Les grandes marques indiennes cèdent devant les extrémistes hindous

(AFP)

Le 3 novembre 2021

La grande saison des fêtes hindoues bat son plein en Inde, mais les campagnes de publicité de certaines grandes marques du pays sont la cible de féroces attaques émanant de partisans hindous de la droite radicale qui s'estiment blessés dans leur sentiment religieux.

Le détaillant de vêtements et de meubles FabIndia et la multinationale de produits cosmétiques et médicaments naturels Dabur ont été poussés à retirer leurs campagnes de publicité respectives en pleines festivités hindoues de Diwali, période propice à une forte activité commerciale.

Un torrent d'insultes visant FabIndia s'est déversé sur les réseaux sociaux, après que la célèbre marque indienne d'objets et de vêtements artisanaux, a dévoilé sa dernière collection en utilisant le terme ourdou "Jash-e-Rivaaz" signifiant "célébration de la tradition", à l'occasion des fêtes.

L'ourdou, l'une des 22 langues officielles du pays, mais utilisant un alphabet arabo-persan, est perçu comme une "langue musulmane". Originaire d'Inde, où vivent près de 200 millions de musulmans, il est aussi langue nationale du Pakistan, l'ennemi juré.

- Suprématie hindoue -

Aussi nombre d'hindous radicaux, estimant que l'usage de l'ourdou pour évoquer leurs fêtes et rituels religieux est une hérésie, se sont dits scandalisés par le fait que le front des femmes apparaissant dans la publicité de FabIndia n'ait pas été orné du bindi, point rouge caractéristique des hindoues mariées. Aussitôt, le hashtag #NoBindiNoBusiness a inondé Twitter.

Tejasvi Surya, un député du Bharatiya Janata Party (BJP), parti nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi, a jugé dans un tweet que FabIndia "devait assumer les coûts économiques de telles impudences".

FabIndia a insisté sur le fait que sa collection n'avait pas été conçue pour Diwali et souligné avoir "toujours défendu la célébration de l'Inde avec ses myriades de traditions sous toutes leurs nuances".

De même, le groupe Dabur a été contraint de retirer sa publicité sous la pression de "l'opinion publique" parce qu'un couple de femmes y célébrait "Karwa Chauth", fête patriarcale qui requiert des épouses hindoues de prier et jeûner pour la longévité de leurs maris.

"C'est le pouvoir des hindous unis! Bien joué les Hindous !", se félicitait sur Twitter un militant pour la suprématie mondiale de l'hindouisme.

- "Obscènes et répréhensibles" -

Une campagne publicitaire en ligne du styliste Sabyasachi Mukherjee, dont les créations sont populaires auprès de stars indiennes telles que Priyanka Chopra Jonas, a aussi récemment fait les frais de cette intolérance religieuse exacerbée.

Sa publicité montrait une femme au décolleté avantageux, lovée contre le torse nu et tatoué d'un homme, et parée d'un mangalsutra, collier traditionnel de mariage noué autour du cou de la mariée par son époux pour symboliser leur union.

Narottam Mishra, le ministre de l'Intérieur de l'État du Madhya Pradesh, dans le centre de l'Inde, a qualifié ces images d'"obscènes et répréhensibles" et menacé Mukherjee d'une action en justice.

La marque a retiré dimanche sa campagne se disant "profondément attristée d'avoir pu offenser une partie de notre société" tout en expliquant avoir au contraire souhaité engager "une réflexion dynamique sur le patrimoine et la culture, la campagne Mangalsutra visait à évoquer l'inclusion et l'émancipation".

Autant d'incidents qui se succèdent et rappellent que l'an dernier la marque de bijoux Tanishq, détenue par le conglomérat Tata, avait dû retirer une publicité montrant un couple interconfessionnel célébrant la naissance de leur enfant organisée pour la jeune mère hindoue par ses beaux-parents musulmans.

La marque avait été accusée de glorifier le "jihad de l'amour", un terme inventé par les extrémistes hindous accusant les musulmans de séduire les hindoues et de les forcer à se convertir. Le sujet reste brûlant dans le pays pourtant officiellement laïc.

- 50 menaces par jour -

Selon des militants de défense des droits, depuis l'arrivée de Modi au pouvoir en 2014, certains groupes minoritaires sont de plus en plus marginalisés, ce que réfute le gouvernement.

Les attaques contre des musulmans et des hindous de caste inférieure, ou le vandalisme d'églises sont désormais monnaie courante.

L'humoriste Munawar Faruqui a vu trois de ses spectacles annulés la semaine dernière à Bombay après des menaces de l'organisation radicale hindoue Bajrang Dal d'incendier les salles. L'artiste a même été arrêté en janvier, accusé d'avoir insulté des divinités hindoues. Lundi, il confiait à la chaîne NDTV recevoir "50 appels de menace par jour".

L'analyste politique Parsa Venkateshwar Rao juge qu'"en raison du silence au sommet, tant au sein du gouvernement que du parti, les personnes au bas de l'échelle, la base, ont le sentiment qu'elles sont autorisées à jouer des muscles, à se livrer à des comportements de voyous".

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Le 3 novembre 2021

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