Au dessus des tarentules russes de la Baltique

(AFP)

Le 17 juin 2022

"Ah, encore une tarentule!": Sur les écrans des opérateurs alignés dans la carlingue de l'Atlantique 2 surgit la silhouette de la corvette russe de classe Tarentul, qui navigue de conserve avec ses soeurs parmi de nombreux bâtiments de l'Otan dans la Baltique, sous l'oeil de l'avion de la marine française.

"Ca grouille", poursuit le militaire, alors que le foisonnement des signaux prouve que l'objectif de la mission du patrouilleur maritime, "localiser des navires d'intérêt russe", va être rempli.

L'avion a décollé jeudi au petit matin de la base aéronavale de Lann-Bihoué en Bretagne, et après une escale en Allemagne à Nordholz, s'est lancé cap au Nord pour quadriller une bonne part de cette mer stratégique pour Russes et Occidentaux et où les équilibres viennent d'être bouleversés par les conséquences de la guerre en Ukraine.

A peine dépassée la ville de Sassnitz, sur l'île de Rugen, chantier du fameux gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne désormais gelé, la concentration s'empare des visages des 14 militaires, 12 hommes et deux femmes, qui forment l'équipage de l'avion de la flottille 21F.

Sur un ordre du chef de bord, le capitaine de corvette Guillaume, le radôme qui abrite le radar sort des entrailles du bimoteur à hélice à la silhouette rétro mais bourré de matériel dernier cri.

Même si la mer est calme et le temps clément, c'est l’effervescence dans une petite zone d'une trentaine de milles nautiques de rayon (un peu plus de 50 kilomètres) entre Suède et Pologne.

Il faut "classer rapidement les bâtiments amis/neutres/suspects afin de pouvoir se frayer un chemin", explique le chef de bord. En effet, les consignes proscrivent à la fois d'entrer dans certaines eaux territoriales, de voler trop près des bâtiments russes pour éviter une escalade, et de pénétrer dans certaines zones potentiellement dangereuses où se déroulent des activités militaires spécifiques annoncées en amont par les pays riverains.

Cette agitation coïncide avec la fin vendredi de l'exercice Otan Baltops, et celui que les Russes ont lancé pour leur rendre la monnaie de leur pièce. C'est l'illustration des enjeux de cette mer: ne pas céder le terrain et faire naviguer beaucoup de bâtiments de guerre qui se jaugent au milieu des très nombreux bateaux marchands et voiliers de plaisance.

- Mécanique bien huilée -

Une mécanique bien huilée se met en branle dans l'avion. L'opérateur radar, le premier maître Maxime, relève les signaux, les "pistes".

Assis juste à côté, le coordinateur tactique, le Tacco, le lieutenant de vaisseau Alain, véritable chef de cet orchestre en combinaisons de vol couleur sable, sélectionne celles qui l'intéresse. Il cible par exemple les pistes de navires n'ayant pas activé leur système automatique d'identification (AIS, obligatoire pour les civils) et les désigne à l'opérateur de la caméra à sa droite, le Premier maître Christopher.

Lui dirige la Wescam, autre protubérance sous l'appareil. Elle permet de voir nettement à des dizaines de kilomètres. Puis, avec ses deux collègues chargés de la détection, les maitres Roxane et Nicolas, ils consultent frénétiquement leurs diverses bases de données pour identifier formellement le bâtiment.

"Il y a une grue bizarre à l'avant", relève le Premier maître Christopher en zoomant sur un bâtiment d'aspect civil qui les intrigue depuis plusieurs minutes. "Si, si, c'est bien le classe Moma !", répond la maître Roxane, qui valide l'identification du bateau hydrographique russe (suspecté de servir à la collecte de renseignement). Puis le Tacco étiquette la piste sur son écran de situation tactique "AXRU", pour bâtiment auxiliaire russe.

DDG UK, PBF LT, MLE FI, FFL SE, autant d'acronymes bleus sur l'écran pour désigner les bâtiments occidentaux: britannique, lituanien, finlandais et suédois. Et les russes sont en rouges, comme les multiples corvettes de classe Tarentul ou Parchim vues ce jour.

- Kaliningrad -

Arrivé dans une zone un peu plus tranquille, le Tacco donne une feuille au Premier maître Romain, responsable de la guerre électronique et la radio. Il va s'installer à l'arrière de l'appareil devant une autre console et transmet par un système de chat les principales informations aux armées françaises et de l'Otan. Une synthèse complète sera faite au retour de la mission.

"Il y a pas mal de monde en peu d'espace, cela montre bien l'intérêt que se portent les uns les autres", explique le Lieutenant de vaisseau Henri dans le vacarme de l'avion. Car l'attaque russe contre l'Ukraine le 24 février a précipité les choses ici. La Suède et la Finlande ont demandé à rejoindre l'Alliance, ce qui isolera encore plus la Russie pour qui la Baltique est d'importance stratégique pour ses accès aux eaux océaniques.

L'avion manœuvre, vire de bord, frôle la zone proscrite de Kaliningrad pour essayer de glaner des informations sur ce qui se trouve dans le port de cette enclave très militarisée, puis repart vers le Nord, où les choses sont plus calmes.

Arrivé à peu près à la latitude de Riga, l'avion fait demi tour, refait le point sur les navires russes dans la zone sud, puis rentre au bercail dans la soirée après avoir parcouru près de 7.000 kilomètres et identifié une dizaine de bateaux russes, dont le Sedov, le magnifique voilier école de la marine.

fz/cf/mr

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Le 17 juin 2022

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