ANALYSE. Évolution contrastée des indicateurs du chômage et de l'emploi en 2024
L’année 2024 a été marquée par une évolution contrastée du marché du travail marocain. Pour la première fois en trois ans, la création nette d’emplois affiche un solde positif, contrastant avec les pertes successives enregistrées en 2022 et 2023. Toutefois, cette reprise reste inégale et porteuse de déséquilibres persistants. Si l’emploi rémunéré progresse, notamment en milieu urbain, l’emploi non rémunéré continue de reculer, témoignant des difficultés du monde rural. Parallèlement, le chômage des jeunes continue d’atteindre des niveaux alarmants, tandis que les disparités de genre persistent.

ANALYSE. Évolution contrastée des indicateurs du chômage et de l'emploi en 2024
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Badr Elhamzaoui
Le 4 février 2025 à 18h47
Modifié 4 février 2025 à 19h13L’année 2024 a été marquée par une évolution contrastée du marché du travail marocain. Pour la première fois en trois ans, la création nette d’emplois affiche un solde positif, contrastant avec les pertes successives enregistrées en 2022 et 2023. Toutefois, cette reprise reste inégale et porteuse de déséquilibres persistants. Si l’emploi rémunéré progresse, notamment en milieu urbain, l’emploi non rémunéré continue de reculer, témoignant des difficultés du monde rural. Parallèlement, le chômage des jeunes continue d’atteindre des niveaux alarmants, tandis que les disparités de genre persistent.
L'analyse des indicateurs annuels d’emploi et de chômage au titre de l'année 2024 révèle une inflexion notable en matière de création d'emplois : pour la première fois depuis trois ans, la balance de l'emploi affiche un solde positif en 2024.
Sur l’ensemble de l’année 2024, l’économie nationale a enregistré une création nette de 82.000 emplois en glissement annuel, marquant une rupture avec les tendances négatives des années précédentes. À titre de comparaison, 2023 s’était soldée par une perte de 158.000 emplois, tandis qu’en 2022, le solde net était négatif de 23.000 postes. Ainsi, 2024 apparaît comme la première année en trois ans à clôturer sur un bilan positif en termes d’emploi, traduisant une certaine reprise du marché du travail.
Cette performance repose essentiellement sur une croissance nette de 162.000 emplois en milieu urbain, laquelle a toutefois été en partie neutralisée par une destruction de 80.000 emplois en milieu rural. Ce contraste territorial illustre une dynamique différenciée entre les zones urbaines, qui continuent d’attirer l’essentiel des opportunités économiques, et les zones rurales, toujours confrontées à une contraction de l’emploi.
En comparaison, l’année 2023 avait connu une destruction nette de 158.000 emplois, due à une création modeste de 41.000 postes en milieu urbain, largement insuffisante pour compenser la perte massive de 199.000 emplois en milieu rural. De même, en 2022, le marché du travail était resté en terrain négatif avec 23.000 emplois détruits, malgré une croissance de 151.000 emplois urbains, contrebalancée par une hémorragie de 174.000 emplois ruraux.
Une progression de l’emploi rémunéré face à une hémorragie persistante de l’emploi non rémunéré
Si la création d’emplois est bien présente, elle demeure exclusivement concentrée en milieu urbain, tandis que les pertes sont essentiellement rurales, ce qui reflète la forte vulnérabilité du marché du travail rural aux chocs climatiques et aux sécheresses récurrentes.
Ainsi, étant donné que la majorité écrasante des emplois ruraux sont des emplois agricoles, dont une grande partie est non rémunérée, il était attendu que la perte soit plus marquée dans ce segment. En revanche, l’emploi rémunéré devrait ressortir gagnant cette année.
Pour la première fois en trois ans, l'emploi rémunéré en milieu rural enregistre une création nette positiveSur l’année 2024, la création nette de l’emploi rémunéré s’élève à 179.710 postes, résultat d’une croissance de 158.463 emplois en milieu urbain et de 17.200 emplois en milieu rural. Ce dernier chiffre marque la première création nette positive de l’emploi rémunéré en milieu rural depuis trois ans, après avoir accusé deux pertes successives en 2022(-25.000 emplois) et 2023 (-9.000 emplois).
À l’inverse, la dynamique en milieu urbain semble reprendre, avec la création de 158.436 emplois rémunérés, après une période de ralentissement en 2023, où seulement 59.000 emplois avaient été créés, contre 161.000 en 2022.
