Au Pérou, les cultivateurs de coca pris au piège entre pauvreté, guérilleros et narcos

(AFP)

Le 23 septembre 2021

"Il était innocent" : à San Miguel del Ene, village du Pérou, Angelica Lapa pleure la mort de son fils, tué en mai dans une attaque de combattants se réclamant de la guérilla maoïste du Sentier lumineux, que les autorités accusent d'être complices des narcotrafiquants.

Luis Fernando, son fils de 19 ans, a été tué le 23 mai lors d'une attaque menée par un groupe armé dans ce village de 300 habitants situé dans la vallée des fleuves Apurimac, Ene et Mantaro.

Les rebelles ont fait irruption dans le paisible village et tiré sur les clients dans deux bars. Seize villageois, dont quatre enfants, ont été tués.

Angelica Lapa, 67 ans, a déjà perdu plusieurs membres de sa famille, cousins, oncles et grands-parents, dans les années 1980, au plus fort du conflit entre le gouvernement et la guérilla.

"Le gouvernement devrait envoyer l'armée pour mettre la pression sur ces gens qui tuent des personnes innocentes", réclame la paysanne, qui s'exprime en langue quechua, une des langues indigènes du Pérou.

Après l'attaque, des tracts ont été trouvés sur le site, exhortant la population à ne pas participer au deuxième tour de l'élection présidentielle de juin 2021.

L'attentat a été attribué par les autorités à des hommes du Sentier lumineux dirigé par Victor Quispe Palomino, alias "Camarade José".

Après leur défaite militaire dans les années 1990, la quasi-totalité des dirigeants de la guérilla d'extrême gauche ont fini sous les verrous.

Et leur chef, Abimael Guzman, incarcéré pendant 29 ans, est mort en détention le 11 septembre.

Mais environ 200 combattants, non reconnus par les dirigeants historiques, sont toujours actifs, éparpillés dans cette région montagneuse et difficile d'accès du Pérou qui est aussi la principale région productrice de feuilles de coca du pays.

- "Voir comment nous vivons" -

Les victimes de San Miguel del Ene sont ainsi venues grossir la liste des Péruviens assassinés depuis près de deux décennies par ces dissidents de la guérilla d'extrême gauche, qui s'ajoutent aux dizaines de milliers de morts du conflit armé qui a secoué le pays entre 1980 et 2000.

La vallée des fleuves Apurimac, Ene et Mantaro est sous surveillance militaire depuis 2006.

Le gouvernement accuse les combattants d'être des alliés des narcotrafiquants en assurant leur protection pour qu'ils puissent transporter la drogue élaborée à partir de la coca.

Mais dans les villages reculés, les paysans, qui se disent totalement abandonnés par l'Etat, assurent n'avoir pas d'autre choix que de cultiver la coca, seule culture à même de leur assurer un revenu.

"La feuille (de coca) nous fait vivre car elle pousse en peu de temps", explique à l'AFP Roy, 35 ans, un autre fils d'Angelica.

"Il n'y a pas d'autre production pour nous. Parfois nous semons du cacao mais nous ne parvenons pas à le vendre", renchérit Dina Manrique, une villageoise de 45 ans.

Dans la localité, qui n'a ni eau potable, ni assainissement, les habitants se sentent oubliés. "Le gouvernement ne devrait pas nous laisser de côté, il devrait venir voir comment nous vivons", se lamente Dina.

Seule échappatoire pour ces paysans: vendre leur production aux narcotrafiquants dans un pays considéré comme le deuxième producteur de coca au monde après la Colombie, même si la pandémie de coronavirus a fait chuter les prix de vente.

Selon les producteurs, en 2019, l'arrobe (11,5 kilos) de feuilles de coca a atteint 200 sols (60 USD). Elle se négocie désormais avec les organisations criminelles entre 30 et 40 sols (7,5 à 10 USD).

Selon la Commission nationale pour le développement et la vie sans drogue (Devida), 90% des 120.000 tonnes de feuilles de coca cultivées chaque année au Pérou alimentent le trafic de drogue. A peine 12.000 tonnes sont utilisées pour la consommation traditionnelle (mastication comme fortifiant).

Alors que jusque-là le poste de police le plus proche du village était situé à une heure de route, le gouvernement a finalement installé un poste militaire sur les hauteurs du villages, avec l'objectif de prévenir d'autres attaques.

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Le 23 septembre 2021

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