Baisse des droits de douane sur le miel : les apiculteurs en colère, plus de 36.000 emplois menacés
La baisse des droits de douane sur le miel de table attise la colère des apiculteurs qui ne comprennent pas l'opportunité d'une telle mesure dans le PLF 2025, compte tenu de l’abondance de l’offre sur le marché national à des prix équilibrés. Si cet amendement est adopté en deuxième lecture, il risque d’impacter non seulement la filière apicole qui emploie directement plus de 36.000 personnes, mais aussi plus généralement le secteur agricole dont les rendements risquent de baisser.

Baisse des droits de douane sur le miel : les apiculteurs en colère, plus de 36.000 emplois menacés
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Kenza Khatla
Le 21 novembre 2024 à 17h00
Modifié 21 novembre 2024 à 17h42La baisse des droits de douane sur le miel de table attise la colère des apiculteurs qui ne comprennent pas l'opportunité d'une telle mesure dans le PLF 2025, compte tenu de l’abondance de l’offre sur le marché national à des prix équilibrés. Si cet amendement est adopté en deuxième lecture, il risque d’impacter non seulement la filière apicole qui emploie directement plus de 36.000 personnes, mais aussi plus généralement le secteur agricole dont les rendements risquent de baisser.
Le projet de loi de finances, au titre de l’année 2025, prévoit l’amendement des droits de douane sur le miel de table. Ce dernier a été validé en première lecture à la Chambre des représentants. Pour entrer en vigueur en janvier 2025, il devra être adopté en deuxième chambre du Parlement, avant de revenir à la première qui aura le dernier mot.
Cet amendement prévoit que les taux passeront de 40% à 2,5%, ce qui signifie une baisse conséquente des frais d’importation des miels "en provenance des pays avec lesquels le Royaume ne dispose pas d’accords de libre-échange", selon des professionnels du secteur.
Cette mesure a attisé la colère de la profession, qui en ignore les raisons, d’autant qu’elle a été mise en place en l’absence de concertation préalable avec la filière.
Une mesure qui alourdit le poids des difficultés dans la filière
"C’est une décision que nous avons reçue avec une grande surprise", nous confie M'hamed Aboulal, président de l'Interprofession apicole (FIMAP), contacté par Médias24, "d’autant qu’il n’y a pas eu de concertations préalables avec les professionnels de la filière".
"Cette mesure, si elle passait au Parlement, viendrait malheureusement rajouter de la douleur à la profession, laquelle est déjà confrontée ces dernières années à plusieurs problèmes, notamment celui de l’effondrement des colonies d'abeilles qui reste sans précédent et qui est dû aux changements climatiques, affectant plus de 50% des professionnels du secteur".
"La filière fait également face aux années successives de sécheresse et à la hausse des coûts de production, en raison de la hausse des prix des intrants, du bois et du gasoil…", déplore notre interlocuteur qui souligne que "devant toutes ces difficultés, les apiculteurs devront aussi faire face à la baisse des droits de douane".
"Plusieurs pays dans le monde sont confrontés à une mauvaise qualité du miel. On risque de subir la même chose au Maroc avec cette nouvelle mesure, ce qui affectera négativement la filière pour laquelle l’Etat a pourtant mobilisé de grands financements dans le cadre du Plan Maroc vert et de Génération Green. Tous ces efforts risquent ainsi d’être voués à l’échec, et c’est dommage, d’autant qu’au niveau mondial, différents pays se dirigent vers la protection et la promotion de la filière".
Joint par nos soins, Saïd Aboulfaraj, apiculteur depuis plus d’une vingtaine d’années, rejoint les propos du président de la FIMAP. Celui qui se dit également surpris précise que "cette mesure vise essentiellement les pays avec lesquels nous n’avons pas d'accords de libre-échange, notamment les pays asiatiques (Chine et Inde par exemple), et sud-américains (Argentine, Mexique, Paraguay…)".
"C’est dommage", estime-t-il, "puisque le Plan Maroc vert et Génération Green ont consacré des sommes énormes au secteur de l’apiculture, qui continue de souffrir malgré les aides dont il bénéficie et des mesures mises en place par le gouvernement pour son développement et la valorisation de ses produits. Nous avons eu de nombreuses années de sécheresse qui ont impacté la production. De plus, les coûts de production au niveau local restent relativement élevés par rapport aux pays étrangers, et nos apiculteurs ne peuvent de ce fait pas être compétitifs avec les miels d’importation".
