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Conflit Pakistan-Inde : des enseignements stratégiques pour le Maroc et l’Afrique du Nord

La récente confrontation aérienne massive entre l’Inde et le Pakistan jette une lumière crue sur les nouvelles réalités militaires en Asie du Sud. Pour le Maroc, ces événements renforcent l’urgence d’un saut capacitaire dans le renseignement aérien, la guerre électronique et la dissuasion. Une analyse comparative de plus en plus pertinente à l’échelle maghrébine.

Conflit Pakistan-Inde : des enseignements stratégiques pour le Maroc et l’Afrique du Nord

Le 9 mai 2025 à 10h07

Modifié 12 mai 2025 à 13h23

La récente confrontation aérienne massive entre l’Inde et le Pakistan jette une lumière crue sur les nouvelles réalités militaires en Asie du Sud. Pour le Maroc, ces événements renforcent l’urgence d’un saut capacitaire dans le renseignement aérien, la guerre électronique et la dissuasion. Une analyse comparative de plus en plus pertinente à l’échelle maghrébine.

Un affrontement aérien d'une intensité inédite a eu lieu la nuit du 6 au 7 mai entre l’Inde et le Pakistan, dans ce qui est désormais décrit comme la confrontation militaire la plus vaste de l’histoire récente de l’aviation. Selon des responsables de la sécurité pakistanais cités par CNN, l’accrochage a impliqué 125 avions de chasse, dans une bataille de plus d’une heure au-dessus des zones frontalières.

Les autorités pakistanaises affirment que l'opération s’est soldée par la destruction d’au moins cinq appareils indiens, dont trois Rafale, un MiG-29 et un Su-30MKI. Fait notable, aucun avion n’a selon ces sources,  franchi l’espace aérien de l’autre pays, les échanges de missiles air-air ayant eu lieu à une distance parfois supérieure à 160 kilomètres, ce qui témoigne de l’évolution technologique des armements utilisés.

Ce spectaculaire combat trouve son origine dans les tensions ravivées par l’attentat du 22 avril à Pahalgam, dans la région du Cachemire indien, qui a fait 25 victimes indiennes et un ressortissant népalais. En réponse, l’Inde a mené mardi 6 mai des frappes ciblées sur le territoire pakistanais, une opération qui a immédiatement déclenché cette riposte aérienne de grande ampleur.

Cet épisode vient rallumer les inquiétudes régionales et internationales concernant le risque d’escalade militaire entre les deux puissances nucléaires d’Asie du Sud, régulièrement confrontées à des tensions autour du Cachemire.

Alors que les détails précis sur l'affrontement aérien entre l’Inde et le Pakistan continuent d’émerger, notre consultant militaire Abdelhamid Harifi considère qu'"il faudra attendre un certain temps pour disposer des analyses post-conflit, émanant notamment de sources neutres  vietnamiennes, australiennes, etc.— afin d’obtenir des détails précis et de pouvoir formuler des analyses définitives sur ces événements".

Cependant, les premières indications laissent entrevoir un avantage marqué du côté pakistanais. "Il semble qu’outre les attaques par missile, l’aviation pakistanaise n’ait subi aucune perte, ce qui lui conférerait un ascendant psychologique", souligne l’expert. Un facteur loin d’être anodin dans un contexte de rivalité persistante entre les deux puissances nucléaires d’Asie du Sud.

Selon les premières données relayées par des sources proches de l’armée pakistanaise, les combats ont connu un usage massif d’équipements chinois. "On rapporte l’utilisation massive d’armements chinois, notamment des batteries antiaériennes HQ-9 ainsi que l’engagement, pour la première fois, du missile air-air chinois PL-15", affirme Abdelhamid Harifi.

Selon lui, la supériorité pakistanaise s’inscrit dans une continuité stratégique. "Cette supériorité se confirme, car il y a quelques années, en 2019, des accrochages aériens avaient déjà eu lieu entre les deux pays, suite à la violation de l’espace aérien pakistanais par des Su-30 indiens. À l’époque, des F-16 pakistanais étaient intervenus et avaient infligé une humiliation aux forces indiennes grâce au duo F-16 Block 52 et missiles AIM-120C7 AMRAAM".

