Loi sur la grève. Entretien avec Younes Sekkouri à l'issue de la première réunion au Parlement
Évènement ce mardi 16 juillet au Parlement. S'est tenue en effet la première réunion en commission autour du projet de loi organique sur le droit de grève. Médias24 s'est entretenu avec le ministre Younes Sekkouri en charge de ce dossier.
Loi sur la grève. Entretien avec Younes Sekkouri à l'issue de la première réunion au Parlement
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Abdelali El Hourri
Le 16 juillet 2024 à 19h48
Modifié 17 juillet 2024 à 11h06Évènement ce mardi 16 juillet au Parlement. S'est tenue en effet la première réunion en commission autour du projet de loi organique sur le droit de grève. Médias24 s'est entretenu avec le ministre Younes Sekkouri en charge de ce dossier.
La loi organique sur le droit de grève va-t-elle enfin être débloquée ? Gelé depuis 2016 au Parlement, ce texte a été programmé ce mardi 16 juillet lors d'une réunion de la commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants.
Cette programmation constitue en elle-même un événement eu égard au parcours chaotique d'un projet clivant, mais stratégique. Élaboré sous le gouvernement Benkirane, le texte est aujourd'hui porté par Younes Sekkouri, ministre de l'Inclusion économique, de la petite entreprise, de l'emploi et des compétences, présent ce mardi pour exposer la vision de l'exécutif.
L'intéressé sort d'un long processus de négociation qui l'a vu discuter avec les différents partenaires sociaux. Et entame un nouveau round de tractations, cette fois-ci législatives. Une étape qui s'annonce délicate.
Dans cet entretien express accordé en marge de la réunion tenue ce mardi 16 juillet au Parlement, le ministre livre à Médias24 les contours du projet de loi organique relatif au droit de grève.
Médias24 : Aujourd'hui, on s'attendait à ce que vous présentiez une nouvelle mouture du projet de loi organique régissant le droit de grève. Finalement, il s’agissait plutôt de la version la plus récente accompagnée des points que vous souhaiteriez modifier. Expliquez-nous l'objet précis de votre présentation...
Younes Sekkouri : L'objet précis de cette réunion au sein de la commission des affaires sociales à la Chambre des députés, c'est de présenter un projet de loi organique qui est au Parlement depuis 2016, que les gouvernements successifs depuis la première Constitution, n'ont pas mis sur la table, qui est prévu dans la Constitution de 2011.
Donc il était tout à fait normal de venir présenter l'architecture du projet de loi, mais naturellement, de pouvoir aussi informer la commission des discussions que nous avons eues au sein de l'institution du dialogue social, puisque c'est un projet de loi spécifique qui a fait l'objet de consultations très larges auprès des syndicats les plus représentatifs et auprès du patronat.
- D'ailleurs, c'est une revendication très forte de l'ensemble des députés qui ont posé la question au début des discussions dans le cadre du dialogue social. Qu'en avez-vous retiré ?
- C'est pour cela que j'ai présenté le projet de loi, mais j'ai surtout commenté ce texte organique par les revendications, les requêtes importantes et les conclusions des discussions que nous avons eues avec les syndicats et le patronat.
- Donc si je comprends bien, il s'agit de la version de 2016 ?
- Naturellement, c'est la règle qui voudrait qu'on démarre par cela. Par la suite, il était nécessaire d'informer l'ensemble des députés des discussions que nous avons eues au sein de l'institution du dialogue social.
Il reste encore quelques points que nous allons continuer à discuter dans les semaines qui suivent avec les syndicats. Mais nous avons parcouru l'essentiel dans ce projet de loi organique
- Mais quelle est votre vision globale par rapport au projet que vous portez ?
- C'est très simple. C'est un projet qui va au-delà des tendances politiques et des clivages politiques. C'est un projet de société. D'ailleurs, le discours royal est clair là-dessus.
C'est un projet qui doit faire l'objet de consultations très larges. Et c'est exactement ce que ce gouvernement a mis en place, un processus de consultation institutionnalisée qu'est le dialogue social.
Pourquoi nous ne l'avons pas fait auparavant, pourquoi seulement aujourd’hui ? Parce qu'il a fallu 25 mois de discussion, de négociation avec les syndicats. Il reste encore quelques points que nous allons continuer à discuter dans les semaines qui suivent avec les syndicats.
Mais nous avons quand même parcouru, je dirais, l'essentiel dans ce projet de loi organique. Donc il s'agit d'un exercice très élaboré où chacun prend sa responsabilité.
Le gouvernement prend une responsabilité politique de vouloir discuter dans le cadre des institutions du pays un projet de société en étant flexible par rapport aux changements, aux amendements pour qu'il soit équilibré, pour que ce projet de loi puisse garantir d'abord les droits des grévistes. Parce que le sens et la philosophie de la Constitution est celui-là. Et deuxièmement, garantir naturellement la liberté du travail qui est fondamentale.
Il faut aussi qu'on soit à la hauteur de la culture des droits de l'Homme, du référentiel constitutionnel qui est le nôtre et de la maturité de la société marocaine qui, comme vous le savez bien, arrive à résoudre tous les différends dans le cadre d'instances prévues à cet égard.
C'est ce que ce projet de loi, avec la vision du gouvernement, compte mettre en place. Mais nous ne voulons pas le faire de façon unilatérale ou qu'à travers notre majorité.
