En Israël, un Juif et un Arabe unis par le deuil de violences communautaires

(AFP)

Le 6 septembre 2021

Effi et Malik ont chacun perdu un proche dans des violences intercommunautaires en mai dans la ville israélienne de Lod. Dans la foulée, les deux hommes, l'un Juif et l'autre Arabe, auraient pu s'éviter, voire se détester, mais ont plutôt noué une amitié.

La vie de Malik Hassuna, 61 ans, a basculé le 10 mai lorsque son fils Moussa, un père de trois enfants, est mort dans une fusillade à Lod, ville mixte en banlieue de Tel-Aviv, lors de violences entre groupes juifs et arabes sur fond de tensions à Jérusalem et dans la bande de Gaza.

Le lendemain, la voiture du frère d'Effi Yehoshua, Yigal, un électricien de 56 ans, a été lapidée. Ce père de deux enfants a succombé à ses blessures.

Sept Arabes ont été inculpés pour la mort de Yigal, et quatre Juifs ont été arrêtés, puis libérés sans inculpation jusqu'à présent, pour celle de Moussa, selon la police.

Plutôt que de basculer dans la haine, Effi et Malik ont plutôt choisi de partager leur deuil.

"Yigal était mon ami", raconte à l'AFP Malik qui dit être allé présenter ses condoléances à la famille Yehoshua.

Dans la foulée, Effi et Malik ont commencé à s'envoyer des messages écrits et vocaux. Et des mois plus tard, ils se fréquentent toujours.

"La plaie ne se referme pas", explique à l'AFP Effi, assis sur le sofa de Malik à qui il est venu rendre visite. "Elle essaie de guérir, puis elle s'ouvre à nouveau, et pour Malik la plaie ne guérit pas non plus".

- "Géométrie variable" -

A Lod, ville populaire de 80.000 âmes, où le tiers de la population est Arabe israélienne, des descendants des Palestiniens restés sur leur terre à la création d'Israël en 1948, l'image d'une coexistence pacifique a pris un dur coup en mai.

Fusillades, voitures carbonisées, commerces saccagés, synagogues incendiées et deux morts violentes... De l'avis d'Effi, "Lod n'a jamais rien vu de tel en 70 ans".

Les violences ont aussi gagné d'autres villes judéo-arabes du pays comme Acre ou Ramla, pourtant souvent considérées comme des symboles de cohabitation.

Depuis cet accès de violence, Effi assiste à chacune des audiences des assassins présumés de son frère et se dit "confiant" en la justice.

Malik, lui, craint que la mort de son fils reste impunie. "Ce n'est pas la justice. En Israël (...) c'est comme si c'était normal pour un Arabe d'y mourir de sang froid", dit-il.

La police israélienne a indiqué à l'AFP avoir arrêté 154 personnes, dont 120 Arabes, pour les violences à Lod, et dit enquêter sur chaque incident "sans tenir compte des origines des victimes ou des suspects présumés".

Mais Jafar Farah, directeur du centre Mossawa, une ONG qui défend les droits des Arabes israéliens, estime plutôt que l'application de la loi est à "géométrie variable lorsqu'il est question des Arabes israéliens".

A travers Israël, la police a arrêté plus de 2.300 Arabes pour les violences de mai, contre 180 Juifs, selon son organisation. Le ministère de la Justice fait lui état de 515 actes d'inculpations, dont 13% pour des suspects juifs.

Parmi les personnes arrêtées, figure d'ailleurs le frère de Moussa, Ayoub, toujours en prison pour des charges qualifiées de "bidon" par Malik qui s'est rendu cet été au Parlement israélien pour demander justice pour ses fils.

- Baume au cœur -

Là, devant les parlementaires, il s'en est pris au maire de Lod, Yaïr Revivo, qu'il accuse d'avoir attisé la violence en appelant les Israéliens juifs à "défendre" leurs frères de Lod avec des armes.

En rentrant chez lui, Malik dit avoir reçu un appel du maire qui a menacé de le poursuivre en justice et de saisir ses biens. "Fais attention à moi", avertit le maire dans un enregistrement audio que s'est procuré l'AFP.

Après la mort de Yigal, considéré comme une figure du vivre-ensemble à Lod, sa famille a fait don de ses organes et une Palestinienne de Jérusalem-Est a reçu un de ses reins.

De son côté, Malik s'occupe des enfants de Moussa, et des six autres enfants de deux de ses fils incarcérés. Son salaire de conducteur de tracteur peine à couvrir les dépenses.

"Personne ne m'aide. J'ai 62 ans, une maladie cardiaque, du diabète, de l'hypertension. J'ai peur de m'effondrer", poursuit l'homme, qui trouve réconfort dans l'amitié avec Effi.

"Quand je vois Effi (...) mon cœur se calme", dit-il. Effi, lui, voit dans cette relation un antidote contre la haine: "Je suis un homme meilleur depuis que nous nous sommes rencontrés".

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Le 6 septembre 2021

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