Un parallèle que notre consultant militaire n’hésite pas à faire avec l’évolution des capacités marocaines : "Aujourd’hui, au Maroc, nous disposons de versions plus évoluées : nous passons du Block 52 au Block 70/72, et nos Block 52 seront modernisés vers la version Viper, similaire au Block 72.  Nous recevrons bientôt également la version la plus développée de l’AMRAAM qui est le C8, en remplacement du C7, afin de confirmer notre supériorité technologique dans notre voisinage".

L’effet décisif des multiplicateurs de force

Pour Abdelhamid Harifi, l’efficacité démontrée par l’aviation pakistanaise dans cet affrontement ne s’explique pas uniquement par la qualité des missiles. Malgré une supériorité numérique évidente du côté indien, le Pakistan a su tirer parti d’un facteur souvent sous-estimé mais déterminant : les multiplicateurs de force.

Ces moyens, importés notamment de Chine et de Turquie, incluent des capacités avancées de guerre électronique, mais surtout des avions de guet aérien, communément appelés AWACS. Grâce à ces équipements, l’aviation pakistanaise a pu optimiser l’utilisation de ses missiles, notamment les PL-15 chinois, et opérer avec une précision et une coordination renforcées.

Ce retour d’expérience soulève une question stratégique essentielle pour d’autres forces aériennes, notamment celles du Maroc. "Au Maroc, nous n’avons pas encore pu enrichir notre doctrine militaire, purement défensive, par l’intégration de ce type d’équipement", reconnaît M. Harifi. "Le Royaume a certes négocié et acquis des systèmes de guerre électronique auprès d’Israël, de la Turquie ou d’autres partenaires, mais cela reste insuffisant pour créer un effet de levier opérationnel équivalent".

Face à un voisin disposant d’une large supériorité numérique, notre consultant militaire estime que le Maroc ne peut se reposer uniquement sur sa supériorité technologique : "Le seul moyen de multiplier notre force est de posséder, au minimum, un appareil qui combine les fonctions d’AWACS et d’ELINT/SIGINT — c’est-à-dire des capacités de collecte d’informations, de renseignement électronique et d’identification des systèmes radars et de défense aérienne ennemis". Il s’agit là d’un "impératif stratégique" dans l’environnement géopolitique régional actuel.

Si les drones offrent des avantages en matière de surveillance, de coût et de mobilité, leur vulnérabilité opérationnelle demeure un frein à leur emploi comme solution stratégique unique. "Les drones ne volent pas à des altitudes garantissant leur indétectabilité et la sécurité de l’information", précise notre interlocuteur.

Discipline, cohésion et doctrine : les clés d’une supériorité structurelle

Au-delà de la technologie et des moyens de guerre électronique, Abdelhamid Harifi souligne un autre facteur fondamental ayant contribué, selon lui, à l’efficacité de l’action pakistanaise : la discipline militaire et l’unité doctrinale. "Nous observons ici deux modèles d’armée. D’un côté, une armée disciplinée, unie autour d’une nation, d’un idéal national et d’une doctrine purement défensive – car le Pakistan n’a pas harcelé le territoire indien ni agressé l’Inde, il n’a fait que riposter à une agression", analyse-t-il.

À l’opposé, l’expert évoque une armée indienne qui, selon lui, montre des signes visibles de désorganisation interne. "De l’autre côté, nous avons une armée moins disciplinée, une armée ‘déchirée’ par les frictions sociales".

Faisant un parallèle avec la situation dans notre région, M. Harifi met en avant l’engagement des Forces Armées Royales (FAR) autour des valeurs fondamentales du pays. "Nos FAR portent les idéaux et les valeurs sacrées de la nation", affirme-t-il, estimant que cette cohésion constitue un avantage moral et stratégique face à un adversaire potentiellement désorganisé.

"Chez notre voisin de l'est, des dysfonctionnements ont été observés lors d’exercices récents : matériel mal entretenu, coordination défaillante sur le terrain, ou encore prestations jugées "embarrassantes" lors de défilés militaires. "Le commandement adverse semble ne rechercher que des intérêts personnels", ajoute-t-il.

