Justice fiscale et inégalités sociales, défis d'une Allemagne prospère

(AFP)

Le 16 septembre 2021

Héritier d'une dynastie d'entrepreneurs pharmaceutiques, Antonis Schwarz est millionnaire. Et il veut que le prochain gouvernement allemand le taxe davantage.

Avec d'autres grandes fortunes d'Allemagne et d'Autriche, ce trentenaire philanthrope a lancé cet été l'initiative "Tax me now !" (Taxez moi maintenant) désireux de faire de la justice sociale l'un des enjeux des élections législatives du 26 septembre.

Supporteur de la campagne des Verts auxquels il a fait un don de 500.000 euros, Antonis Schwarz investit depuis plusieurs années dans l'économie sociale et solidaire et s'inquiète "des inégalités de richesse très élevées" en Allemagne, a-t-il expliqué dans une interview à la chaîne ZDF.

C'est l'envers du décor de l'enviable cycle de prospérité vécue par l'Allemagne durant les 16 années de pouvoir d'Angela Merkel : 1% de la population du pays concentre environ 35% des richesses, selon une étude de l'institut économiques allemand (DIW).

Dans un pays encore qualifié "d'homme malade de l'Europe" au début des années 2000, le redressement économique "a profité à l'ensemble de la population allemande, en particulier aux classes moyennes", note le dernier rapport du gouvernement sur la pauvreté et la richesse en Allemagne.

Mais l'étude souligne aussi "la difficulté pour les catégories les plus fragiles de la population de sortir d'un état de pauvreté durable".

- Pauvreté enracinée -

L'épreuve de la pandémie n'a fait qu'aiguiser les appels à plus de redistribution.

Outre la gauche radicale Die Linke, le Parti social-démocrate (SPD), en tête des sondages, et les Verts sont favorables au retour d'un impôt sur la fortune, supprimé en 1997, ou d'une réforme de l'impôt sur les successions.

SPD et Verts souhaitent également une revalorisation du salaire minimum, de 9,60 euros l'heure actuellement, à 12 euros pour aider à corriger l'autre faille du miracle économique allemand : des salaires relativement bas et une précarisation du marché du travail.

En arrivant à la tête de l'Allemagne, Angela Merkel a hérité des réformes du social-démocrate Gerhard Schröder pour flexibiliser le marché de l'emploi, les lois Hartz.

La réduction de la durée et les nouvelles conditions de versement des aides sociales ont poussé des milliers de chômeurs vers le système de "mini-jobs", mal rémunérés (450 euros par mois avec seulement 20% de cotisations sociales à charge de l'employeur). Leur nombre a progressé de 43% de 2003 à 2019, jusqu'à concerner 7,6 millions de travailleurs sur une population active de 42 millions de personnes.

Dans le même temps, l'Allemagne, dont le taux de chômage s'établissait encore à plus de 11% en 2005, a retrouvé le quasi plein emploi.

Mais près d'une personne sur six (15,8%) en Allemagne vit en dessous du seuil de risque de pauvreté (1.040 euros par mois pour une personne), selon une récente étude coordonnée par l'institut national des statistiques Destatis. Cette proportion était d'un peu moins de 11% à la fin des années 90.

Et quiconque tombe en dessous du seuil de pauvreté aura plus de mal à en sortir : la proportion de personnes menacées "de façon permanente" par la pauvreté est deux fois plus élevée qu'en 1998.

- Hôpital en grève -

Le succès des années Merkel "a été obtenu grâce à une énorme armée fantôme de travailleurs à bas salaire", analyse le sociologue Oliver Nachtwey, professeur à l'Université de Bâle, qui étudie les phénomènes de déclassement social.

"Près de 20% des employés de ce pays relèvent de cette catégorie. Si vous ajoutez les emplois à temps partiel aux quatre millions d'emplois à temps plein, l'Allemagne possède l'un des secteurs à bas salaires les plus importants de tous les pays de l'OCDE avec un total de huit millions de personnes", explique-t-il dans une interview à l'hebdomadaire Spiegel.

Avec un salaire brut de 1.850 euros mensuels, Suheyla, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, ne se considère pas comme "travailleuse pauvre". Et pourtant, cette femme de ménage dans un hôpital de Berlin, qui élève seule deux enfants, confie "avoir du mal à terminer" le mois.

Rencontrée devant l'hôpital Vivantes, l'un des plus grands de la capitale, elle fait partie des employés qui depuis début septembre mènent une grève dure pour réclamer de meilleurs salaires et conditions de travail.

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Le 16 septembre 2021

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