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Maroc Digital 2030 : une stratégie tardive et sans feuille de route (acteurs)

Le gouvernement a récemment levé le voile sur les contours de la stratégie Maroc Digital 2030. Se voulant "très ambitieuse", elle exprime des objectifs en termes de création d'emplois, de digitalisation des services, et vise le lancement, à moyen terme, de la 5G. Qu'en pense l'écosystème du digital ?

Lancement de la stratégie Maroc Digital 2030 par Ghita Mezzour.

Maroc Digital 2030 : une stratégie tardive et sans feuille de route (acteurs)

Le 10 octobre 2024 à 10h30

Modifié 11 octobre 2024 à 15h26

Le gouvernement a récemment levé le voile sur les contours de la stratégie Maroc Digital 2030. Se voulant "très ambitieuse", elle exprime des objectifs en termes de création d'emplois, de digitalisation des services, et vise le lancement, à moyen terme, de la 5G. Qu'en pense l'écosystème du digital ?

Le mercredi 25 septembre, le gouvernement a enfin dévoilé la stratégie Maroc Digital 2030 articulée autour de deux axes stratégiques et trois catalyseurs. Les deux axes sont l'E-gov et la dynamisation de l'économie numérique. Le Digital talents, le cloud et la connectivité sont les catalyseurs.

La ferveur de l'annonce passée, qu'en pense réellement l'écosystème ? Est-ce une stratégie à même de propulser le Maroc et lui permettre de rattraper son grand retard dans ce domaine qui connaît des avancées rapides et même des ruptures plus fréquentes que par le passé ?

"Ce que je peux vous dire, c'est que cette stratégie ambitieuse avance des objectifs, mais sans présenter de feuille de route qui décline comment ces objectifs seront atteints", commente un acteur de l'écosystème sous couvert d'anonymat.

La stratégie ayant été conçue "dans le cadre d'une large concertation impliquant quasiment tout l'écosystème", comme nous l’explique un opérateur, peu d'acteurs osent la critiquer ouvertement, même de manière constructive.

Attention à la convergence 

"Pour le moment, ce que j'ai à dire, c'est qu'il y a une réelle conduite de changement à opérer au niveau de tous les acteurs, public et privé, pour que cette stratégie puisse atteindre ses objectifs. Les objectifs assignés sont très ambitieux, ce qui nécessite une convergence des actions de tous les intervenants : public, privé, entreprises (grandes comme petites), le citoyen, les associations... Nous sommes dans un momentum, c'est-à-dire qu'il faut qu'on soit tous à la même vitesse pour qu'on puisse, en 2030, honorer les engagements de cette stratégie", estime un important acteur de l’écosystème. 

Cette stratégie ambitieuse avance des objectifs, mais sans présenter de feuille de route qui décline comment ces objectifs seront atteints

Celui-ci détaille ce qu’il estime être un point fort de la stratégie. "La startup a tout son poids dans Maroc Digital 2030. C’est la première fois qu'un label sera donné à la startup et, par extension, un cadre réglementaire favorable à son expansion à l'international. Ce qui est très important. En termes d'accompagnement, cette stratégie est très précise sur la qualité d'accompagnement que doit avoir une startup aux différents stades de son développement, notamment de l'idée jusqu'à son accélération".

L'autre point avantageux qu'offrira la nouvelle stratégie du digital est celui de l'encouragement et le renforcement des incubateurs marocains existants, mais aussi l'encouragement à la création de nouveaux incubateurs publics ou semi-publics. "Cela va permettre de faire émerger un nombre plus important de startups. Et puis, il y a aussi l'ouverture à l'international, c'est-à-dire que cette stratégie compte s'ouvrir sur des incubateurs internationaux et même des VC (venture capital) et des investisseurs internationaux", note notre source.

Sur la partie financement, Maroc Digital 2030 va permettre aussi la mise en place d'un véritable cadre incitatif à la création de startups à travers la mise en place de bourses de vie et d'incubation, dont le but est d'encourager certains salariés à se transformer en startupers, tout en minimisant le risque financier, rappelle notre source.

"Aujourd'hui, il n'est pas évident de switcher de salarié à fondateur d'entreprise. Le salarié est habitué à percevoir un salaire mensuel, sachant que l'entrepreneuriat, c'est au minimum deux ans de balbutiements avant de pouvoir générer des revenus réguliers. Cette bourse de vie permettra alors à des personnes qui étaient salariées de devenir des entrepreneurs, créant à leur tour des emplois et de la valeur ajoutée".

