UE: l'hydrogène “bas carbone” ravive les divergences sur le nucléaire

(AFP)

Le 28 mars 2023

Les ministres européens de l'Energie ont affiché mardi leurs vives divergences sur la reconnaissance du nucléaire comme moyen de production d'hydrogène décarboné, Paris musclant son offensive en faveur de l'atome civil tandis que Vienne réunissait ses détracteurs.

Avant même que commence la réunion des ministres des Vingt-Sept à Bruxelles, la ministre française Agnès Pannier-Runacher a rassemblé les représentants de douze autres Etats membres dans l'objectif de défendre le nucléaire et doper les coopérations industrielles dans le secteur.

Inaugurée fin février à Stockholm, cette "alliance du nucléaire civil" a réuni mardi dix pays (France, Bulgarie, Croatie, Finlande, Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie), auxquels s'ajoutent Belgique, Italie et Pays-Bas comme "observateurs".

"Les participants (...) ont pleinement reconnu que le nucléaire", source d'énergie décarbonée, "est une technologie stratégique pour l'atteinte de la neutralité climatique", selon un communiqué conjoint.

"L'enjeu n'est pas d'opposer le nucléaire aux renouvelables" mais "de considérer tous les leviers qui peuvent permettre de baisser nos émissions", a expliqué Mme Pannier-Runacher. "Comme solution de décarbonation (...) et pour avoir une électricité compétitive qui soutienne notre tissu industriel, le nucléaire a un rôle important à jouer".

Parallèlement, la ministre autrichienne de l'Energie, Leonore Gewessler, a rassemblé mardi matin ses homologues de dix Etats (Belgique, Estonie, Espagne, Allemagne, Danemark, Irlande, Pays-Bas, Portugal, Luxembourg, Lettonie) pour discuter du "déploiement des renouvelables". La majorité de ces pays contestent que l'atome civil puisse être traité de la même façon que les technologies "vertes".

- "Neutralité" -

La France plaide pour adopter une "neutralité technologique" laissant les Etats libres de choisir les moyens d'atteindre les objectifs climatiques. "C'est extrêmement important pour nous aider à exploiter toutes les options dans nos efforts de décarbonation", a aussi estimé mardi le ministre tchèque Jozef Sikela.

Le plan dévoilé mi-mars par la Commission européenne pour doper les industries vertes a alarmé Paris, car il mentionne le nucléaire sans lui accorder les avantages réglementaires et financiers consentis aux renouvelables.

Mardi soir, les ministres ont adopté leur position sur une législation pour faciliter l'adaptation des réseaux gaziers à l'essor de l'hydrogène et du biométhane, en vue d'entamer des négociations avec les eurodéputés pour finaliser ce texte.

L'objectif est d'accompagner l'abandon du gaz naturel au profit des alternatives décarbonées. "Nous devons créer les conditions de marché adéquates", a observé la ministre suédoise Ebba Busch, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE.

En revanche, aucun compromis n'était encore en vue concernant l'ambitieuse loi sur les énergies renouvelables, que les négociateurs du Conseil (Etats membres) et du Parlement européen sont censés finaliser mercredi.

Ce texte prévoit des objectifs d'hydrogène "renouvelable" à atteindre dans les transports et l'industrie: la France et ses alliés réclament un traitement égal entre hydrogène renouvelable et hydrogène "bas-carbone" produit avec de l'électricité d'origine nucléaire.

"Il faut être très vigilant à ne pas créer d'écart de compétitivité entre l'Europe et les États-Unis" dont le plan de subventions vertes (IRA) "traite renouvelables et nucléaire sur le même niveau", a souligné Mme Pannier-Runacher.

- "Equilibre difficile" -

Une ligne rouge pour au moins sept pays (Allemagne, Autriche, Danemark, Irlande, Luxembourg, Portugal, Espagne), qui avaient réclamé mi-mars de "ne pas encourager" la production d'hydrogène issu du nucléaire, estimant que cela risquait de "ralentir les investissements dans de nouvelles capacités de renouvelables".

"Renouvelable signifie renouvelable", a tweeté mardi Mme Gewessler, à l'issue de la réunion qu'elle organisait. "Le nucléaire n'est pas vert, désolé!", s'est exclamée son homologue espagnole Teresa Ribera.

"Il faut entre 12 et 18 ans pour construire une nouvelle centrale nucléaire (...) Ces sommes colossales doivent être investies dès maintenant dans le solaire et l'éolien pour que nous ayons une chance dans le combat climatique", a renchéri le Luxembourgeois Claude Turmes.

"Deux minorités se bloquent mutuellement" sur ce texte, commente un diplomate. Les ambassadeurs des Vingt-Sept tenteront mercredi matin de s'entendre sur une éventuelle solution avant la reprise des pourparlers entre Conseil et Parlement.

"C'est un équilibre difficile (...) mais si nous ne respectons pas le fait que différents États membres choisissent différents mix énergétiques, nous prolongerons très probablement notre dépendance vis-à-vis des sources fossiles", a commenté Mme Busch.

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Le 28 mars 2023

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