Au Pérou, la précarité durable des déplacés climatiques

(AFP)

Le 27 octobre 2021

"Ici, nous avons dû partir de zéro", sanglote Marilyn Cahuana dans une cabane couverte de paille dans le nord du Pérou. Comme des milliers d'autres déplacés, elle a tout perdu il y a cinq ans à cause d'El Niño, phénomène climatique aggravé par le réchauffement.

Dans le campement précaire, installé le long de la route Panaméricaine, à 980 km au nord de Lima, Marylin, 36 ans, vit avec son mari et ses trois enfants, sans électricité ni eau potable.

Elle se souvient avec nostalgie de sa vie d'avant dans le hameau de Santa Rosa, à une vingtaine de kilomètres de là, sur les rives fertiles de la rivière Piura.

"J'avais toutes mes affaires là-bas, nous vivions paisiblement, mais tout a été emporté" après le débordement de la rivière Piura en 2017, raconte-t-elle à l'AFP.

"Avant, nous avions tous les services de base à proximité, une école, un centre de santé, nous avions nos cultures, tout à portée de main", se souvient son mari, Leopoldo Namuche, 40 ans.

Comme Marylin et Leopoldo, quelque 2.000 familles vivent désormais à "Refugio Santa Rosa", un campement de tentes et d'habitations précaires ouvert en urgence en 2017 par les autorités.

"Nous n'avions jamais pensé vivre comme cela (...) c'est à cause d'El Niño", souligne Leopoldo, qui gagne quelques sous en faisant le moto-taxi dans la zone. Sa femme prépare des biscuits qu'elle vend dans le voisinage.

En 2017, ce phénomène climatique, causé par le réchauffement anormal de la mer qui entraîne une augmentation des précipitations, avait provoqué des pluies torrentielles et des inondations dévastatrices dans le nord du pays, faisant 101 morts, 350 blessés et des disparus.

Au total, 300.000 personnes ont été déplacées dans le pays de 33 millions d'habitants en raison des inondations de 2017, selon l'Organisation internationale des migrations (OIM). Outre les campements, de nombreuses familles s'entassent désormais dans les bidonvilles de Lima.

- Scorpion, serpent -

Le phénomène d'El Niño n'est pas nouveau au Pérou: en 1998, 500 personnes avaient déjà péri de ses conséquences. En 1982-1983, 9.000 personnes avaient trouvé la mort, victimes d'inondations, mais aussi d'épidémies.

Mais, souligne Manuel Pulgar Vidal, ex-ministre péruvien de l'Environnement et membre de l'ONG WWF, "la science a de plus en plus de preuves montrant que ces événements" de variabilité climatique comme El Niño "sont plus fréquents et plus graves en raison du changement climatique".

A cinq kilomètres du campement où vivent Marylin et ses proches, 600 autres familles vivotent à "Refugio San Pablo". Là aussi, l'électricité et l'eau potable font défaut.

Les habitants puisent de l'eau dans des puits pour boire et arroser leurs petits potagers, alors que la température peut atteindre 35 degrés et que les arbres sont rares pour fournir un peu d'ombre.

La nuit, les températures chutent drastiquement, mais il n'y a pas de chauffage. La cuisine se fait au feu de bois.

"Nous sommes quatre personnes à dormir là", explique Carlos Javier Silupu Raimundo, en montrant une cabane de planches dans laquelle un matelas a été posé au sol. "Il faut faire attention, il y a toujours un danger, il peut y avoir un scorpion, un serpent".

Pour se faire soigner, les habitants doivent se rendre à Catacaos, à une demi-heure de route du campement.

Quant à la petite école, montée par les familles, elle est fermée depuis mars 2020 en raison de la pandémie. Et sans électricité, impossible pour les élèves de suivre les cours en ligne proposés par le gouvernement.

De petits panneaux solaires ou des batteries de voiture permettent à quelques habitants d'avoir un peu de lumière le soir. Pour les autres, pas d'autre choix que la bougie.

Il n'y a pas de magasins dans le campement. Les habitants vendent des légumes qu'ils cultivent ou des animaux qu'ils élèvent. Quand une famille tue un cochon, elle avertit la population avec un mégaphone.

Selon l'OIM, cinq ans après les inondations, un quart des personnes hébergées dans les campements n'ont pas pu retourner chez elles, le chômage a grimpé en flèche et la moitié de ces déplacés climatiques présentent des symptômes de stress post-traumatique.

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Le 27 octobre 2021

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