Emploi rural. Quand les fluctuations saisonnières cachent un déclin structurel
L'emploi rural au Maroc, prévu à la baisse au troisième trimestre 2024, suit un schéma saisonnier dicté par les cycles agricoles. Les deuxième et quatrième trimestres enregistrent ainsi une hausse significative de l'emploi. C'est l'inverse pour les T1 et T3. Cela étant, une tendance baissière persistante de l’emploi rural est constatée. Analyse.
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Badr Elhamzaoui
Le 23 septembre 2024 à 11h54
Modifié 23 septembre 2024 à 17h07L'emploi rural au Maroc, prévu à la baisse au troisième trimestre 2024, suit un schéma saisonnier dicté par les cycles agricoles. Les deuxième et quatrième trimestres enregistrent ainsi une hausse significative de l'emploi. C'est l'inverse pour les T1 et T3. Cela étant, une tendance baissière persistante de l’emploi rural est constatée. Analyse.
Le marché de l'emploi rural au Maroc est marqué par des fluctuations étroitement liées aux cycles agricoles. Cette dynamique saisonnière reflète l'activité agricole, où les pics de la demande en main-d'œuvre coïncident avec les périodes de semis et de récolte. Toutefois, derrière ces fluctuations cycliques apparentes, une tendance baissière de fond s’installe, nourrie par des défis climatiques et structurels croissants.
Le problème de la création d'emplois dans le milieu rural est un défi persistant, pour lequel les solutions semblent faire défaut. Il touche à plusieurs aspects cruciaux. D'une part, les taux de chômage nationaux, en constante progression, sont largement influencés par les dynamiques de l'emploi rural, intrinsèquement liées à la santé du secteur agricole. D'autre part, l'agriculture marocaine a subi, ces dernières années, les effets dévastateurs des sécheresses récurrentes et du stress hydrique. Ces facteurs ont un impact direct sur l'emploi rural : dès que l'activité agricole rencontre des difficultés, le chômage augmente, aggravant les déséquilibres du marché du travail.
Une dynamique saisonnière fluctuante avec des baisses récurrentes aux T1 et T3
Une approche axée sur les évolutions trimestrielles successives, plutôt que sur les tendances annuelles, offre une vision plus précise des fluctuations de l'emploi rural. En effet, l’analyse des données du HCP pour les années 2022, 2023 et 2024 met en évidence un schéma de variations saisonnières, fortement corrélé aux cycles agricoles.
L'emploi rural suit un rythme régulier de hausse pendant les périodes de semis et de récolte, typiquement aux deuxième et quatrième trimestres de l'année. Ces périodes sont marquées par une demande accrue en main-d'œuvre, principalement pour les activités agricoles liées à la plantation et à la récolte. Cela explique pourquoi l'emploi rural connaît un pic à ces moments précis. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au T2 - 2022, le nombre d'emplois en milieu rural atteignait 4.765.996, contre 4.385.000 au T1 de la même année, marquant une augmentation de 380.996 emplois. De même, au T4-2022, une création nette de 88.000 emplois a été observée par rapport au T3.
Si les hausses d’emplois sont significatives aux T2 et T4, les premiers et troisièmes trimestres de chaque année enregistrent une baisse notable de l’emploi rural. Au T1 2022, on note une perte de 148.000 emplois, suivie d’une diminution encore plus prononcée au T3 de la même année avec 494.996 emplois perdus. Cette dynamique persiste d'une année à l'autre, formant une tendance cyclique prévisible dans le marché de l'emploi rural.
Il est intéressant de constater que les baisses d'emplois sont généralement plus prononcées au T3 qu'au T1, ce qui suggère une plus grande vulnérabilité durant la période estivale. Les hausses d'emplois, quant à elles, sont plus marquées au T2 qu'au T4, reflétant une demande en main-d'œuvre plus forte lors des périodes de semis au printemps.
Une tendance baissière de fond
Toutefois, derrière ces fluctuations cycliques, une tendance inquiétante se dessine : l'effectif total des emplois en milieu rural suit une courbe descendante, même durant les périodes où l'emploi atteint ses pics. En comparant les données, on observe que le nombre d’emplois qui atteignait 4.765.996 au T2 2022 a chuté à 4.360.000 au T2 2023, puis à 4.219.000 au T2 2024. Cette baisse constante, même pendant les trimestres de forte activité agricole, est un signal d’alerte sur la dégradation structurelle du marché de l’emploi rural.Cette décroissance continue reflète non seulement la baisse de la productivité agricole, mais aussi la fragilité accrue du secteur face aux aléas climatiques. L’impact des sécheresses, combiné à une gestion inadéquate des ressources hydriques, aggrave la situation, entraînant une contraction de l’emploi agricole. Par ailleurs, cette tendance à la baisse laisse présager des conséquences à long terme, telles que l’exode rural, l'appauvrissement des zones agricoles et le creusement des inégalités socio-économiques entre les milieux urbain et rural.
Perspectives pour les troisième et quatrième trimestres de 2024
Les projections pour les prochains trimestres de 2024 ne dérogent pas à la dynamique observée ces dernières années. Le T1 2024 a déjà enregistré une baisse de 163.000 emplois, tandis que le T2 a vu une augmentation de 222.000 emplois, suivant le schéma saisonnier habituel. Toutefois, les prévisions pour le T3 2024 indiquent une perte plus importante que celle du premier trimestre, conformément à la tendance des années précédentes.
L’analyse des données historiques permet de modéliser l’évolution de l’emploi pour les deux derniers trimestres de l’année 2024. Grâce à une analyse économétrique fondée sur le modèle VAR (Vector Autoregression), il est possible d’estimer que l’emploi rural devrait s'établir autour de 3.944.963 au T3 2024, soit une perte de 274.037 emplois par rapport au T2. En revanche, une reprise est attendue au T4 2024, avec un effectif estimé à 4.118.262, marquant ainsi une hausse de 173.299 emplois.
Cette cyclicité persistante, bien qu’elle fournisse une certaine prévisibilité, ne masque pas la tendance globale à la baisse de l'emploi rural. En parallèle, le taux de chômage rural devrait atteindre 7,3% au T3 2024, avant de redescendre à 6,7% au T4 2024, confirmant ainsi l’effet des cycles saisonniers sur le marché du travail.
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Le marché de l’emploi rural au Maroc est pris dans un cycle saisonnier de fluctuations, où les périodes de semis et de récolte dictent l'augmentation ou la diminution de la main-d'œuvre. Toutefois, cette dynamique cache une réalité plus préoccupante : une baisse structurelle de l'emploi, aggravée par les changements climatiques et les faibles rendements agricoles. Si des plans de développement rural ne sont pas mis en place pour pallier ces faiblesses, les conséquences pourraient être lourdes : exode rural massif, effondrement de l’activité agricole et creusement des inégalités socio-économiques.
Il devient impératif d’introduire des politiques plus robustes visant à promouvoir un développement rural durable. Investir dans des infrastructures agricoles modernes, améliorer la gestion de l’eau et renforcer la résilience des cultures face aux conditions climatiques changeantes sont autant de pistes à explorer pour redresser l'emploi rural et garantir une croissance économique inclusive dans les zones rurales du Maroc.
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