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Le calendrier musulman diffère selon les pays

Le 27 septembre 2013 à 9h55

Modifié 27 septembre 2013 à 9h55

Les différents oulémas et experts que nous avons passés en revue appartiennent à des écoles qui défendent trois principales méthodes de détermination du début des mois lunaires.  

L'état des lieux au 1er ramadan 1434

En application de sa politique déclarée, le Conseil du Fiqh d'Amérique du Nord (CFAN) a annoncé bien à l'avance que «le premier jour du ramadan 1434 correspondrait au mardi 9 juillet 2013 et l'aïd al -fitr ou 1er chawwal 1434, au jeudi 8 août 2013.»

Le Conseil européen pour la fatwa et la recherche (CEFR), qui est basé à Dublin, a également annoncé, bien à l'avance, que «le premier jour du ramadan 1434 correspondrait au mardi 9 juillet 2013 et l'aïd al -fitr ou 1er chawwal 1434, au jeudi 8 août 2013.» Mais, il semble avoir changé de position, du moins pour le moment, par rapport à sa décision de 2007. Depuis quelques années, il fonde ses conclusions «sur des critères de calcul postulant qu'il doit y avoir la possibilité d'observer le croissant à l'œil nu ou à l'aide d'un télescope en un endroit quelconque de la Terre.»

Les autorités saoudiennes, quant à elles, disent qu'elles s'appuient exclusivement sur l'observation visuelle de la nouvelle lune afin de déterminer les dates des événements associés à des cérémonies religieuses. Elles ont annoncé dans la soirée du lundi 8 Juillet 2013 que la nouvelle lune n'avait pas été observée et que le jeûne du ramadan débuterait donc le mercredi 10 juillet 2013. Sur la base de l'annonce saoudienne, quelques 48 pays et communautés musulmanes à travers le monde ont également entamé le jeûne du ramadan le mercredi 10 juillet, ce qui constituait un record historique du nombre de pays musulmans commençant le jeûne à la même date sur la base de la seule annonce saoudienne. 82 pays et communautés au total ont entamé le jeûne ce jour-là, contre 17 pays et communautés le jour précédent et 5 pays et communautés le jour suivant.

Pour leur part, les principales associations musulmanes de France se sont retrouvées divisées au sujet de la date à appliquer pour le début du ramadan. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) avait annoncé le 9 mai 2013 sa décision d'utiliser désormais un calendrier musulman basé sur le calcul astronomique en substitution aux méthodes utilisées jusque-là, qui se basaient sur l'observation de la nouvelle lune soit en France, soit dans les pays du Maghreb ou du Moyen Orient. Ce calendrier tenait compte de la possibilité d'observation de la nouvelle lune où que ce soit sur Terre, au soir du 29e jour du mois lunaire. Sur cette base, le CFCM avait annoncé bien à l'avance que le premier jour du ramadan 1434 correspondrait au mardi 9 juillet 2013 et l'aïd al -fitr ou 1er chawwal 1434, au jeudi 8 août 2013. Une partie de la communauté musulmane de France entama le jeûne sur cette base.

Mais, le nouveau président du CFCM annonça le mardi 9 juillet sa décision de reporter le début du mois de ramadan au lendemain 10 juillet 2013, pour être en conformité avec les nombreux pays qui avaient annoncé, dans le sillage de l'annonce saoudienne, qu'ils débuteraient le jeûne du ramadan ce jour-là. Une autre partie de la communauté musulmane de France entama donc le jeûne le 10 juillet.

Les musulmans turcs d'Asie Mineure et de nombreuses communautés musulmanes d'Europe de l'Est ont également entamé le jeûne du ramadan 1434 le mardi 9 juillet 2013, sur la base du calendrier musulman de la Turquie.

