Monde arabe. L’Etat-nation vacille, les Palestiniens trinquent
Une séquence historique, décisive, se joue sous nos yeux, au détriment des droits palestiniens. L'affaiblissement de l'Etat, conséquence des révolutions arabes et de la situation en Irak, n'a profité qu'aux courants les plus radicaux et a fait ressurgir les démons ethniques, tribaux et confessionnels.
Monde arabe. L’Etat-nation vacille, les Palestiniens trinquent
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Naceureddine Elafrite
Le 1 juillet 2014 à 15h27
Modifié le 27 avril 2021 à 22h29Une séquence historique, décisive, se joue sous nos yeux, au détriment des droits palestiniens. L'affaiblissement de l'Etat, conséquence des révolutions arabes et de la situation en Irak, n'a profité qu'aux courants les plus radicaux et a fait ressurgir les démons ethniques, tribaux et confessionnels.
Il y a comme une malédiction qui fait que chaque année qui passe éloigne les Palestiniens de leurs revendications légitimes et reconnues par l’ONU dès 1947.
Il y en a une seconde qui fait que les adversaires arabes d’Israël lui font régulièrement des cadeaux.
La partition de l’Irak, la décomposition et l’effondrement des Etats-nations au Proche Orient sont accueillis d’une manière jubilatoire par de nombreux commentateurs et analystes israéliens. La fin de l’Etat-nation, le caractère fictif des frontières de Sykes-Picot, le remodelage de la carte du Proche Orient selon des considérations ethniques et/ou confessionnelles, tout cela légitime non seulement l’existence d’Israël mais également son caractère d’Etat juif.
Il ne faut pas lire la presse israélienne ou proche-orientale. Il faut s’intéresser au fond, c’est-à-dire les think tank et autres institutions de réflexion et d’analyse en Israël.
“La Palestine aussi est une entité fictive, pas seulement les Etats de Sykes Picot“, écrit Shmuel Trigano, auteur il y a quelques années d’un ouvrage remarqué sur “La Fin du judaïsme en terres d'Islam“ (Denoël, 2009). “Un conglomérat de tribus ne fait pas une nation“, jubile l’auteur.
Il en conclut que l’Etat palestinien n’a plus sa place, car il est fictif et surtout il promet d’être une source d’instabilité comme dans le reste de la région arabe :
“ Cette nouvelle donne change complètement la réalité du conflit arabo-israélien. Le cadre dans lequel les Accords d’Oslo ont été pensés et mis en œuvre s’est irrémédiablement effondré. Sa finalité devient caduque.
“Que signifierait, en effet, de contribuer à créer un Etat-nation palestinien alors que les Etats nations arabes s’effondrent de toutes parts ? Le "peuple" palestinien est lui même une invention récente, effet d’un tournant stratégique de l’OLP des années 1970. Dans les faits, il n’existe pas : les Palestiniens sont traversés par des fractures tribales importantes et leur partage entre Gaza et la Cisjordanie, leurs revendications irrédentistes sur les Arabes d’Israël et les Palestiniens de Jordanie promettent un avenir de troubles régionaux sans fin.“
Et de conclure, contrairement à la dramatisation et à la victimisation surfaites de l’establishment israélien : “Du point de vue d’Israël, la mutation dramatique du monde arabe est très positive. L’apparition d’un Etat kurde est une très bonne nouvelle, jusqu’à nouvel ordre. La décomposition de la Syrie et de l’Irak allège la menace à l’est et promet d’être un facteur de trouble en Turquie et d’échec pour le bloc sunnite arabique (Arabie et Emirats).“
Netanyahu a compris
Netanyahu, le premier ministre israélien, semble se rapprocher de cette thèse et préparer l’opinion internationale à abandonner sa proposition de deux Etats. Sa proposition consistait à “renoncer à 80 à 90% de la Cisjordanie“. En réalité, laisser aux Palestiniens des miettes par rapport au plan de partage de 1947 et bien entendu, refuser d’appliquer le droit au retour.
