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Sport et arbitrage : les praticiens débattent des spécificités d’un domaine fermé

Lors des “Casablanca Arbitration Days 2024”, les experts ont débattu de la pertinence des listes fermées d’arbitres, des critères d’impartialité et des spécificités liées à la nationalité et à la langue. Ces discussions reflètent les tensions entre liberté de choix des parties et spécialisation nécessaire dans ce domaine.

Sport et arbitrage : les praticiens débattent des spécificités d’un domaine fermé

Le 13 décembre 2024 à 16h15

Modifié 13 décembre 2024 à 17h45

Lors des “Casablanca Arbitration Days 2024”, les experts ont débattu de la pertinence des listes fermées d’arbitres, des critères d’impartialité et des spécificités liées à la nationalité et à la langue. Ces discussions reflètent les tensions entre liberté de choix des parties et spécialisation nécessaire dans ce domaine.

“Arbitre”, un terme appartenant aussi bien au lexique sportif que juridique et qui désigne le rôle joué par une personne neutre et indépendante pour trancher une situation donnée. Ces deux métiers, bien que différents à plusieurs niveaux, se rejoignent lorsque l’arbitre (sur le plan juridique) vient trancher un conflit sportif, ce qui nécessite une expertise particulière, surtout lorsque ce conflit s’étend à l’international.

Ce souci de garantir l’expertise de l’arbitre (entre autres critères cruciaux), expliquerait la mise en place de listes fermées d’arbitres par certains centres d’arbitrage. C'est le cas du Tribunal arbitral du sport (TAS).

Un choix que certains praticiens critiquent et déplorent. C’est le cas de l’avocat Thibaud Dales, partner chez Clifford Chance, qui intervient à l’occasion de la 8ème édition des “Casablanca Arbitration Days 2024” (les 13 et 14 décembre), un événement co-organisé par Casa Finance City (CFC) et le Casablanca International Mediation and Arbitration Centre (CIMAC).

Les discussions, dans le cadre de ce même panel, ont également fait réagir les intervenants au sujet d’autres volets importants de l’arbitrage dans le sport, dont les particularités sont nombreuses, notamment en matière d’évaluation de l’impartialité, ou encore du choix de la nationalité de l’arbitre.

“Par définition, l’arbitre est neutre et impartial”

Selon Me Thibaud Dales, il existe trois centres d’arbitrage dans le monde qui pratiquent “les listes fermées”. Ce qui n’offre, selon lui, aucun intérêt en matière de garanties de la neutralité de l’arbitre puisque “par définition, l’arbitre est neutre et impartial”.

“En revanche, ce que génère la liste fermée pour le TAS, c’est la perception du manque d’indépendance de la part des utilisateurs, voire des clients, puisque certains considèrent même qu’il y a une relation commerciale entre le centre et les parties. Le problème de la liste fermée, c’est qu’elle va au rebours d’un principe fondamental du droit de l’arbitrage qui est celui de la liberté”, explique-t-il.

“Si l’on se dirige vers l’arbitrage plutôt que les juridictions étatiques, c’est parce qu’il y a un consentement à l’arbitrage. C’est-à-dire, la possibilité de choisir son propre arbitre et de considérer, pour une partie, qu’un arbitre est le mieux à même d’entendre les arguments car, par exemple, il connaît le sujet, a un recul, une expérience, ou encore une certaine sagesse”.

Me Thibaud Dales souligne que “la méthode de conception de la liste des arbitres du TAS met en lumière une forte implication d’un certain nombre d'institutions qui, dans un deuxième temps, pourront se retrouver impliquées dans l’arbitrage en question. Donc on se retrouve avec des institutions qui ont fabriqué la liste d’arbitres et qui vont, ensuite, se retrouver dans des dossiers à devoir désigner ces mêmes arbitres. Cela pose un problème de perception d’un risque d’atteinte à la neutralité”.

Par ailleurs, il explique “la justification qui est donnée par les centres qui pratiquent les listes fermées” et qui, selon lui, “est double”. Le premier argument est celui de “la spécificité de la matière”.

“Je l’entends, pour le dopage par exemple, puisqu’il faut une vraie expertise et qu’il faut uniformiser un certain nombre de pratiques. Mais pour le reste des arbitrages qui sont soumis au TAS, je suis plus sceptique”.