On retiendra essentiellement, de cet état des lieux, les deux faits suivants :

(1) le nombre d'États qui ont entamé le jeûne du ramadan sur la base de l'annonce saoudienne continue de connaître en 2013, comme ce fut le cas en 2012, un développement considérable ;

(2) l'utilisation d'un calendrier lunaire basé sur le calcul ne cesse de gagner des adhérents, en particulier au sein des communautés musulmanes d'Amérique du Nord et d'Europe occidentale. Mais il y a encore des différences importantes entre les différentes parties concernées au sujet des spécifications à utiliser pour l'établissement de ce calendrier lunaire.

Synthèse de l'étude et conclusions

Les différents oulémas et experts que nous avons passés en revue appartiennent à des écoles qui défendent trois principales méthodes de détermination du début des mois lunaires. Toutes trois sont fondées sur les enseignements de la charia, et sont également valables sur le plan théologique, d'après leurs promoteurs. Mais elles donnent des résultats différents lors de leur application.

La première méthode est basée sur l'observation visuelle de la nouvelle lune. Elle repose sur une interprétation littérale d'un hadith dans lequel le Prophète notait que les Arabes étaient, à son époque, «illettrés», ne sachant ni écrire ni compter. Il leur était donc beaucoup plus simple de se baser sur l'observation de la nouvelle lune pour connaître le début des mois, ce qu'ils avaient déjà coutume de faire, de toutes les façons.

Cette méthode souffre de graves faiblesses : d'une part, elle permet uniquement le décompte des jours du mois en cours, et de l'autre, elle associe des dates différentes aux mêmes jours dans différents pays qui se livrent, chacun, à sa propre observation. Aujourd'hui, elle s'impose probablement en partie au titre du respect des traditions dans certaines sociétés. Elle est confortée par des considérations de souveraineté nationale et de politique interne et régionale.

D'après les critiques de cette méthode, le niveau culturel des Arabes s'étant nettement amélioré au fil des siècles, le qualificatif d' «illettrés» ne peut plus leur être appliqué. C'est l'opinion du cadi Shakir, qui souligne que des musulmans sont devenus des experts éminents dans de nombreux domaines scientifiques et culturels, y compris en astronomie. Les Etats musulmans eux-mêmes disposent des services d'astronomes distingués qui peuvent établir avec la plus grande rigueur les calendriers lunaires et les mettre à la disposition de tous. D'après le cadi Shakir, cette méthode ne peut plus se justifier au titre de la charia.

D'après les tendances actuelles, il est tout à fait possible que le nombre d'Etats musulmans recourant à cette méthode se réduise sérieusement à l'avenir.

La deuxième méthode repose sur la «prise de connaissance» que la nouvelle lune a été observée par des observateurs fiables. Certains pays exploitent uniquement les observations effectuées sur leur territoire par des représentants qualifiés des autorités centrales. D'autres Etats prennent en compte les observations effectuées dans d'autres pays, une fois qu'elles ont été annoncées par les autorités centrales. Ainsi, de plus en plus d'Etats se basent, depuis quelques années, sur l'annonce saoudienne pour déclarer le début et la fin du mois de ramadan et le début de dul hijja, qui détermine les dates du haj.

Cette dernière approche est conforme à la thèse que les oulémas ont toujours défendue dans leurs écrits théologiques, lorsqu'ils affirmaient que l'information que la nouvelle lune avait été observée par des sources fiables où que ce soit sur Terre devrait s'imposer à tous ceux auxquels elle parvient à temps pour qu'ils puissent en tenir compte (pour débuter le jeûne par exemple).

Cette méthode permet aujourd'hui d'unifier symboliquement un grand nombre de pays (tous ceux qui veulent bien mettre de côté leurs considérations de souveraineté nationale et de politique interne et régionale) à l'occasion des célébrations religieuses. Mais, elle ne permet pas de connaître à l'avance les dates de ces célébrations, puisqu'il faut attendre le soir du 29e jour de chaque mois pour que la nouvelle lune soit aperçue quelque part sur Terre et que l'information soit communiquée à toute la planète. Encore faut-il que cette information parvienne à temps aux gens pour qu'ils puissent en tenir compte (pour prendre leurs dispositions pour jeûner, par exemple).