Par contre, l’emploi non rémunéré continue de subir une hémorragie. La création nette est, bien évidemment, négative, comme au cours des deux dernières années, avec une perte de 97.710 emplois, contre 209.000 en 2023 et 160.000 en 2022.
D'après l'analyse sectorielle, l'agriculture reste en déficit
Par ailleurs, l’analyse sectorielle montre que les services ont largement porté la création d’emplois rémunérés, avec 159.000 postes supplémentaires, contre 46.000 pour l’industrie et 14.000 pour le BTP. À l’inverse, le secteur de l’agriculture a enregistré une perte nette de 94.000 emplois non rémunérés et 43.000 emplois rémunérés, accentuant son recul structurel.
Si cette dynamique suggère une formalisation progressive du marché du travail, elle pose également la question de l’avenir des travailleurs non rémunérés, souvent en milieu rural et dans des formes d’emploi familial ou saisonnier. La nécessité d’une transition accompagnée, incluant formation et reconversion, devient ainsi essentielle pour éviter l’exclusion économique de ces travailleurs.
Un chômage des jeunes en hausse : une insertion toujours difficile
Le chômage des jeunes demeure l’un des défis majeurs du marché du travail marocain. En 2024, le taux de chômage des 15-24 ans a atteint 36,7%, contre 35,8% en 2023, soit une hausse de 0,9 point. Cette aggravation est particulièrement marquée en milieu urbain, où le taux de chômage des jeunes atteint 48,4%, contre 21,3% en milieu rural.
Les jeunes âgés de 25 à 34 ans ne sont pas épargnés, avec un taux de chômage qui est passé de 20,6% à 21%. Cette tranche d’âge, souvent en quête de stabilité professionnelle après des études ou une première expérience, peine à trouver des opportunités d’emploi pérennes.
L’aggravation du chômage des jeunes met en lumière plusieurs problématiques structurelles. Tout d’abord, l’inadéquation entre les qualifications acquises et les exigences du marché du travail reste un frein majeur. Les diplômés, notamment ceux issus de formations à faible valeur ajoutée économique, rencontrent d’importantes difficultés d’insertion. Cette tendance est confirmée par la hausse du chômage parmi les titulaires de diplômes de qualification professionnelle (+1,5 point, atteignant 23,9%) et ceux de l’enseignement secondaire qualifiant (+1,3 point, atteignant 24,6%).
Ensuite, l’accès à une première expérience professionnelle reste un défi. En 2024, 30% des chômeurs ont perdu leur emploi à la suite d’un licenciement ou d’un arrêt d’activité de leur entreprise, tandis que 25,6% sont au chômage après avoir achevé leurs études. Le manque d’initiatives favorisant l’intégration des jeunes dans le marché du travail, notamment via des stages ou des contrats d’apprentissage, accentue cette difficulté.
Enfin, l’entrepreneuriat, bien que souvent mis en avant comme une solution, reste peu développé parmi les jeunes. L’auto-emploi concerne 33,4% des actifs occupés, mais il est souvent synonyme de précarité et d’absence de protection sociale.
Des inégalités de genre persistantes : un accès à l’emploi encore limité pour les femmes
L’année 2024 a vu une aggravation du chômage féminin, avec un taux passant de 18,3% en 2023 à 19,4% en 2024, tandis que le chômage masculin n’a progressé que de 0,1 point, atteignant 11,6%. Cet écart de 7,8 points illustre la difficulté persistante des femmes à accéder à des opportunités d’emploi stables et bien rémunérées.
Le taux d’activité des femmes reste extrêmement faible, bien qu’en légère progression. Il s'est établit à 19,1% en 2024, contre 68,6% pour les hommes.
Les femmes rurales sont particulièrement affectées, avec un taux d’activité de 18,8%, alors que celui des femmes urbaines a légèrement progressé à 19,2%. De plus, 66,6% des femmes rurales occupent un emploi non rémunéré, principalement sous forme d’aide familiale dans l’agriculture, ce qui témoigne d’une dépendance économique accrue et d’un manque de perspectives professionnelles formelles.
En milieu urbain, les femmes salariées sont surreprésentées par rapport aux hommes (84,8% contre 66,8%), ce qui reflète leur concentration dans les secteurs administratifs et les services sociaux. Toutefois, seulement 46,7% des salariées bénéficient d’une couverture médicale assurée par l’employeur. Ce chiffre, bien que supérieur à celui des hommes (42,4%), reste insuffisant.
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