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Grève des greffes : prolongation des protestations, nouveau risque de paralysie pour les tribunaux

Tout en appelant une nouvelle fois à l’ouverture du dialogue avec le gouvernement, les greffes annoncent de nouvelles dates de grève durant le mois d’octobre. Les juridictions nationales seront de nouveau paralysées. Une situation qui exaspère les professionnels et les justiciables.

Grève des greffes : prolongation des protestations, nouveau risque de paralysie pour les tribunaux

Le 30 septembre 2024 à 18h15

Modifié 30 septembre 2024 à 19h07

Tout en appelant une nouvelle fois à l’ouverture du dialogue avec le gouvernement, les greffes annoncent de nouvelles dates de grève durant le mois d’octobre. Les juridictions nationales seront de nouveau paralysées. Une situation qui exaspère les professionnels et les justiciables.

De nouvelles dates de grève ont été annoncées par le bureau national du Syndicat national de la Justice affilié à la Confédération démocratique du travail (CDT), à travers un communiqué daté du 28 septembre. Les greffiers seront de nouveau en grève du 1er au 3 octobre, puis du 8 au 10 octobre.

Durant ces six jours, les tribunaux seront paralysés, puisque les affaires sont systématiquement reportées en l’absence d’un greffier en salle d’audience. De même, les services administratifs réalisés auprès des secrétariats-greffes sont également compromis, ce qui fait réagir plusieurs avocats qui rappellent l’impact de ces grèves sur les intérêts des justiciables.

Ces grèves, qui durent depuis avril dernier, portent sur le même sujet de discorde : la réforme du statut particulier des greffes. Celui-ci avait fait l’objet d’un accord “prêt et validé” par les parties concernées, mais fait face à un “blocage” depuis plus d’un an au niveau des ministères des Finances et de la Réforme de l’administration publique.

Les greffiers, qui accomplissent à la fois des missions judiciaires et administratives, demandent à ce que toutes leurs activités soient encadrées par le statut particulier régissant leur profession. Malgré leurs nombreuses protestations, le ministère de tutelle en particulier et le gouvernement en général restent encore silencieux.

“La roue de la justice devient intenable”

Les avocats, eux, commencent à exprimer leur ras-le-bol. C’est le cas de Me Kawtar Jalal qui s’est exprimée à ce sujet via son compte LinkedIn. Selon elle, “rendre justice est devenue une mission impossible au Maroc”. Et ce, parce que “les tribunaux du Royaume connaissent des grèves trois jours par semaine, de mardi à jeudi”. De ce fait, “les lundis et les vendredis sont les jours où les greffiers reprennent leurs postes, étant précisé que, généralement, les audiences ne se tiennent pas le vendredi”.

Pour Me Kawtar Jalal, “la roue de la justice devient intenable au Maroc. Justiciables et avocats souffrent le martyr”. Elle explique qu’un “justiciable salarié, licencié abusivement et demandeur de ses indemnités, voit son dossier reporté depuis le mois de juillet pour les mêmes raisons”.

Elle précise que les avocats sont contraints de faire “une file de trois heures pour déposer une requête à la caisse du tribunal”, sachant que le dépôt en ligne n’est pas d’une grande aide puisque, selon la même source, “les dossiers déposés en ligne prennent plus de temps à être pris en compte” et sont “parfois même oubliés”.

L’avocate rappelle que “la justice est un pilier de la démocratie et de l'Etat de droit”. Elle estime que “c’est la responsabilité du chef de gouvernement de la préserver, quoi qu’il en coûte”.

“Des conséquences dramatiques pour les personnes en détention provisoire”

Dans une note adressée à Médias24, Me Hiba Ouadghiri Idrissi, avocate du barreau de Casablanca, évoque quant à elle, une souffrance pour les avocats et les justiciables.

