“Une histoire douloureuse”: les boxeurs afghans dans les cordes en Serbie

(AFP)

Le 3 décembre 2021

Monter sur le ring n'a jamais été facile, encore moins en zone de guerre. Mais aujourd'hui le boxeur afghan Hasib Malikzada affronte son adversaire le plus imprévisible, l'incertitude d'une vie à la recherche d'un asile loin de chez lui.

Le champion poids léger d'Afghanistan est coincé avec une dizaine de ses compatriotes en Serbie, refusant de rentrer après avoir participé le mois dernier à Belgrade aux championnats du monde amateurs de la Fédération internationale de boxe (AIBA).

Depuis leur arrivée dans le pays des Balkans, les onze boxeurs de l'équipe nationale afghane, accompagnés de deux officiels, vont d'hôtel en hôtel, et trouvent parfois une salle pour s'entraîner. Mais la Serbie ressemble à un îlot de stabilité par rapport à ce qu'ils viennent de vivre.

"Quand les talibans sont arrivés (...) on ne pouvait plus faire de la boxe", raconte à l'AFP Malikzada, 19 ans, dans un hôtel de la banlieue de Belgrade. Peu après le renversement en août du gouvernement soutenu par les Etats-Unis, son gymnase à Kaboul avait fermé, poursuit-il.

La vie en Afghanistan est devenue insoutenable, dit le jeune sportif. Il craint que sa famille ne soit visée du fait de ses relations avec le précédent gouvernement. Il explique aussi que ses frères ont participé à une brève tentative de résistance contre les talibans dans la vallée du Panchir, au nord-est de Kaboul, aux côtés de soldats de l'ex-gouvernement et de miliciens. "Si les talibans nous trouvent (...), ils nous tueront".

Selon les estimations, des centaines de milliers d’Afghans ont fui ces derniers mois la persécution et l'effondrement économique consécutif aux sanctions internationales et une crise bancaire qui a aggravé une pauvreté déjà endémique.

Ils s'ajoutent aux vagues massives de départs ayant accompagné les conflits des décennies précédentes.

Dans leur pays natal, les boxeurs de l'équipe nationale ont vécu dans l'ombre de la guerre qui a suivi l'invasion américaine en 2001.

- Echappatoire au stress -

Pour Malikzada et ses coéquipiers, la boxe était un refuge pendant les heures noires, les vagues d'attentats suicide, la criminalité omniprésente et les menaces d'enlèvements.

La salle, c'était l'endroit où la violence était encadrée, avec des rounds, des catégories de poids, des règles, une soupape. Les boxeurs sont devenus très proches.

"La boxe, ça rafraîchit l'esprit, le corps et aussi la santé", explique le poids lourd Tawfiqullah Sulaimani, 20 ans.

Après la prise du pouvoir par les talibans, l'équipe a continué à s'entraîner en cachette. Pour aller à Belgrade, les boxeurs sont partis séparément pour la frontière avec l'Iran pour ne pas attirer l'attention des nouveaux maîtres de Kaboul, puis ont obtenu à Téhéran des visas pour la Serbie.

Après quatre jours de voyage sans sommeil, ils sont arrivés juste à temps pour participer aux championnats où ils obtenu de "bons résultats" malgré le stress. "On n'avait pas dormi mais on faisait de bonnes performances chaque jour", dit Waheedullah Hameedi, 24 ans, secrétaire général de la Fédération afghane de boxe.

C'est en bonne partie sur lui que repose l'avenir des sportifs.

L'oeil rivé sur son téléphone pendant que les boxeurs s'entraînent, il envoie des messages à ses contacts à travers la planète dans l'espoir que quelqu'un pourra les aider.

Il a subi aussi de près la brutalité des talibans. En 2019, ils avaient assassiné son père, également un responsable du noble art, pour avoir recruté des boxeuses, dit son fils à l'AFP.

- "Mise en gardes -

"J'ai reçu trop de mises en garde", raconte-t-il, ajoutant que ses proches lui ont conseillé de ne pas rentrer.

Il reste très discret sur les intentions de l'équipe pour ne pas nuire à ses projets d'asile.

Durant leur premier règne, dans les années 1990, les talibans avaient banni la boxe au motif qu'elle allait "à l'encontre de la dignité humaine".

Aujourd'hui, ils n'ont pas prise de décision officielle sur l'avenir de la boxe mais ils ont cherché à promouvoir plusieurs sports, dont le cricket.

Malgré tout, des dizaines d’athlètes afghans ont fui à l'étranger, y compris des footballeuses et des basketteuses, suscitant l'ire des talibans.

"J'attends que tous les chefs de fédérations toujours à l'étranger, du fait de la propagande et des rumeurs, rentrent dans leur pays et vivent avec nous", a dit récemment à Kaboul Nazar Mohammad Motmaeen, le responsable des sports nommé par les talibans. "L'honneur de tout athlète réside dans son propre pays."

Dans les limbes de l'exil, la vie n'est pas facile, concède Hameedi. "C'est une histoire douloureuse. Personne ne veut quitter sa mère patrie."

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Le 3 décembre 2021

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