"Avec la baisse des droits d'importation, la différence entre les coûts de production locaux et les coûts de production des miels importés, qui est déjà élevée, risque de se creuser davantage", ajoute Saïd Aboulfaraj, qui explique que "les miels arrivant de Chine sont monofloraux et donc assez fades, alors que les miels d’Amérique du Sud sont relativement assez diversifiés d’un point de vue floral, ce qui leur procure une certaine qualité et les rend plus appréciés".
Or, "la majorité des importateurs, qui cherchent davantage de gains, importent donc de Chine et d’Inde, les prix des miels étant moins chers".
Les raisons de cette mesure restent inconnues
Nos deux sources ignorent toutefois les raisons derrière la mise en place de cette mesure. "Je ne trouve pas de raison valable, d’autant qu’il y a une abondance de miel au niveau national", nous confie M'hamed Aboulal. "À travers cette réduction, l’Etat perdra une grande partie de ses recettes liées à l’importation du miel".
"Après le Covid, malgré la hausse des charges et la baisse de la production, les prix du miel n’ont pas enregistré une augmentation conséquente. L’offre sur le marché reste par ailleurs importante, grâce notamment aux mesures mises en place par le Plan Maroc vert, qui a augmenté la capacité technique de production des apiculteurs, qui produisent par conséquent davantage de miel à des prix stables".
"Ainsi, au lieu d’inonder le marché local de miel étranger, le gouvernement devrait plutôt poursuivre sa stratégie de renforcer les capacités des apiculteurs locaux, qui pourront à terme produire jusqu’à 40 kg par ruche, au lieu de 3 à 5 kg actuellement, avec un prix équilibré".
Un grand risque pour les emplois directs et indirects dans la filière
Quels seraient alors les risques d'une telle mesure ? L’importation du miel avec des droits de douane réduits à 2,5% pourrait, selon le président de la FIMAP, "contribuer à la destruction de plus de 36.000 emplois directs. Ce sont des familles qui vivent directement de l’activité apicole".
"De nombreuses familles vivent également de manière indirecte de cette filière, à travers des activités en liaison avec l’apiculture. Ce sont des activités de niche, des gens qui fabriquent le bois, qui travaillent dans le transport ou autre. L’impact sur la profession sera donc vraiment grand".
Outre l’emploi, "cette mesure impactera également l’activité agricole dans son ensemble", ajoute M'hamed Aboulal. "Il n’y a pas d’agriculture sans apiculture. Cette filière joue un rôle important dans la pollinisation des arbres. À titre d’exemple, le rendement de l’oranger est augmenté de 30% par la pollinisation des abeilles. Cela signifie qu’au niveau de notre agriculture, de l’arboriculture ou d'autres filières, on risque de perdre un rendement énorme. Cette mesure va compromettre toutes les réussites du Plan Maroc vert et de Génération Green, ce qui pèsera plus que la perte d’emplois".
"Il faut donc effectuer une analyse générale, et pas seulement sectorielle autour de la filière de l’apiculture dont l’apport est énorme pour la société et l’équilibre socio-économique".
L'autre impact évoqué par Saïd Aboulfaraj a trait à l'augmentation du nombre d'entreprises qui auront recours à l'importation de miel. "Il existe actuellement une vingtaine de sociétés qui procèdent à l’importation de miel. Cette mesure va ainsi leur profiter si elle se concrétise".
"À l’avenir, elle risque également d’encourager d’autres entreprises à se diriger vers l’importation à des prix moins élevés depuis l'Inde et la Chine ; même s’il y a encore une demande pour la production locale, due à la préférence des consommateurs marocains. La dégradation du pouvoir d’achat et l’inflation peuvent faire en sorte que les consommateurs se tournent davantage vers des miels moins chers".
"Nous gardons espoir"
"La FIMAP garde toutefois espoir, parce que nous avons déjà eu affaire au chef de gouvernement et au ministre actuel de l’Agriculture qui connaissent les enjeux du développement de cette filière. J’espère qu’ils interviendront pour résoudre cette problématique".
"Nous les avons saisis, et nous attendons à présent un retour", conclut M'hamed Aboulal.
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