Retraites. En plus de l'exonération, la nécessaire revalorisation des pensions pour le secteur privé (ANALYSE)
2025 sera l'année de la réforme de la retraite, comme le prévoit la loi sur la protection sociale. Mais le débat a été anticipé par une mesure du PLF 2025 : l'exonération des pensions de retraite. Si l'adoption de ce principe ne peut qu'être saluée, il n'a pas cependant d'effets réels sur la population des retraités. Seules 165.000 personnes en bénéficieront, essentiellement dans le secteur public où les pensions sont sensiblement plus élevées que celles du privé. Une réalité qui nécessite une réforme pour assurer des pensions dignes à l'ensemble des retraités.

Retraites. En plus de l'exonération, la nécessaire revalorisation des pensions pour le secteur privé (ANALYSE)
Partager :
-
Pour ajouter l'article à vos favorisS'inscrire gratuitement
identifiez-vousVous possédez déjà un compte ?
Se connecterL'article a été ajouté à vos favoris -
Pour accéder à vos favorisS'inscrire gratuitement
identifiez-vousVous possédez déjà un compte ?
Se connecter
Badr Elhamzaoui
Le 6 décembre 2024 à 14h24
Modifié 6 décembre 2024 à 15h582025 sera l'année de la réforme de la retraite, comme le prévoit la loi sur la protection sociale. Mais le débat a été anticipé par une mesure du PLF 2025 : l'exonération des pensions de retraite. Si l'adoption de ce principe ne peut qu'être saluée, il n'a pas cependant d'effets réels sur la population des retraités. Seules 165.000 personnes en bénéficieront, essentiellement dans le secteur public où les pensions sont sensiblement plus élevées que celles du privé. Une réalité qui nécessite une réforme pour assurer des pensions dignes à l'ensemble des retraités.
La question des retraites refait surface à la suite de l'amendement introduit dans le cadre du projet de loi de finances (PLF 2025). Il s'agit de la défiscalisation progressive des pensions de retraite de base à travers une réduction de 50% de l’IR en 2025, avant une exonération totale à partir de 2026.
Cette mesure, bien qu’elle puisse être saluée sur le principe, n'a concrètement qu'un effet limité sur la population actuelle des retraités. Selon une source sûre, environ 165.000 retraités, essentiellement du secteur public, sont concernés par cette mesure d’exonération. Pour le privé, comme avancé dans un précédent article, elle ne concerne que 32 personnes sur les 790.000 pensionnés de la CNSS. Les pensions privées restent largement en deçà du seuil d’éligibilité à l’impôt sur le revenu (IR).
Pourquoi ces 32 retraités seulement ? "Il se pourrait qu’un bénéficiaire cumule plusieurs pensions, ayant pour conséquence l'atteinte du seuil exigible pour l'IR. Par exemple, une femme qui dispose de sa pension de vieillesse car elle a été salariée dans le privé et bénéficie en même temps de la pension de survivant de son défunt mari", expliquent nos sources.
Quoi qu'il en soit, "l'exonération s'appliquera notamment aux revenus supérieurs à 9.000 DH mensuels, avant la réforme du barème fiscal intervenue cette année. À titre d’exemple, pour une pension de 20.000 dirhams, le gain mensuel résultant de cette exonération atteindra 1.200 dirhams", nous explique notre source.
La règle de calcul prévoit l’application d’un taux d’abattement forfaitaire de 70% sur le montant brut imposable pour la partie des revenus inférieure ou égale à 168.000 DH/an, et de 40% pour la portion dépassant ce seuil.
Rappel du système dans le privé
Pourquoi ce sont les retraités du public qui en bénéficient le plus ? Car les retraites dans le secteur public sont supérieures à celles du secteur privé. Et que ces dernières sont quasiment toutes en deçà du seuil exigé pour l'IR et étaient exonérées de fait. Pour illustrer cet écart, en 2022, la pension mensuelle moyenne brute des nouveaux retraités du secteur public atteignait 9.919 DH, contre seulement 2.168 DH en 2023 pour ceux du secteur privé.
Ce n'est ni une révélation ni une nouveauté. C'est même l'un des plus importants biais qui existent dans le système de protection sociale que la réforme cherche à corriger.
Pour mieux comprendre les modalités en vigueur dans le privé, un nouveau pensionné qui remplit les conditions requises — soit 3.240 jours de travail déclarés et l’âge légal de 60 ans — bénéficie d’une pension correspondant à 50% du salaire mensuel moyen soumis à cotisation pour ces 3.240 jours. Chaque période supplémentaire de 216 jours cotisés ouvre droit à une majoration de 1%. Toutefois, le montant de la pension est plafonné à 70% du salaire mensuel moyen soumis à cotisation.
