En Irak, l'Iran acteur incontournable doit composer avec de virulentes critiques

(AFP)

Le 4 octobre 2021

Comment échapper à son influence? En Irak, l'Iran est un acteur stratégique sur tous les tableaux. Mais dans un pays polarisé, qui tient des législatives après un soulèvement populaire inédit, Téhéran devra composer avec le mécontentement d'une partie de la population, estiment des experts.

Allié à des mastodontes de la politique irakienne, Téhéran soutient le Hachd al-Chaabi, influente coalition de groupes armés, principalement chiites, désormais intégrés à l'Etat irakien.

Sur le plan économique, l'Irak ne peut se passer de l'électricité iranienne. Les voitures iraniennes, au prix abordable, sont visibles à tous les coins de rue. Dans les supermarchés, les produits made in Iran sont omniprésents: Bagdad est le deuxième importateur de biens iraniens, au moment où les sanctions américaines étranglent l'économie de Téhéran.

Dans ce contexte, les législatives anticipées du 10 octobre en Irak ne changent pas la donne. Mais "le plus grand défi" pour Téhéran sera de regagner la confiance populaire, selon des experts.

Car avec le mouvement de contestation d'octobre 2019, la parole s'est libérée.

"L'un des facteurs les plus alarmants pour l'Iran en Irak actuellement, c'est l'important sentiment de mécontentement public", confirme la politologue Marsin Alshamary.

Quand, à l'automne 2019, des manifestants ont battu le pavé pour dénoncer pêle-mêle corruption, chômage des jeunes et déliquescence des services publics, ils ont aussi dirigé leur colère contre l'Iran, accusé d'être l'architecte du système politique défaillant.

- "Relation stratégique" -

Une colère exacerbée par la répression, particulièrement sanglante dans le Sud et le Centre, et qui a fait près de 600 morts et 30.000 blessés. Les militants accusent les "milices", dans un pays où les groupes armés pro-Iran sont très influents.

"L'Iran a perdu une grande partie de sa base chiite dans le sud et le centre, alors qu'il avait longtemps cru qu'il y conserverait une base loyale", indique Renad Mansour, du centre de réflexion Chatham House. "De nombreux partis alignés avec l'Iran ont plus de difficultés à préserver leur popularité".

Le précédent scrutin de 2018, marqué par une abstention record, avait permis aux candidats du Hachd d'accéder pour la première fois au Parlement, après la victoire contre le groupe Etat islamique (EI).

Aujourd'hui, ils ambitionnent d'augmenter leur contingent dans l'hémicycle, même si les experts sont sceptiques.

"Nos rapports avec la République islamique ne sont pas naissants, c'est une relation stratégique", reconnaissait à la mi-septembre le député sortant Ahmed Assadi, candidat à Bagdad et une des figures de proue du bloc parlementaire du Hachd, dans un entretien télévisé.

"Il n'y a pas de soumission ou d'alignement. C'est une relation basée sur l'équilibre entre les intérêts de l'Irak et les intérêts de la République islamique", assurait-il.

Même constat pour Mohamed Mohie, porte-parole des brigades du Hezbollah, puissante faction du Hachd. "Les relations avec l'Iran sont dans l'intérêt du peuple irakien et doivent être renforcées", dit-il à l'AFP.

"Nous n'avons jamais vu aucune ingérence négative de la République islamique dans les affaires de l'Irak", ajoute-t-il.

Evoquant la contestation, il promet que la priorité sera donnée "aux services publics, la réhabilitation des infrastructures", mais aussi à la lutte contre la dépréciation.

Il évoque aussi un objectif essentiel: le retrait des troupes américaines, l'autre grande puissance agissante en Irak, qui veut juguler le rôle iranien.

- "Accords en coulisse" -

Mais dans un pays où les alliances et les coalitions sont mouvantes, plus que le vote et la répartition des sièges, les tractations visant à former un gouvernement seront cruciales.

Diplomates et observateurs craignent un pic de violences-- si les factions proIran cherchent par exemple à mettre la pression pour se garantir une représentation acceptable au sein de l'exécutif.

Pour le politologue irakien Ali Al-Baidar, les factions pro-Iran cherchent à "consolider leur présence en politique et au gouvernement".

Elles souhaitent "être présentes sur plusieurs tableaux -- diplomatie, culture, sport -- pour changer leur image auprès du grand public", qui jugent ces groupes "incapables d'exister en dehors de l'appareil sécuritaire", explique-t-il.

Téhéran cherchera "un Premier ministre avec qui il pourra travailler, qui sera acceptable pour son programme", estime Lahib Higel, de l'International Crisis Group.

"Généralement, un candidat de compromis n'est pas un si mauvais choix", ajoute-t-elle. Un tel profil signifie "un premier ministre faible". Téhéran pourra donc "travailler soit directement avec ses services, ou du moins avec d'autres acteurs autour de lui".

"La clé, ce sont les accords en coulisse conclus pour former un gouvernement", confirme M. Mansour. Sur ce dossier, Téhéran est un "acteur important", capable de "naviguer ses réseaux" à travers le spectre de la politique irakienne.

"L'Iran s'est avéré être l'acteur extérieur le plus compétent en ce qui concerne la formation du gouvernement", souligne-t-il.

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Le 4 octobre 2021

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