S’exprimant dimanche devant l’Institut d’études de sécurité nationale israélien, Benjamin Netanyahu a annoncé qu’il allait faire construire une barrière dite de sécurité… le long du Jourdain, c’est-à-dire qu’elle englobera toute la Cisjordanie. La sécurité, en-deça de cette barrière qui courra d’Eilat jusqu’au Golan, sera assurée, “sur le long terme“, par Israël.
L’affaiblissement de l’Etat, la probable chute des Etats-nations artificiels
Les analystes israéliens ne sont pas les seuls à évoquer l’effondrement des Etats-nations du monde arabe. Dans un article devenu célèbre, le New York Times pronostiquait un possible remodelage de la carte du Proche Orient, de sorte que 5 Etats donneraient naissance à 14.
De fait, cette année 2014 entrera probablement dans les manuels d’histoire comme celle de l’effondrement des Etats-nations du Proche Orient et du remodelage de la carte de la région. Un peu notre chute du mur de Berlin.
Finalement, la principale conséquence des “révolutions arabes“ aura été l’affaiblissement de l’Etat, dans les pays concernés. Seul le cas de l’Irak est antérieur au supposé printemps arabe, mais sans le soulèvement syrien, la décomposition du pays n’aurait pas atteint ce point de non-retour.
Les pays qui montrent une vraie stabilité sont finalement ceux qui ont une longue tradition d’Etat ainsi qu’un sentiment national fort. La Turquie bien sûr (pays non arabe mais de la région), le Maroc, ainsi que la Tunisie et l’Egypte.
Ces deux derniers pays méritent une petite explication, car ce sont les deux premiers pays de la révolution de 2011.
Dans les deux cas, si après les révolutions, il y a eu une continuation, c’est en raison de la présence d’institutions, une administration dévouée, et un vrai sentiment d’appartenance nationale. Au pays des Pharaons ou au pays de Bourguiba et de Khereddine, c’est la tradition d’Etat et l’existence d’un Etat-nation non-artificiel qui ont permis et permettront au pays de résister à toute décomposition.
Certes, l’Egypte a vécu des soubresauts et un coup d’Etat, elle est menacée par des violences jihadistes. Certes, la Tunisie vit des heures difficiles en raison de la menace terroriste. Mais aucun des deux ne risque la décomposition à l’instar de ce que l’on voit en Syrie, en Irak et ce qui risque d’arriver au Liban et dans le voisinage.
Si ces deux pays tiennent et tiendront, c’est bien grâce à l’existence d’une tradition étatique très ancienne.
Pour ce qui concerne la Libye, Kaddafi n’a pas laissé d’Etat et la notion d’Etat est discutable. Dès le lendemain de la révolution libyenne, de puissantes forces centrifuges, tribale, ethniques, confessionnelles, se sont manifestées pour appeler à une partition. La Libye actuelle est plus proche de la guerre civile que de la stabilité. Sa seule chance serait que le général Haftar qui dirige une armée, arrive à nettoyer le pays des jihadistes et restitue, d’une manière autoritaire, l’Etat et l’unité.
En Syrie et en Irak, les dés sont jetés. Une entité kurde existe déjà, elle dispose de ses propres ressources naturelles (du pétrole), de ses aéroports et de ses instances élues. Une entité sunnite va voir le jour. Elle sera peut être transnationale, mais pourrait se limiter aux frontières irakiennes.
Une troisième entité, chiite celle là, va également voir le jour en Irak.
La Jordanie est menacée dans son existence même. Le Royaume hachémite, constitué autour des anciens chérifs de La Mecque, ne subira pas une attaque armée classique. Il risque surtout les infiltrations, les attentats jihadistes et la guérilla. Ci-dessous, démonstration de force dans une ville du sud est jordanien, en soutien à l’EIIL.
La résurgence et la victoire des forces ethniques, tribales et confessionnelles n’étaient pas une fatalité. Les élites ont échoué à créer une nation. C’est-à-dire d'abord un sentiment de citoyenneté. Maintenant, avec le nouveau “califat islamique“, quelques régions vont totalement sortir de l’histoire.
Seuls les Etats forts et une citoyenneté véritable peuvent autoriser un sentiment national et une vie démocratique et sans cela, point de stabilité à long terme. Tout le reste n’est qu’illusion.
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Naceureddine Elafrite
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Modifié 27 avril 2021 à 22h29