'ores et déjà souligné qu'aucun parti ne sera à même de gouverner seul.

"Je crois que le Parlement sera fragmenté", reconnaît Mohsen Marzouk, un des dirigeants de Nidaa Tounès qui prévoit qu'Ennahda et son parti se partagent quelque 150 sièges, les autres revenant à une kyrielle de petites formations avec lesquelles des négociations pour former une coalition de gouvernement devront avoir lieu.

Reste aussi l'inconnu de la participation, nombre de Tunisiens se disant désabusés par les batailles politiciennes qui ont retardé de deux ans ces élections.

Ennahda, qui a dû quitter le pouvoir début 2014 à l'issue d'une année 2013 marquée par une crise politique, l'assassinat de deux de ses opposants et des attaques jihadistes, a assuré vouloir former un cabinet consensuel, se disant même prêt à une alliance de circonstance avec Nidaa Tounès.

Le grand parti séculier, qui fait campagne en se posant en unique alternative à Ennahda, régulièrement qualifié de groupe obscurantiste et antidémocratique, prévoit aussi en cas de victoire de former une coalition et n'a pas entièrement fermé la porte à une collaboration avec les islamistes.

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