Comment le Maroc renforce son intégration industrielle de la mine aux batteries
Avec la première gigafactory d’Afrique qui prend forme, l’approvisionnement en matières premières sera déterminant pour la compétitivité de cette nouvelle filière. Disposer de ressources minières est essentiel, mais il faut aussi développer une industrie capable de transformer les métaux bruts en produits finis aux teneurs industrielles requises. Plusieurs projets seront opérationnels prochainement, tandis que d’autres sont en cours d’élaboration. D’ici 2030, le Maroc disposera d’une industrie en aval des mines, renforçant notamment l’intégration locale de l’industrie des batteries.

Comment le Maroc renforce son intégration industrielle de la mine aux batteries
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Amine Bouwafoud
Le 8 mai 2025 à 11h02
Modifié 12 mai 2025 à 16h07Avec la première gigafactory d’Afrique qui prend forme, l’approvisionnement en matières premières sera déterminant pour la compétitivité de cette nouvelle filière. Disposer de ressources minières est essentiel, mais il faut aussi développer une industrie capable de transformer les métaux bruts en produits finis aux teneurs industrielles requises. Plusieurs projets seront opérationnels prochainement, tandis que d’autres sont en cours d’élaboration. D’ici 2030, le Maroc disposera d’une industrie en aval des mines, renforçant notamment l’intégration locale de l’industrie des batteries.
D’ici 2030, le Maroc disposera d’une industrie de transformation à proximité des mines, en amont de la chaîne d’approvisionnement des batteries, renforçant ainsi l’intégration locale de cette filière. L’industrie des batteries connaîtra un essor majeur avec la mise en service prochaine, au Maroc, de la première gigafactory d’Afrique.
Une R&D active, le succès de l'industrie automobile, la position stratégique du royaume et un engagement politique fort sont autant d'éléments qui pourraient faire du pays un hub régional majeur dans les années à venir.
À cela s’ajoutent les risques liés aux métaux stratégiques, dont les prix pourraient augmenter ou dont l’approvisionnement pourrait être perturbé en raison de la concentration géographique des pays producteurs. En l'absence d'une chaîne d'approvisionnement locale et efficiente, une telle pénurie affecterait directement le développement de cette industrie, laquelle dépend non seulement de matières premières, mais également de matières premières de haute qualité pour garantir des produits performants.
Aujourd’hui, le Maroc dispose de plusieurs ressources minières, notamment des phosphates, du cobalt et du cuivre, ainsi que d’une production modeste avec des potentialités en cours de développement en nickel et manganèse. Citons également des projets de développement avancé des ressources de lithium et de graphite. À terme, le Maroc disposera localement de toutes les ressources nécessaires pour l’industrie des batteries.
Cependant, la seule présence de matières brutes n’est pas suffisante, car plusieurs métaux nécessitent un traitement industriel pour la fabrication des produits finis à des teneurs industrielles précises.
Par exemple, le Maroc, qui produit annuellement des quantités importantes de cuivre (environ 100.000 tonnes de concentré), ne peut pas faire profiter directement ses industriels de ses ressources, puisque la production des mines sous forme de concentré est inutilisable par les industriels et nécessite un raffinage à l’étranger. Ce dernier est également un élément décisif, puisqu’en 2024, la décision des fonderies chinoises de réduire leurs productions a amené les prix de cuivre au-dessus de 10.000 dollars/tonne.
Afin de rattraper ce retard, plusieurs projets d’unités industrielles sont en cours de développement, avec des projets qui seront opérationnels prochainement, portés principalement par les grands groupes miniers.
Le projet de loi 72.24 modifiant la loi 33.13 relative aux mines prévoit d’introduire une nouvelle autorisation de valorisation minière qui exempte d’avoir une licence minière pour être autorisé à construire de telles unités industrielles.
Projet d’une usine de fabrication de cathodes de cobalt (Managem)
Située dans le site industriel de Guemassa, une nouvelle usine de fabrication de cathodes de cobalt à destination des producteurs de voitures électriques est prévue pour entrer en production durant le troisième trimestre de 2025 et pour une homologation avant la fin de l’année en cours.
En partenariat avec Renault comme principal offtaker, cette usine s'approvisionnera à la mine de Bou Azzer pour une production annuelle de 3.500 tonnes de sulfate de cobalt de qualité batterie. L’homologation est la phase la plus décisive pour ce projet, car le sulfate de cobalt produit devra être extrêmement pur, une condition exigée par les fabricants de batteries et en particulier les fabricants de précurseurs, les matériaux intermédiaires de base utilisés pour fabriquer les composants actifs des batteries.
La production de la mine de Bou Azzer a chuté de 15 % en 2024, atteignant seulement 1.287 tonnes de cobalt, une conséquence directe de la forte dépréciation de ce métal sur les marchés mondiaux. Dans ce contexte, les projets de valorisation locale apparaissent comme une stratégie clé pour générer de la valeur indépendamment des fluctuations internationales.