Nous voulons le faire d'abord avec les syndicats et avec le patronat, dans le cadre du dialogue social, et ensuite avec tous les partis représentés au Parlement pour que le projet de loi, qui deviendra une loi organique, soit aussi la propriété de tous les Marocains, pour défendre tous les Marocains.
Nous n'avons tenu cette séance au Parlement qu'après 25 réunions avec les partenaires sociaux
- Tout à l'heure en commission, des interventions de députés ont laissé entendre que la programmation ce jour du projet de loi organique avait été forcée. Que répondez-vous ?
- J'ai répondu à cela et je pense que tout le monde est convaincu maintenant. Rien n'a été forcé. C'est une programmation que nous n'avons pas faite dans la précipitation. On aurait pu faire cette réunion avant. Mais nous ne l'avons faite qu'après avoir parcouru un chemin important avec les syndicats et avec le patronat. Nous ne l'avons faite qu'après 25 réunions avec les partenaires sociaux.
Donc, elle n'a rien de forcé. Elle permet de démarrer le débat. Ce que je sais, c’est que le Parlement est toujours ouvert. Et le Parlement a le droit de travailler aussi en intercession.
L'idée, c'est de pouvoir démarrer le débat et de donner le temps à tous les partenaires, à tous les acteurs politiques représentés au Parlement aussi, de pouvoir apporter leur vision, leur contribution, leurs amendements à ce projet de loi organique.
Et je pense qu'à la fin de la réunion d'aujourd'hui, vous l'avez sûrement constaté, tout le monde était convaincu que nous étions dans une bonne démarche et sur une bonne approche. Vous savez ce qui est important dans ce genre de réunion ? C'est quand les gens sentent que le partenaire est crédible et qu'il est sincère, qu'ils sentent qu'il n'y a pas d'entourloupe, que nous croyons vraiment dans ce que nous disons. Et c'est le cas aujourd'hui.
D'ailleurs, nous n'avons pas le choix. Si nous voulons être à la hauteur de ce moment historique, la moindre des choses, c'est d'être honnête, d'être sincère et d'avoir devant soi les intérêts de notre population et le droit des gens à faire la grève, mais également le droit du travail.
Si nous avons pris tout ce temps, c'est pour qu'il n'y ait pas de blocage. Et je ne vois pas de raison pour qu'il y ait un blocage sur le sujet
- Est-ce que vous appréhendez un nouveau blocage, sachant que des syndicats ont exprimé leur refus ou le rejet de la mouture actuellement sur la table du Parlement ?
- Ce que les syndicats ont exprimé est tout à fait normal. D'ailleurs, c'est pour ça que nous avons passé 25 mois. Les syndicats n'ont rien dit sur ce qui va venir. Ils ont commenté le texte qui est au Parlement depuis huit ans. Ce n'est pas un hasard s'il n'a pas été programmé avant. C'est parce qu'il n'y avait pas de consultation avec les syndicats avant.
Or aujourd'hui, nous ne venons au Parlement qu'après des mois de consultation, des dizaines de réunions, un rapprochement de point de vue, une compréhension des problématiques qui sont derrière.
Je vous donne un exemple. Dès la définition de la grève, les syndicats ont reproché une définition du droit de la grève qui ne permet pas à cette grève de se mettre en place.
Nous avons interagi avec les syndicats. Nous les avons compris. Et nous voulons intégrer leurs doléances, leurs requêtes et leurs revendications dans ce que nous allons mettre en place. Sauf qu'il faut le faire au Parlement.
Pour moi, au contraire, si nous avons pris tout ce temps, c'est pour qu'il n'y ait pas de blocage. Et je ne vois pas de raison pour qu'il y ait un blocage sur le sujet. D'abord, il n'y a aucun syndicat qui est contre la discussion de ce projet de loi. Les syndicats sont contre le contenu de ce qui existe aujourd'hui.
Mais personne n'est contre le fait d'amender, le fait de ramener une perspective et une vision équilibrée, centrée sur les droits de l'homme, qui reconnaît le droit de la grève et qui l'organise de façon à pouvoir le protéger sans le brider ou l'empêcher de se mettre en place.
- Dernière question qui concerne l'étape suivante. À quoi s'attendre concernant le processus législatif ?
- Le processus législatif est très clair. D'abord, programmer la discussion générale au sein du Parlement, au sein de la commission, pour écouter les députés par rapport à leur perspective concernant ce projet de loi. Ça, c'est fondamental.
Par la suite, il faut prendre un peu de temps, d'ici septembre éventuellement, pour pouvoir finaliser déjà nos discussions avec les syndicats qui sont toujours en cours – je le dis encore, en respectant l'institution du dialogue social –, et pouvoir revenir au Parlement après avoir laissé le temps aux député de préparer leur contributions.
Notre rôle aujourd'hui est un rôle de facilitateur pour pouvoir permettre à ces composantes d'aller vers le consensus, ou au moins de pouvoir couvrir la quasi-majorité du périmètre d'un projet de organique qui soit à la hauteur du Maroc.
Nous avons une responsabilité historique. Si nous sommes là, la première des choses, c'est que nous soyons vraiment conscients de la responsabilité qui est la nôtre aujourd'hui, car un projet de loi organique n'est pas là pour gérer quatre ou cinq ans. Il est là pour au moins une génération.
Il faudra que ce projet de loi soit digne des attentes de cette génération conformément aux orientations, aux instructions de Sa Majesté qui placent la Marocaine et le Marocain, le citoyen, au cœur de tout ce qui se fait. Et donc respecter son droit à faire la grève est la moindre des choses.
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