Réouverture des Etats-Unis: au Mexique, l'amertume des expulsés

(AFP)

Le 7 novembre 2021

"C'est triste de savoir que beaucoup vont pouvoir traverser, mais pas moi". La réouverture totale de la frontière des Etats-Unis lundi réveille l'amertume des Mexicains expulsés par Washington dans leur pays d'origine après avoir longtemps vécu "de l'autre côté" en famille.

"On peut dire que mon âme et mon esprit sont restés de l'autre côté. Ici il n'y a que mon corps", soupire Martin Figeroa Sanchez, 52 ans, installé à Tijuana, la ville-frontière aux portes de la Californie.

Martin ne sera que le témoin silencieux de la levée de toutes restrictions d'accès aux Etats-Unis pour les voyageurs complètement vaccinés contre le Covid-19.

Le quinquagénaire a été expulsé il y a trois ans de Californie où il était arrivé à l'âge de deux ans.

Le service américain de l'immigration et des frontières (ICE) l'a arrêté alors qu'il était sans permis de séjour depuis des années après "des bêtises" avec sa "bande" qui l'avaient déjà conduit en prison en 1994. "Ils m'ont expulsé définitivement".

"Je ne peux pas dire en sortant du travail: je vais voir mes enfants. Non. Parce qu'il y a ce mur", reprend Martin, allusion à la frontière qui se prolonge jusque sur la plage et même quelques mètres dans les vagues de l'océan Pacifique.

A son travail, Martin, qui parle mieux anglais qu'espagnol, replonge dans l'ambiance américaine dans un call-center où il reçoit des appels de consommateurs américains.

VoxCentrix compte plusieurs centaines de salariés dont 60 à 70% de "deportados", selon l'un de ses responsables.

- "Injustement expulsés"?-

A Ciudad Juarez, autre ville-frontière, quelques dizaines de Mexicains expulsés revendiquent le droit de rentrer "chez eux" sous prétexte qu'ils sont des vétérans de l'armée américaine.

Ils affirment qu'il s'agit d'une promesse du président Biden, en déployant la bannière étoilée le long du mur qui sépare Juarez d'El Paso.

"Nous espérons qu'il va tenir sa promesse et qu'il va nous permettre de rentrer bientôt pour retrouver nos familles", déclare l'un des vétérans, José Francisco Lopez Moreno, 76 ans, qui affirme avoir servi un an au Vietnam à la fin des années 60.

"Je suis sorti de l'armée en 69, je me suis marié, j'ai eu trois enfants. Je me suis mis dans une sale situation en 1995 quand j'ai essayé d'acheter de la drogue", poursuit Lopez Moreno, président-fondateur de la Maison d'appui aux vétérans déportés de Juarez qui revendique une trentaine de membres.

"Pacheco" comme on l'appelle a été expulsé en 2003 et pense à ses "petits-enfants" qu'il ne connaît pas.

En juillet, les Etats-Unis ont annoncé qu'ils s'engageaient à rapatrier les vétérans étrangers "qui ont été injustement expulsés". Reste à savoir si c'est le cas de M. Moreno.

Les expulsions de Mexicains des Etats-Unis vers leur pays d'origine se sont poursuivies à un rythme élevé en 2021.

Les autorités mexicaines affirment avoir apporté depuis le début de l'année de l'aide à 181.0641 personnes "d'origine mexicaine rapatriées des Etats-Unis", d'après l'Institut national de migration (INM). Soit quasi-autant que sur toute l'année 2020.

Ce chiffre ne précise pas s'il s'agit de Mexicains expulsés après des années aux Etats-Unis, où après avoir tenté de franchir la frontière illégalement.

"Qu'est-ce ça veut dire +rapatriés+ quand on ne connaît même pas le pays?", s'interroge le réalisateur Alex Gohari co-auteur avec Léo Mattei d'un documentaire "On the line - les expulsés de l'Amérique" sur Martin et d'autres "déportés" de Tijuana.

Les expulsés mexicains qui ont vécu longtemps aux Etats-Unis "ne sentent pas chez eux" à Tijuana, ajoute le réalisateur du film diffusé par des télévisions françaises. "Il y a même un refus très fort d'accepter qu'ils sont chez eux".

Déjà plusieurs fois récompensé, le film doit être projeté en janvier à Tijuana, en utilisant comme écran le mur-frontière avec les Etats-Unis.

Les chances d'un retour sont minces. Le cas de Rocio Rebollar est l'un des plus connu. Cette femme d'une cinquantaine d'années a pu retourner en mai à San Diego après un an et demi à Tijuana, grâce à l'intervention d'un avocat.

Sans aucun antécédent criminel, cette Mexicaine a été expulsée à trois reprises depuis sa première arrivée sans papier aux Etats-Unis en 1988.

Son cas a retenu l'attention des médias car l'un de ses fils est un officier de l'armée armée américaine.

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Le 7 novembre 2021

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