Étant donné que le salaire plafonné est actuellement fixé à 6.000 DH, la pension de retraite maximale ne peut excéder 4.200 DH par mois, soit 70% de ce plafond. Donc loin du seuil imposable.
Par ailleurs, il est important de noter qu’un montant minimum est garanti, indépendamment du salaire perçu durant les années de service. La CNSS a fixé ce minimum à 1.000 DH par mois, assurant ainsi un revenu plancher pour tous les pensionnés.
De la nécessité de revaloriser les pensions dans le privé
Une retraite entre 1.000 et 4.200 DH, déjà modeste, devient insuffisante pour préserver la dignité et répondre aux besoins croissants d’un ménage vieillissant, souvent confronté à des dépenses de santé et d’achat de médicaments.
Dans une analyse antérieure, Médias24 avait étudié l’impact de l’inflation sur les salaires des actifs, tant dans le secteur public que privé. Les résultats sont préoccupants.
Suivant la même analyse, entre 2017 et 2023, l’inflation a progressé de plus de 17%, tandis que les pensions de retraite des anciens salariés du secteur privé sont restées constantes, exacerbant ainsi l’érosion de leur pouvoir d’achat.
Ce n’est pas le montant crédité sur votre compte qui importe, mais bien la valeur réelle de cet argentRaisonner uniquement en termes nominaux peut induire en erreur, car cela masque l’effet de l’inflation sur le revenu. Il est donc fondamental de distinguer la pension nominale, qui reflète simplement un chiffre, de la pension réelle, qui exprime la véritable capacité d’achat, rappelant que la monnaie n’est qu’un moyen d’échange sans valeur intrinsèque.
Si l’on applique la même logique aux pensions de retraite du secteur privé, lesquelles se situent entre 1.000 DH et 4.200 DH, les données révèlent une situation préoccupante.
Selon les chiffres de la CNSS pour l’année 2023, les moyennes des pensions versées par la caisse sont les suivantes :
- Pension moyenne globale : 1.814 DH
- Pension moyenne d’invalidité : 1.980 DH
- Pension moyenne de survivant : 964 DH
- Pension moyenne de vieillesse : 2.168 DH
Pour cette même année, où le taux annuel moyen d’inflation s’est établi à 6,1%, un retraité percevant une pension de 2.168 DH aurait vu sa valeur réelle diminuer à 2.043,36 DH en fin d’année.
Cette perte de pouvoir d’achat illustre de manière frappante l’impact direct de l’inflation sur les revenus fixes, affectant tout particulièrement les retraités du secteur privé.
Si des données temporelles plus étendues étaient disponibles, une analyse de la valeur réelle des pensions sur une période prolongée mettrait sans doute en lumière une érosion encore plus marquée, révélant une tendance alarmante. Cette dévaluation des pensions exerce une pression croissante sur les dépenses essentielles telles que la santé, l’alimentation et le logement, déjà difficiles à assumer pour cette population vulnérable.
Le même raisonnement peut s'appliquer aux pensions perçues par les retraités du public, à la différence qu'elles sont plus importantes. De ce fait, la situation dans le privé est plus préoccupante.
Face à l’érosion permanente des valeurs réelles des pensions de retraite, lesquelles, au Maroc, ne bénéficient pas de revalorisation systématique, la situation devient de plus en plus difficile avec le temps.
Indexer les pensions sur l’inflation peut être une option à envisager. La mise en place d'un mécanisme d’ajustement annuel des pensions et/ou des cotisations, indexé sur le taux d’inflation permettrait de préserver le pouvoir d’achat réel des retraités, notamment les plus modestes, en limitant l’impact de l’érosion monétaire sur leurs revenus fixes.
De l'urgence de la réforme
Maintenant, replaçons le débat. Il y a un projet de réforme des retraites qui bloque depuis plusieurs années. Il y a une loi sur la généralisation de la protection sociale qui donne l'année 2025 comme deadline pour aboutir à cette réforme des retraites.
Nous ne savons pas encore ce qu'apportera cette réforme. Et à chaque fois que ce débat est ouvert, il est cantonné à son volet technique. Doit-on augmenter l'âge de départ à la retraite, doit-on augmenter les cotisations, doit-on fusionner les caisses, etc. ?
Ce sont des débats nécessaires, certes, car il y va de l'avenir de tout le système. Mais il est nécessaire également d'avoir une équité et une justice avec des systèmes qui permettent à tous de bénéficier d'une retraite digne après des années de travail.
Rappelons aussi une réalité oubliée : tous les systèmes de retraite confondus (public et privé) ne couvrent que 1,42 million de personnes.
Il y a 5 millions de personnes qui ne bénéficient d'aucune retraite et qui doivent rejoindre le régime.
Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!