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ANALYSE. Quelles sont les implications d'un taux directeur maintenu à 2,75% pour l'économie marocaine ?

En maintenant son taux directeur inchangé, Bank Al-Maghrib va à l’encontre des anticipations du marché et opte pour la prudence. En tant que levier central de l’économie, le taux directeur influence l’ensemble des agrégats économiques par des effets directs et indirects. Dès lors, il faut s’interroger sur les implications de ce statu quo pour l’économie marocaine.

ANALYSE. Quelles sont les implications d'un taux directeur maintenu à 2,75% pour l'économie marocaine ?

Le 2 octobre 2024 à 17h30

Modifié 2 octobre 2024 à 18h33

En maintenant son taux directeur inchangé, Bank Al-Maghrib va à l’encontre des anticipations du marché et opte pour la prudence. En tant que levier central de l’économie, le taux directeur influence l’ensemble des agrégats économiques par des effets directs et indirects. Dès lors, il faut s’interroger sur les implications de ce statu quo pour l’économie marocaine.

En juin 2024, la Banque centrale était allée contre les anticipations du marché qui misaient sur un statu quo et avait abaissé le taux directeur de 25 pb, à 2,75%. De même, il y a quelques jours, lors de sa réunion de septembre 2024, Bank Al-Maghrib (BAM) a de nouveau déjoué les attentes de nombreux acteurs du marché qui espéraient une nouvelle baisse. Le Conseil a maintenu le statu quo.

Au même moment en septembre, la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed) ont appliqué des baisses de taux d'intérêt. La BCE a abaissé son taux de refinancement principal de 0,6 pb, le faisant passer de 4,25% à 3,65%, tandis que la Fed a réduit son taux de 0,5 pb, de 5,33% à 4,83%.

L'évolution des taux directeurs de BAM, de la BCE et de la Fed reflète une convergence partielle des politiques monétaires, influencée par le contexte économique mondial. Cette convergence s’explique en partie par l'ancrage du dirham marocain à un panier de devises composé à 60% d'euros et à 40% de dollars américains.

Cet ancrage limite les fluctuations du taux de change, apportant une stabilité nécessaire aux acteurs économiques marocains. Cependant, cette stabilité impose à BAM de surveiller de près les écarts de taux d'intérêt avec la BCE et la Fed afin d'éviter une divergence excessive qui pourrait fragiliser le dirham.

En effet, si les taux d'intérêt en Europe ou aux États-Unis devenaient significativement plus élevés que ceux du Maroc, cela pourrait entraîner des sorties de capitaux attirés par des rendements plus élevés. Le cas de l'annus horribilis des flux nets d'investissements directs étrangers (IDE) en 2023, où l'écart des taux entre BAM (3%), la Fed (5,33%) et la BCE (4,5%) était notable, illustre bien ce risque.

Source : BAM, BCE, FED

La décision de BAM, en "apparente" divergence avec les politiques monétaires de la BCE et de la Fed, repose, selon Abdellatif Jouahri, sur une évaluation prudente de la situation économique internationale et des risques géopolitiques, selon les explications qu'il a données après le Conseil de BAM, le 24 septembre 2024. Le gouverneur de la Banque centrale justifie ce choix en soulignant l'incertitude persistante liée aux tensions géopolitiques, notamment au Moyen-Orient. Selon lui, une baisse prématurée du taux directeur, suivie d'une remontée en cas de détérioration de la conjoncture, pourrait compromettre la crédibilité de la politique monétaire marocaine et ébranler la confiance des investisseurs.

La Banque centrale privilégie donc une approche prudente, en observant attentivement les évolutions économiques mondiales avant d'envisager toute modification de son taux. Abdellatif Jouahri n'a toutefois pas exclu la possibilité d'une baisse lors du prochain trimestre, si les conditions le permettent.

Ce positionnement illustre la complexité des défis auxquels BAM est confrontée. D'une part, elle doit ajuster sa politique monétaire pour préserver la stabilité du dirham, en tenant compte des évolutions des taux directeurs des principales banques centrales mondiales. D'autre part, elle doit prendre en considération les dynamiques internes de l'économie marocaine ainsi que les incertitudes internationales.