Concédée grâce aux efforts de sensibilisation, la préférence nationale reste à améliorer

"L’autre axe, tout aussi important, sur lequel s'est penchée cette stratégie, c'est celui de l'accès au marché, notamment à travers l'accès à la préférence nationale pour que nos entreprises, les grands comptes et le public privilégient l'innovation et les produits nationaux. Un important lobbying a été mené pendant des années pour obtenir cette préférence nationale", confie notre source. 

Chaque jour, les startups agonisent parce qu'elles ne trouvent pas les compétences digitales adaptées

"Nous ne sommes toujours pas satisfaits. Il y a vraiment un travail qui doit être fait pour que l'on puisse réserver une partie de la commande publique et privée à ces startups", concède-t-elle.

"La stratégie s'est aussi penchée sur la question des talents. Chaque jour, les startups agonisent parce qu'elles ne trouvent pas les compétences digitales adaptées. Il y a la problématique de la fuite des talents que nous ne pouvons malheureusement pas régler immédiatement. La réponse à cette problématique se trouve dans cette stratégie, notamment à travers la production d'un pôle de talents en digital. Il y a des objectifs très ambitieux pour créer annuellement, à l'horizon 2030, quelque 100.000 talents dans le digital. Je crois que si l'on atteint ce chiffre, on aura gagné tout le déploiement effectif de cette stratégie", poursuit-elle.

 "Un focus excessif sur les startupd risque de désavantager les PME/TPE marocaines"

S'il se félicite de l'annonce de la nouvelle stratégie du digital, un membre du bureau dirigeant de la Fédération marocaine des technologies de l’information, des télécommunications et de l’offshoring (Apebi) estime néanmoins qu'un focus excessif sur les startups risque de désavantager les PME/TPE marocaines.

"Nous souhaitons que cette nouvelle stratégie réussisse. À travers l'Apebi et en tant que PME, nous accompagnons aujourd'hui ce projet. J'espère néanmoins que ce dernier mettra également la PME et la TPE au centre. Malgré leur ancienneté, celles-ci risquent d'être désavantagées par un focus excessif sur les startups", nuance-t-il.

Notre interlocuteur a également émis des réserves au sujet des partenariats public-privé. "Les PPP ne sont malheureusement pas appliqués comme il le faudrait. Aujourd'hui, les responsables se tournent plus vers le public quand il s'agit de signature de conventions. Le privé est souvent moins sollicité. Or, il faut développer des relations avec le privé qui demeure plus actif et réactif. Les acteurs privés sont sur le terrain et ils peuvent aller plus vite", insiste-t-il.

Plus tôt le gouvernement marocain lancera la 5G, mieux se portera la stratégie du digital 2030 qui va progresser rapidement

La nouvelle stratégie du digital tient compte de l'introduction de la 5G pour atteindre 25% du territoire couvert d'ici 2026, et 70% en 2030. Un déploiement que l'Etat doit faciliter et ne pas chercher à "rentabiliser", estime cet acteur.

"Plus tôt le gouvernement marocain lancera la 5G, mieux se portera la stratégie du digital 2030 qui va progresser rapidement. Maintenant, il ne faut surtout pas que l'État prélève de l'argent derrière, pour éviter d'accuser des retards et afin de mettre en place, au plus vite, ce moteur extraordinaire qui va servir le pays". 

Selon notre dernier interlocuteur, un acteur du digital qui dirige une société de l'écosystème depuis douze ans, la stratégie proposée manque d'ambition, de dessein. "Ce n'est pas Tanger Med, mais un petit port de pêche sur le littoral". Ce n'est pas avec cela que l'on va jouer dans la cour des grands et donner naissance à des acteurs de premier plan. "Le digital, c'est une économie nouvelle, et une mondialisation de fait. Nous n'en sommes pas là, pas du tout".

Pour lui, encore une fois, on lance une stratégie sans avoir évalué la précédente. Notre source avance que jusqu'à présent, l'Agence du digital est un échec. "Elle n'a servi qu'à aider les ministères à entamer leur transformation digitale ou à en réaliser une partie. C'est tout" Et de conclure : "Il ne suffit pas de consulter les professionnels pour élaborer une stratégie. Celle-ci n'est pas censée être consensuelle".

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