La deuxième méthode continue de souffrir de toutes les faiblesses associées au calendrier musulman. Elle ne permet pas de planifier à l'avance ce qui doit l'être, qu'il s'agisse de prendre un rendez-vous chez son médecin, de programmer un congé ou un voyage, de faire des réservations de chambres d'hôtel ou de billets d'avion, ou toutes autres actions de la vie quotidienne, envisagées dans une perspective dépassant le mois en cours ou les frontières nationales.

La troisième méthode, qui est associée au calendrier basé sur le calcul, est la plus simple et la plus sûre d'utilisation, puisque toutes les dates sont établies et connues de tous, longtemps à l'avance. Elle offre des avantages considérables et répond le mieux aux besoins des sociétés modernes. Elle est utilisée par de nombreux Etats et communautés musulmanes qui définissent différents paramètres astronomiques pour s'assurer de l'apparition de la nouvelle lune, que ce soit de manière générale «où que ce soit sur Terre», ou bien en des lieux déterminés à l'avance, aux coordonnées de la Mecque par exemple. Dans le cadre de cette méthode paramétrée, l'observation de la nouvelle lune est, le plus souvent, simplement «possible» ou «virtuelle».

Le calendrier saoudien d'Umm al Qura utilise cette méthode, tout comme les différents modèles de calendriers musulmans basés sur le calcul astronomique, qui sont proposés ou utilisés actuellement dans différents pays et communautés musulmanes (calendrier de Turquie, du Conseil du fiqh d'Amérique du Nord (CFAN), du Conseil européen pour la fatwa et la recherche (CEFR), du Conseil français du culte musulman (CFCM), etc.). Ces calendriers peuvent être établis des années à l'avance, et combinent cette méthode avec le calcul pour tenir compte de l'impératif de «prise de connaissance» de l'apparition de la lune après la conjonction mensuelle.

Cette troisième méthode finira probablement par se généraliser, avec le passage du temps, une fois que l'ensemble de la population musulmane aura admis sa compatibilité avec la charia et sa conformité à ses enseignements. Mais, elle rencontre actuellement, et continuera de rencontrer longtemps encore, des obstacles considérables liés aux traditions, aux intérêts établis des gouvernants dans chaque pays, aux considérations de souveraineté nationale et de politique interne et régionale, etc.

Aujourd'hui, on peut simplement noter que, dans le sillage du cadi Ahmad Muhammad Shakir, de Yusuf al-Qaradawi, et des maîtres à penser du CFAN et du CEFR, une nouvelle génération de penseurs musulmans ne voit aucun obstacle religieux à l'adoption d'un calendrier basé sur le calcul astronomique. Elle ne constitue encore qu'une minorité, comparée à l'ensemble de la population musulmane du monde, et se situe principalement en Amérique du Nord, en Europe et dans certains pays d'Afrique du Nord, aujourd'hui. Mais, elle ne cesse de gagner du terrain, avec l'appui de quelques penseurs, leaders politiques et sociaux, juristes influents et théologiens célèbres du monde musulman.

Cette minorité musulmane sera-t-elle en mesure de convertir à ses propositions la grande majorité de ceux qui, aujourd'hui, continuent de défendre l'approche traditionnelle pour la détermination du début des mois lunaires ? Ou bien, ces derniers resteront-ils fidèlement au côté des mouvements conservateurs qui, aujourd'hui plus que jamais, prêchent vigoureusement le respect de l'orthodoxie et des traditions en matière religieuse ?

Dans ces premières années du 21e siècle, le calendrier basé sur le calcul devient, à son tour, un symbole et un enjeu dans la confrontation rituelle, récurrente entre ceux qui défendent les traditions et ceux qui veulent promouvoir la modernité dans les sociétés musulmanes.
 

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