Impact sur les agrégats macroéconomiques

Certes, une baisse du taux directeur aurait mieux stimulé la dynamique économique, surtout dans un contexte où tous les indicateurs pointent vers un ralentissement économique, avec une croissance projetée entre 2,4% et 3% d'ici fin 2024, après 3,4% en 2023. Cependant, le maintien du statu quo aura des répercussions mécaniques sur plusieurs agrégats.

Tout d'abord, en ce qui concerne le crédit bancaire, si les banques commerciales maintiennent des taux stables et, par conséquent, les conditions de financement, il est probable que la dynamique du crédit au cours du troisième trimestre soit préservée. Toutefois, dans un contexte d'incertitude économique, cette stabilité pourrait se révéler fragile, limitant l'octroi de nouveaux crédits si les perspectives de croissance restent floues.

Du côté des ménages, la stabilité des taux soutiendrait modérément la consommation, car les coûts de financement resteraient constants. Cependant, sans réduction des taux, il n’y aurait pas de forte incitation à augmenter les dépenses par l'endettement. Cela pourrait maintenir une consommation faible, surtout dans un contexte où les ménages préfèrent épargner en prévision de chocs futurs.

Sur le marché immobilier, des taux hypothécaires stables pourraient maintenir la demande de logements, mais l'absence de baisse pourrait inciter certains acheteurs à reporter leurs décisions, dans l'attente d'une éventuelle réduction des taux.

Le maintien du taux directeur stabiliserait le taux de change. Cependant, une baisse des taux soutiendrait davantage la balance commerciale en renforçant la compétitivité des exportations et en attirant des flux de capitaux supplémentaires.

En matière de finances publiques, la stabilité des taux d’intérêt pourrait contribuer à contenir le coût du service de la dette intérieure. Toutefois, une croissance économique plus vigoureuse serait nécessaire pour assurer la soutenabilité des finances publiques à long terme, ce qu’une baisse des taux aurait pu favoriser.

Sur le marché du travail, la situation n’offrirait pas d'impulsion suffisante pour améliorer l'emploi de manière significative. La création d’emplois dépendrait principalement de réformes structurelles, mais un taux plus bas aurait pu encourager une demande accrue de main-d'œuvre, notamment par le biais d'investissements accrus.

Ce que pensent les acteurs du marché

La majorité des acteurs du marché, des investisseurs et même des analystes anticipaient une baisse du taux directeur.

Dans ce contexte, Fitch Solutions avait prévu, dans une analyse en juillet 2024, sur la base d’une inflation ne dépassant pas 2% et des besoins de relance économique, notamment en termes d’emploi et de croissance, une réduction de 50 pb d’ici la fin de l’année.

De même, AGR (Attijari Global Research) a souligné, dans une note de recherche que la décision de statu quo de BAM en septembre 2024 a surpris le marché qui anticipait une deuxième baisse successive du taux directeur de 25 pb. AGR note que cette pause intervient malgré des prévisions d’inflation revues à la baisse pour 2024, estimées à 1,3%.

Les conditions actuelles du marché obligataire montrent que les rendements des maturités courtes ont déjà franchi le seuil des 2,7%, reflétant l’anticipation d’une baisse des taux. AGR s'attend néanmoins à une poursuite de la tendance baissière des taux d'ici la fin de l'année, soutenue par la réduction de l'inflation et la politique accommodante prévue par BAM jusqu'en 2025.

Dans le même sens, interrogé par nos soins, un responsable de la recherche en Equity commente la situation : "Certes, une baisse des taux était anticipée, mais le statu quo restait envisageable, bien que ses probabilités soient faibles. Je considère que la décision de Bank Al-Maghrib est en adéquation avec la conjoncture actuelle, marquée par une intensification des tensions au Moyen-Orient, notamment au Liban, en Palestine, en Israël et en Iran, ce dernier étant un important exportateur de pétrole. Toute aggravation pourrait perturber les flux maritimes dans le détroit d'Ormuz, entraînant ainsi une hausse des prix".

"Concernant les crédits, je pense que le statu quo n’aura pas d’impact notable, ni positif ni négatif, sur leur dynamique. De même, le marché immobilier devrait poursuivre sur la même trajectoire. Je ne crois pas que les anticipations d'une éventuelle baisse des taux puissent freiner ou reporter les décisions d'achat ou de dépenses des ménages", conclut notre interlocuteur.

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