Aujjar et la gauche dans les institutions. Pour Nabil Benabdallah, une “sortie partisane” qui “n’avait pas lieu d’être” (1/2)
Mohamed Aujjar (RNI) est au centre d'une polémique concernant l’homogénéité politique des présidences des institutions constitutionnelles. Ses propos soulèvent des interrogations quant à l’indépendance de ces institutions. Ces interrogations sont à la fois d'ordre politique et constitutionnel. Médias24 a donné la parole à Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS et à Nadia Bernoussi, Professeure de droit constitutionnel. Analyse.

Aujjar et la gauche dans les institutions. Pour Nabil Benabdallah, une “sortie partisane” qui “n’avait pas lieu d’être” (1/2)
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Sara Ibriz
Le 27 novembre 2024 à 12h02
Modifié 27 novembre 2024 à 12h36Mohamed Aujjar (RNI) est au centre d'une polémique concernant l’homogénéité politique des présidences des institutions constitutionnelles. Ses propos soulèvent des interrogations quant à l’indépendance de ces institutions. Ces interrogations sont à la fois d'ordre politique et constitutionnel. Médias24 a donné la parole à Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS et à Nadia Bernoussi, Professeure de droit constitutionnel. Analyse.
“Quels sont les raisons objectives pour choisir, au sein du même courant politique, les personnes dirigeant les institutions de gouvernance ?”, s'interroge Mohamed Aujjar (RNI), lors d’un événement organisé par la fondation Lafquih Titouani, le 12 novembre dernier.
Depuis, ses propos et questionnements font l’objet d’une polémique, surtout qu’ils portent sur des instances dont la nomination à la présidence relève d’une prérogative royale et que, en réalité, toutes les personnes à la tête de ces institutions ne sont pas affiliées au même courant politique.
Lors de son intervention, Mohamed Aujjar se dit “surpris” que “toutes les instances de gouvernance” soient “présidées par un seul courant politique”, à savoir “la gauche”. Il cite le “Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique” (CSEFRS) et le “Conseil économique, social et environnemental” (CESE).
Le premier est présidé par Habib El Malki et le second par Ahmed Réda Chami. D’après nos recherches, ils sont les seuls présidents d’institutions constitutionnelles à être ou à avoir été affiliés à l’USFP, parti de gauche, visé par Mohamed Aujjar.
C’est ce que nous confirme Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS. Contacté par Médias24, il estime que “ces propos sont malvenus” et ce, même si le PPS ne se sent pas concerné.
Qui préside réellement les institutions constitutionnelles ?
“Il se trouve qu’il y a deux ou trois semaines, trois institutions constitutionnelles étaient présidées par l’USFP. Il n’y en a plus que deux aujourd’hui. Au total, il y a 7 ou 8 institutions constitutionnelles et toutes ne sont pas dirigées par des gens de gauche. Le PPS en a eu une il y a trois ou quatre ans. Il s’agit de l’institution du Médiateur qui, aujourd’hui, est dirigée par une personne qui n’est pas de gauche”.
En effet, l’institution du Médiateur du Royaume est aujourd’hui placée entre les mains du magistrat Mohamed Benalilou, nommé à ce poste en décembre 2018. Le même mois, Bachir Rachdi est nommé à la tête de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC), tandis qu'Amina Bouayach est nommée présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH).
Idem pour Latifa Akharbach, présidente de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA).
En 2021, le Roi nomme Ahmed Rahhou à la tête du Conseil de la concurrence, tandis que Bank Al-Maghrib est dirigée, depuis 2003, par Abdellatif Jouahri.
Toutes ces personnalités n’ont aucune affiliation politique connue. Certains, comme Amina Bouayach (l'USFP), ont pris leur distance avec des formations politiques.
Les interrogations d’Aujjar
Pourtant, Mohamed Aujjar généralise. Il affirme que “toutes” les institutions de gouvernance sont dirigées par des personnes affiliées au courant politique de gauche.
Selon lui, il s’agit même d’une “situation qui pousse au questionnement. Que signifie le fait qu’un seul parti accapare la présidence de toutes les institutions ? Quand une personne a été de gauche toute sa vie, cela finit par déteindre sur ses idées etc. (…). Il faut garantir un équilibre des institutions. Le RNI, le PAM et le PI constituent la majorité et ne sont à la tête d’aucune institution. Est-ce que le timing des rapports publiés est ‘naturel” ? Comme celui publié au moment où le Chef du gouvernement présente le bilan de mi-mandat ?”.
Mohamed Aujjar nuance ses propos par la suite. Il précise qu’il ne discute pas de la nomination de ces présidents qui, rappelons-le, relève de la compétence du Roi, mais vise plutôt “les parties qui suggèrent des noms”. Celles-ci doivent, selon lui, “se remettre en question”.
Il clarifie davantage en indiquant que ses interrogations ne concernent pas le Haut Commissariat au Plan qui est une institution de “statistiques” et précise qu’il “ne dit pas que les institutions de gouvernance ou de la société civile doivent suivre le gouvernement. Au contraire, le gouvernement bénéficie des critiques et ouvre les débats avec les syndicats et autres”.
Or, les propos de Mohamed Aujjar soulèvent à leur tour des interrogations. Faut-il obligatoirement inclure des personnalités de la majorité pour assurer un équilibre au sein de ces institutions ? Une telle approche ne remet-elle pas en question l’indépendance de ces institutions constitutionnelles ?
“Ce débat n’a pas lieu d’être”
Pour Nabil Benabdallah, “tout cela est en train de polluer une situation politique qui l'est déjà suffisamment”. Selon lui, “ce débat n’a pas lieu d’être”. Et pour cause : “ces institutions sont nommées sur initiative royale. Sa Majesté a la totale aptitude pour désigner les profils qui vont donner les meilleurs résultats au niveau de ces instances”.
Nabil Benabdallah qualifie l’intervention de Mohamed Aujjar de “sortie partisane” et ”étroite” qui “n’avait pas lieu d’être”.
Et d’ajouter : “il considère que les institutions constitutionnelles devraient être en harmonie avec le gouvernement actuel. C’est grave de tenir ce genre de propos car ces institutions sont censées être indépendantes. Elles sont censées garder une distance et une autonomie par rapport à n’importe quel gouvernement, quel qu’il soit”.
“Confondre majorité et nomination au sein des instances constitutionnelles est vraiment déconseillé. Je pense que ces institutions doivent être présidées par les meilleures compétences, qu'elles soient de gauche, de droite, du centre ou même non affiliées politiquement, à partir du moment qu’il s’agit de compétences réelles qui peuvent apporter quelque chose au sein de ces instances”, conclut notre interlocuteur.
Si le débat semble être éminemment politique, il n'en demeure pas moins qu'il concerne des institutions constitutionnelles.
Qu'en pensent alors les constitutionnalistes ? Nadia Bernoussi, professeure de droit constitutionnel, nous livre son analyse dans la deuxième partie de cet article.
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