"Il est donc certain qu’en cas de conflit, nous assisterions à des scènes peu honorables pour la partie adverse".

Pakistan et Inde : deux partenaires stratégiques aux trajectoires contrastées

Au-delà des considérations strictement militaires, Abdelhamid Harifi rappelle que le Pakistan reste un partenaire historique du Maroc, avec lequel les relations de coopération sont anciennes et stratégiques. "En 1953, Ahmed Balafrej s’était rendu aux États-Unis pour défendre la cause nationale aux Nations Unies grâce à un passeport pakistanais", rappelle-t-il.

Ce soutien n’a cessé de se manifester au fil des décennies. Pendant la guerre du Sahara, le Pakistan s’est illustré comme l’un des rares pays à fournir à l’armée marocaine des munitions, des armes, des pièces de rechange, mais aussi du renseignement et des formations spécialisées. Une coopération qui a posé les bases d’un partenariat militaire durable, malgré l’éloignement géographique. "Grâce à cela, nous maintenons jusqu’à aujourd’hui un niveau de coopération très élevé", indique M. Harifi.

"Des discussions ont eu lieu concernant l’achat de chasseurs JF-17 avec possibilité de transfert de technologie pour une production locale, mais cela n’a pas abouti pour des raisons techniques et logistiques, bien que le Maroc ait été intéressé", explique-t-il. Les récents affrontements aériens, qui ont mis en lumière l’efficacité de cet appareil face à des chasseurs technologiquement avancés comme le Rafale ou le Su-30, pourraient selon lui relancer la réflexion marocaine sur ce dossier.

En parallèle, les relations maroco-indiennes ont connu une transformation profonde, passant d’une hostilité politique avec à une certaine époque, une reconnaissance du polisario, vers un partenariat stratégique. Ce basculement est intervenu après l’accession au trône du Roi Mohammed VI, avec comme point d’inflexion le retrait officiel de la reconnaissance du Polisario par l’Inde en 2002, et un soutien progressif à la proposition marocaine d’autonomie.

La relation s’est par la suite élargie au champ économique et industriel. "Nous avons même des investissements indiens à Jorf Lasfar pour la production d’engrais", rappelle M. Harifi. Une interdépendance stratégique s’est développée dans ce domaine, au point de peser sur les choix de politique commerciale de New Delhi. "Lors de la crise du Covid, l’Inde a décidé de maintenir ses exportations de blé vers le Maroc, alors qu’elle les avait suspendues pour la quasi-totalité de ses partenaires". Un renforcement de la coopération militaire est en cours , avec des investissements notables, comme celui de Tata pour l’implantation d’une usine de fabrication de blindés.

Face à une montée des tensions entre New Delhi et Islamabad, Rabat doit donc manœuvrer avec prudence. "Le Maroc se trouve face à un dilemme : il ne peut pas prendre parti", estime M. Harifi. Mais au lieu de se retrouver prisonnier d’un choix géopolitique, le Royaume pourrait, selon lui, jouer un rôle de médiateur discret, en s’appuyant sur la confiance mutuelle qu’il entretient avec les deux pays.

Communication et dissuasion : le levier qui manque à la stabilité en Afrique du Nord

Une autre leçon essentielle du face-à-face indo-pakistanais réside dans la capacité des deux puissances à maintenir un canal de communication ouvert, même au plus fort de la tension militaire. "Les équipes de sécurité nationale des deux pays se rencontrent et communiquent pour trouver un arrangement", souligne-t-il. Ce dialogue permanent s’inscrit selon lui dans une conscience partagée du risque d’escalade incontrôlable.

À l’inverse, notre consultant déplore l’absence totale de dialogue entre le Maroc et l’Algérie. Il dresse un parallèle qu’il qualifie d’édifiant : "Ce n’est pas comme ces deux entités, l’une, une nation millénaire, l’autre, une construction plus récente, qui, au moindre différend, rompt le dialogue, ferme les frontières et s’enferme dans une position figée, jusqu’à ce que la situation s’enlise inutilement".

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