“Pour les avocats, la grève des greffiers représente un véritable cauchemar professionnel, parce que le rôle des greffiers est crucial, notamment en matière de réception et d’enregistrement des requêtes, mais aussi de gestion des documents juridiques ainsi que de tenue des audiences. Sans leur présence, les tribunaux ne peuvent pas fonctionner normalement, ce qui pose plusieurs problèmes majeurs pour les avocats”.

Et d’ajouter : “Le premier obstacle auquel se heurtent les avocats est l'impossibilité de déposer des requêtes auprès des tribunaux. Ce qui bloque leur travail quotidien et engendre des retards importants dans la gestion des dossiers, augmentant ainsi la pression sur les professionnels du droit qui se retrouvent dans l’incapacité de défendre leurs clients dans des délais raisonnables. La paralysie des tribunaux a également conduit au report massif des audiences. Les justiciables voient leurs affaires traîner en longueur, augmentant ainsi l’incertitude juridique qui s’intensifie face à ces retards”.

Pour Me Hiba Ouadghiri Idrissi, “le système judiciaire marocain est souvent perçu comme lent et complexe, et cette grève ne fait qu'accentuer les difficultés liées à l’accès à la justice. Qu'il s'agisse de litiges commerciaux, familiaux ou criminels, les parties en cause doivent patienter, souvent sans visibilité pour une date de résolution. Pour certaines affaires pénales, ces retards peuvent avoir des conséquences dramatiques, surtout pour les personnes en détention provisoire”.

L’avocate souligne également que “derrière chaque affaire reportée, il y a des personnes qui attendent une solution à leurs problèmes. Pour certains justiciables, l'attente se traduit par des pertes financières directes, des litiges commerciaux non résolus, des conflits familiaux prolongés, ou encore des personnes en détention provisoire qui attendent leur jugement. Cette attente a également un coût émotionnel, avec des familles et des proches pris dans des tourments sans fin”.

Me Ouadghiri Idrissi craint que cette prolongation des protestations ne porte atteinte à la “crédibilité du système judiciaire marocain”, car “ la lenteur et l'inefficacité apparentes des institutions peuvent éroder la confiance des citoyens en leur capacité à obtenir une justice équitable et rapide”.

C’est pourquoi la situation nécessite “une réponse rapide et efficace” pour “éviter l’aggravation de cette paralysie”. Me Hiba Ouadghiri Idrissi estime qu’il est “essentiel que les revendications légitimes des greffiers soient entendues, et qu'une solution juste et équitable soit trouvée pour répondre à leurs besoins, tout en assurant la continuité de l’institution judiciaire.
Par ailleurs, cette crise peut être une opportunité pour repenser plus globalement le fonctionnement des tribunaux marocains, en mettant l’accent sur la dématérialisation des procédures”. Il s’agit d’une solution qui peut “réduire la dépendance du système judiciaire de la présence physique des greffiers et faciliter le dépôt et la gestion des requêtes à distance”.

Des grévistes déterminés mais ouverts au dialogue

Du côté des greffiers, l’ouverture du dialogue est toujours présente et de nouveau rappelée dans ce récent communiqué. Cela dit, les syndicalistes ne comptent pas baisser les bras et l’affirment à nouveau à travers ce document.

Ils assurent être “fiers” de la réussite des différentes journées de grève du mois de septembre. Une forme de protestation qui, selon eux, “constitue une réponse naturelle au langage menaçant” relatif à une éventuelle retenue à la source pour les grévistes.

Mais le Syndicat national de la justice confirme qu’il compte “poursuivre son programme de protestations” dans le cadre d’une “escalade ouverte sous toutes les formes”, et ce, “jusqu’à la satisfaction des revendications légitimes des greffes”.

Selon le même communiqué, le Syndicat national de la justice annonce qu’il s’adressera aux autres syndicats pour organiser une “marche nationale unifiée”.

Malgré ces annonces d’escalade, un nouvel appel à la présidence du gouvernement est lancé pour “ouvrir un dialogue sérieux et responsable, dont le but est de trouver des solutions réalistes aux revendications sur lesquelles un accord a été trouvé avec le ministère de la Justice”.

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