“Le deuxième argument est celui de l’harmonisation de la jurisprudence”, poursuit l’intervenant. Il explique que l’objectif derrière est d’“éviter une sentence qui ne serait pas conforme à ce que le centre attend”. Ce qui constitue, pour cet expert, l'argumentaire le plus “choquant”. Car il estime qu’une “jurisprudence n’a pas à être harmonisée”.

De ce fait, “les deux arguments donnés par les centres qui pratiquent les listes fermées sont”, pour Me Thibaud Dales, “d’assez peu de poids”.

Mais pour l’avocat João Nogueira da Rocha, la liste fermée du TAS, en matière de dopage ou encore en matière de football, est un moyen de “spécialiser l’arbitrage”. Il fait le parallèle avec la profession de médecin qui offre plusieurs spécialités. Pour lui, ces listes fermées spécialisées rendent “l'arbitrage plus juste”.

Des critères particuliers

Une autre spécificité de l’arbitrage dans le sport a été relevée par les intervenants de ce panel. Il s’agit des critères d’impartialité des arbitres. Me Monia Karmass, avocate en droit des affaires et du sport chez Libra Law, explique qu’il est plus difficile de statuer sur l’impartialité de l’arbitre que sur son indépendance. Cette dernière constitue un critère “plus objectif”.

“En matière d’indépendance, on peut faire des recherches, puisque nous avons même un devoir de curiosité à travers lequel on doit s’assurer que l’arbitre que l’on veut nommer et celui nommé par la partie adverse présentent la nécessaire indépendance pour traiter le cas en question. Mais en matière d’impartialité, c’est quand même plus subjectif, car cela a une relation avec le comportement de l’arbitre, sa vision subjective de l’affaire, etc. qui ne peuvent, parfois, être relevés qu’en cours de procédure”, distingue-t-elle.

Cette experte précise également que certains outils sont mis en place pour aider davantage à apprécier l’indépendance et l'impartialité de l’arbitre, sachant que certains critères, déterminés par ces outils, peuvent ne pas s’appliquer lorsqu’il s’agit du droit du sport.

“Dans la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse, il y a une reconnaissance à l’égard de ce qu’on appelle les ‘ABA guidelines’ [sur les conflits d’intérêts en arbitrage international, ndlr]. Il s’agit d’un instrument permettant de guider l’appréciation de l’indépendance et de l’impartialité de l’arbitre grâce à des catégories des différents risques de conflits d’intérêts”.

Cela dit, Me Monia Karmass précise que “la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse relève que le droit du sport est particulier, et que certains éléments qui sont dégagés par ces guidelines ne s’appliquent pas exactement de la même manière pour le droit du sport. C’est le cas des nominations répétées, puisque dans le milieu du sport, étant donné qu’il existe cette liste fermée, il est très courant que des arbitres se fassent élire de manière soutenue”. Autrement dit, la nomination récurrente d’un arbitre ne constitue pas, dans ce domaine en particulier, un critère d'inquiétude qui peut pousser à douter de l’impartialité de l’arbitre, voire à demander sa récusation.

Nationalité de l’arbitre : un critère non critique mais considérable

D’autres éléments ont également fait débat entre les différents intervenants. C’est le cas du choix de l’arbitre en fonction de sa nationalité puisque, comme dans le football par exemple, la nationalité de l’arbitre d’un match entre deux équipes nationales doit être différente de celles représentées par les équipes.

Pour Me Monia Karmass, la nationalité ne constitue pas un “critère critique” lorsqu’il s’agit de choisir un arbitre dans le cadre de ce mode alternatif de résolution des conflits.

“Je vais plutôt m’intéresser au choix de la partie adverse pour voir si j’ai une raison de contester le choix qui est fait. Mais de mon côté, ce n’est jamais un critère”, explique-t-elle.

Pour Me Thibaud Dales, il s’agit de voir plus loin. “La nationalité en elle-même n’est sans doute pas le critère principal. En revanche, le critère de proximité de la langue peut être important. C’est plus large que la nationalité”.

L’avocat précise que le fait de “pouvoir s’exprimer dans la langue que comprend l’arbitre, ou encore de pouvoir lui soumettre des documents dans sa langue maternelle et d’avoir ainsi ce dénominateur culturel commun, peut quand même accorder davantage de confort à l’une des parties”. Pour lui, “même si la nationalité n’est sans doute pas le premier critère, la culture et la langue ne sont pas étrangères au choix d’un arbitre”.

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