Projet d’une première fonderie de cuivre en Afrique du Nord (Managem)
Avec la mine de Tizert qui devrait entrer en production cette année, l’ambition de Managem n’est pas seulement de doubler la production du cuivre au Maroc, mais également de traiter pour la première fois le concentré de cuivre pour produire de la cathode de cuivre et des fils de cuivre pour l’industrie électrique.
Avec un investissement compris entre 10 et 15 milliards de dirhams, une première fonderie sera construite par Managem pour augmenter la valeur ajoutée du cuivre produit par le groupe, notamment celui de Tizert. En plus de la cathode de cuivre, d’autres sous-produits sont également envisagés, notamment l'oxyde de fer destiné aux industries de la sidérurgie (teneur en fer > 60 %).
Les projets de Managem ne se limiteront pas au cuivre et au cobalt, puisque ce groupe minier compte également investir dans une usine de traitement de manganèse pour la production de sulfate de manganèse de qualité batterie. Le sulfate de manganèse de qualité batterie, à 32,21 % de Mn, est destiné au matériau actif de cathode précurseur (PCAM) de type NMC et aux carbonates et tétraoxydes pour les batteries LMFP. La construction de cette usine devrait débuter prévisionnellement durant le deuxième semestre de l’année en cours.
Projet d’une usine pour la fabrication du graphite sphérique purifié et enrobé à Tanger (Falcon Energy Materials)
La société Falcon Energy Materials est portée par la société canadienne SRG Mining et un investissement important de La Mancha Resources, présidée par Naguib Sawiris qui détient 19,9 % des parts.
Le projet de l’entreprise vise la construction d’une usine d’anodes à Tanger pour la fabrication de graphite purifié sphérique enrobé. Une usine pilote, opérationnelle dès le deuxième semestre, aura une capacité de production quotidienne d'environ 100 kilogrammes de graphite purifié sphérique enrobé.
L’usine principale devrait être opérationnelle à partir du premier trimestre de l’année 2027, avec une production commercialisable moyenne de 26.000 tonnes par an de graphite sphérique purifié et enrobé, et 18.000 tonnes par an de particules fines provenant de l’usine d’anodes (pour recyclage). Ce projet prévoit des revenus de 1,14 milliard de dollars, avec un retour sur investissement attendu après une seule année. Le graphite naturel sera approvisionné à partir d’une mine en Guinée détenue par Falcon et qui est en cours de construction, avec des ressources estimées d’environ 50 millions de tonnes de graphites à une teneur de 3.98%.
Au Maroc, le groupe Managem est en train de certifier les ressources de deux gisements potentiels de graphite. Les estimations situent ces ressources entre 30 et 50 millions de tonnes de graphite avec une teneur supérieure à 12 %. Cette certification précède une décision d’investissement dans une mine dont les produits seront également valorisés, dans le cadre d’un nouveau projet, pour produire du graphite concentré à 97 % et du graphite sphérique purifié non revêtu.
Projet OCP pour l’intégration de l’industrie de la batterie
De son côté, le groupe OCP ne devrait pas rester à l’écart de l’écosystème industriel des batteries. En premier, le projet Mera Batteries, porté par InnovX, ambitionne de contribuer à la production d’1 GWh de batteries LFP.
Composant clé des batteries lithium fer phosphate (LFP), il est logique que le Maroc valorise la disponibilité du phosphate de son sous-sol. La fabrication du matériau cathodique FePO₄ repose sur un procédé relativement simple : le mélange d'un sel de fer (comme le sulfate ferreux FeSO₄) avec une source de phosphate (tel que l'acide phosphorique H₃PO₄) en solution aqueuse.
En marge du développement du programme stratégique Mzinda Meskala, le groupe OCP projette la construction d’un complexe industriel Mzinda. Ce complexe sera intégré au Phosphate Hub Mzinda par des activités de valorisation en aval (downstream), permettant d'ajouter de la valeur aux dérivés de phosphate à mesure qu'ils progressent dans la chaîne d'approvisionnement, en se rapprochant davantage des clients finaux, les précurseurs.
À court terme, la disponibilité du lithium ne pose aucun problème majeur, malgré la récente volatilité des prix observée sur les marchés internationaux. Les réserves actuelles et les capacités de production permettent de répondre à la demande immédiate, bien que des tensions puissent survenir localement en fonction des dynamiques géopolitiques et des contraintes logistiques.
Cependant, à moyen et long termes, les projections sont beaucoup plus préoccupantes. Selon les estimations de l'Agence internationale de l'Énergie (AIE), la demande mondiale devrait être multipliée par six d’ici 2030, voire par quarante d’ici 2040, en raison de l’essor de l’industrie des véhicules électriques.
Dans ce contexte, le Maroc a une opportunité stratégique à saisir. Plusieurs gisements et indices de lithium ont déjà été identifiés sur son territoire, notamment dans l’Anti-Atlas et à Bir El Mami. En exploitant ces potentialités, le Royaume pourrait bien positionner son industrie dans la production de batteries LFP, à court et à long termes.
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Le 8 mai 2025 à 11h02
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